La faiblesse fondamentale du Rapport Bouchard-Taylor

Une analyse tronquée qui fait fi de l'impact néfaste des politiques du fédéral au Québec

Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»


Gérard Bouchard, cosignataire du rapport Bouchard-Taylor sur les pratiques
d'accommodement reliées aux différences culturelles, [est intervenu dans les
médias à l'encontre de « représentants de sa famille politique », soit les
souverainistes->13888]. Cette sortie est caricaturale, car elle attribue à un grand
nombre de souverainistes, des propos qui ne s'appliquent pas à tous. Mais
surtout, elle évite à monsieur Bouchard de rendre des comptes sur la plus
grande faiblesse de son rapport, soit le caractère partiel de son analyse.
En effet, celle-ci fait abstraction du problème majeur que pose le
fédéralisme tel qu'il est actuellement imposé aux Québécoises et Québécois,
en ce qui a trait à l'intégration des immigrants.
À la page 106 de leur rapport, les commissaires Bouchard et Taylor
prennent bien soin de dire que leur analyse ne prendra pas en considération
le fait que, et je cite: « le régime politique québécois ne peut être isolé
du cadre fédéral. Certaines décisions du gouvernement fédéral ont un effet
sur la capacité d'action du gouvernement du Québec (.) ».
Alors, messieurs Bouchard et Taylor, grands intellectuels, discourent
pendant des centaines de pages, font des recommandations à l'État du
Québec. Pourtant, ils font abstraction de la capacité réelle d'agir de cet
État et surtout, ils font fi des actions souvent néfastes du gouvernement
fédéral sur le territoire québécois.
À la page 120 de leur rapport, les commissaires affirment aussi que « le
cadre d'opération de l'interculturalisme est le Québec en tant que nation,
tel qu'il est reconnu maintenant par tous les partis politiques québécois
et par le Parlement fédéral. »
Or, cette phrase est trompeuse. Il suffit de lire la motion adoptée au
Parlement en novembre 2006. Le fédéral n'a pas reconnu le Québec comme
nation mais bien les « Québécois ». Il y a ici toute une nuance . De plus,
le fédéral n'a d'aucune manière reconnu le rôle prépondérant de
l'interculturalisme québécois sur le territoire du Québec.
Comme le soulignent Bouchard et Taylor, à la page 122 de leur rapport, en
raison du multiculturalisme canadien « il n'y a pas de culture officielle
au Canada. En conséquence, le multiculturalisme fait du cadre civique qui
l'englobe et le définit un élément identitaire crucial du Canada. (.) il
s'ensuit qu'(.) on se préoccupe moins de la continuité ou de la
préservation d'une vieille culture fondatrice, mais bien davantage de
l'unité ou de la cohésion nationale ». S'ils décrivent bien le
multiculturalisme canadien, les commissaires ont omis de signaler que cette
politique s'applique aussi activement sur le territoire québécois et ne
commentent en rien l'impact négatif de celle-ci par rapport aux enjeux de
l'intégration de la population immigrante au Québec. Face à cette réalité,
les commissaires ne réagissent pas . Quelle démission intellectuelle !
En fait, la politique du multiculturalisme canadien n'est que la pointe de
l'iceberg fédéral qui frappe et écrase les intérêts nationaux du Québec. En
effet, le gouvernement fédéral appuie activement par son argent, ses
politiques, ses lois et ses tribunaux, les groupes de pression et les
individus qui poussent les personnes immigrantes à adopter l'anglais comme
langue de communication interculturelle et ce, quoi que dise et quoi que
fasse l'État du Québec. Si ce choix est respectueux de la vision du Canada
de la grande majorité des Canadiens, un fait demeure : il est en opposition
avec le fondement de ce qui permet l'intégration au Québec, soit le
français comme langue d'échange interculturel.
On ne peut pas se le cacher. Il se joue, particulièrement dans la région
de Montréal, une lutte importante entre le français et l'anglais. Le
résultat de cette lutte déterminera ce qu'il adviendra de l'identité
québécoise en Amérique. Nous savons tous qu'elle évoluera dans le temps,
mais parviendra-t-elle à conserver son caractère français? Bien qu'il y ait
eu des améliorations non négligeables au Québec, près de 50% des immigrants
choisissent encore l'anglais comme langue d'échange interculturel.
Pour que cela cesse, les commissaires Bouchard et Taylor n'auraient eu, à
mon avis, que deux conclusions possibles face aux actions du fédéral :
- Si le Parlement et le gouvernement fédéral reconnaissent vraiment la
nation québécoise, ils doivent le faire par des actes concrets.
Minimalement cela exige, d'une part, la reconnaissance de la prédominance
au Québec de la politique d'interculturalisme québécoise sur la politique
du multiculturalisme canadien et, d'autre part, l'application au Québec de
la loi 101 aux organismes et entreprises de juridiction fédérale.
Ou
- L'indépendance du Québec.
En conclusion, combien de temps encore devrons-nous endurer des
demi-rapports qui présentent le monde avec un regard incomplet qui fuit les
vrais problèmes et rate les seules solutions possibles.
L'intégration des immigrants au Québec passe par le français, langue
commune d'échange interculturelle. Les solutions qui devraient venir
d'Ottawa ne viendront jamais. Au contraire, le fédéral demeurera toujours
un adversaire farouche à ce niveau. Le refus d'aborder cet aspect
fondamental du problème, de la part d'intellectuels aussi avisés, est
inacceptable et démontre une faiblesse qui n'est pas à leur hauteur.
Dommage!
Maria Mourani
Membre fondateur du Mouvement Montréal français.

Députée d'Ahuntsic

Porte-parole du Bloc Québécois en matière de Patrimoine


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