Un vote par défaut

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Ce gigantesque malaise qui habite une majorité de Français






Que restera-t-il de cette élection présidentielle dans quelques jours sinon un immense malaise ? Six mois de débats souvent passionnés, tout cela pour en arriver à ce gigantesque malaise qui habite une majorité de Français.


 

Certes, la qualification au second tour de deux candidats qui ne s’inscrivent pas dans le clivage traditionnel droite-gauche manifeste un certain renouveau de la vie politique française. L’irruption de nouveaux visages issus d’une nouvelle génération annonce peut-être le renouvellement du personnel politique que souhaitait la France depuis longtemps. Mais il ne suffit pas de changer les visages pour changer la politique.


 

Et encore moins pour effacer le malaise que l’on sent partout ces jours-ci, à Paris comme dans les lointaines banlieues frappées par la désindustrialisation. Il suffit d’évoquer une élection volée ou un hold-up politique pour que votre boucher, qui a toujours voté à droite, opine du chef et que votre marchande de journaux, qui a toujours voté à gauche, acquiesce tout autant. Ces dernières semaines, le politologue Dominique Reynié a « inventé » ce qu’il appelle un indice de la « dissidence électorale ». On pourrait aussi appeler cela un indice de la colère. En additionnant les votes de protestation du premier tour aux votes blancs et à l’abstention, il arrive à 61 % ! En 2002, alors que Jean-Marie Le Pen s’était qualifié au second tour, ce vote n’était que de 54 %.


 

Il faudrait évidemment un cataclysme pour qu’Emmanuel Macron ne soit pas élu dimanche. Mais ce sera le président le plus mal élu de la Ve République. Un président élu par défaut pour l’immense majorité de ses électeurs, alors que le vote d’adhésion est nettement plus fort chez Le Pen. Les Français ne sont évidemment pas assez fous pour se jeter dans les bras de cette dernière, dont le programme économique est une caricature. Or, si les Français n’adhèrent pas à la sortie de l’euro, ni les électeurs de Le Pen, ni ceux de Mélenchon, ni ceux de Fillon n’acquiescent à l’europhilie jovialiste d’Emmanuel Macron. En 2012, son père spirituel, François Hollande, avait au moins critiqué du bout des lèvres la politique économique de Bruxelles et promis de la changer. Il n’aurait pas été élu autrement. Si Hollande n’a finalement rien fait, assuré de sa victoire, Macron n’a pas même abordé le sujet.


 

De la réincarnation miraculeuse de François Hollande à l’explosion en plein vol de François Fillon en passant par la comédie antifasciste de la dernière semaine, on n’arrive pas à dissiper cette impression que le débat a été détourné. Le sentiment amer de s’être « fait faire les poches », disait dans une entrevue à L’Express le philosophe Régis Debray.


 

 


Car ni Marine Le Pen ni Emmanuel Macron, avec à peine 24 % de vote d’adhésion, ne représentent l’opinion dominante aujourd’hui en France. Celle-ci est beaucoup plus fine et nuancée que ces discours cantonnés soit dans la colère soit dans un certain autisme à l’égard de la souffrance des Français. Même si elle ne souhaite pas quitter l’euro, cette opinion est majoritairement eurosceptique et certainement pas fédéraliste. Elle est aussi très majoritairement attachée à cette laïcité, qui date de plus d’un siècle, mais dont Emmanuel Macron ne parle jamais. Elle s’inquiète de l’islamisme qui a transformé en poudrière certaines banlieues et sur lesquelles le candidat d’En marche ! est muet. Enfin, elle considère qu’il faut parler des problèmes de l’immigration qui affectent les quartiers populaires. Sujet toujours tabou pour Emmanuel Macron.


 

En France, on dit qu’au premier tour on clive et qu’au second on rassemble. Étrangement, c’est Marine Le Pen qui a fait un pas, certes maladroit, en reculant sur la sortie de l’euro. Du côté de Macron, on s’est contenté de se rejouer la guerre d’Espagne et le No pasarán. Comme si quelqu’un croyait encore que le FN, parti ultranationaliste aux élans xénophobes, était l’équivalent des Waffen SS d’Oradour-sur-Glane. En 2007, l’ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin avait au moins eu l’honnêteté d’avouer que, pendant toutes les années du mitterrandisme, il n’y avait jamais eu de menace fasciste et que « tout antifascisme n’était que du théâtre ».


 
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