Un socle en péril

2fcab4b68f78c0b9d174c7262ff9af19

Regardez bien Harper aller

Il y a un an, le gouvernement Harper mettait fin aux travaux parlementaires en espérant reprendre son souffle. Remaniement ministériel, discours du Trône, annonce d’un accord commercial avec l’Europe, tout devait servir à faire oublier le scandale au Sénat et la pénible affaire Wright-Duffy.

Il y est en partie parvenu, mais parce que d’autres dossiers l’ont mis sur la sellette et continuent de le faire. Plusieurs de ses décisions des années passées sont revenues le hanter, le forçant dans certains cas à des reculs contraires à ses habitudes.

À un an des prochaines élections fédérales, M. Harper et son parti n’arrivent pas à reprendre pied dans la faveur populaire. Il ne peut même pas espérer une division du vote sur sa gauche pour espérer sauver les meubles puisque les libéraux de Justin Trudeau voguent en tête et que le Nouveau Parti démocratique traîne en troisième place.
♦♦♦
Les conservateurs portent de plus en plus le poids de leur bilan. Les mensonges entourant le prix des avions de chasse F-35 les poursuivent toujours, trois ans plus tard. Résultat, le choix d’un avion de remplacement pour les CF-18 traîne en longueur.

De nouveaux abus autour du programme des travailleurs étrangers temporaires sont venus s’ajouter à ceux de l’an dernier, accentuant l’indignation. Sous la pression, le gouvernement a dû montrer qu’il faisait quelque chose. Il a renoncé à plusieurs changements qu’il avait lui-même apportés au fil des ans et annoncé hier une réforme en profondeur.

Plusieurs de ses projets de loi ont été contestés avec succès devant les tribunaux. Le gouvernement connaissait pourtant les risques dans presque tous les cas puisque des juristes et des experts l’avaient répété devant les comités parlementaires chargés d’étudier les projets en question. Mais fidèle à lui-même, le gouvernement a fait la sourde oreille.

Il a même persisté dans cette direction ce printemps lors de l’étude de son projet de loi sur la citoyenneté et de ceux touchant à la protection de la vie privée. Malgré un jugement tout frais confirmant que les forces de l’ordre ne peuvent obtenir sans mandat les informations personnelles des clients des fournisseurs de services Internet, il a refusé d’amender en conséquence les projets de loi sur le point d’être adoptés ou encore à l’étude. Le même scénario se prépare dans le dossier de la prostitution.

Ses plus grosses défaites demeurent cependant l’invalidation de la nomination du juge Marc Nadon à la Cour suprême et la confirmation qu’Ottawa ne peut procéder seul avec la réforme ou l’abolition du Sénat. Encore là, il avait été averti qu’il faisait fausse route, mais il s’est entêté.
♦♦♦
Ce gouvernement a toujours mis nos institutions à l’épreuve. Le Parlement d’abord. Il y présente des projets de loi, mais ne laisse pas les élus les étudier correctement. Depuis les élections de 2011, il a imposé le bâillon plus de 75 fois, dont 20 depuis janvier. L’étude en comité est de pure forme puisque le gouvernement fait presque toujours fi de ce qui s’y dit. Le plus étonnant est de voir que, face à ce gouvernement qui ne croit plus (s’il y a déjà cru) à ce processus, il y a des groupes et des citoyens qui persistent, eux, à y croire assez pour venir témoigner.

Cette mise à l’épreuve de nos institutions a atteint un sommet ce printemps avec des attaques en règle contre Élections Canada et la juge en chef de la Cour suprême. Deux frondes qui ont toutefois provoqué d’énormes tollés, isolé le gouvernement comme jamais et renforcé la méfiance à son endroit.

Cela a commencé en février avec le dépôt de la Loi sur la réforme électorale, assortie d’insinuations malveillantes à l’endroit du directeur général des élections, Marc Mayrand, et les centaines d’experts et intervenants, dont l’ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser, qui ont pris son parti.

Confrontés au mécontentement d’une partie de leur base et au risque de perdre des plumes lors des prochaines élections, les conservateurs ont reculé et apporté des amendements importants, mais tout n’a pas été réglé et la loi sera contestée devant les tribunaux. Le Conseil des Canadiens et la Fédération canadienne des étudiants ont déjà annoncé leur intention en ce sens.

Les attaques contre l’impartialité de la juge en chef de la Cour suprême dans le dossier Nadon étaient du jamais vu. Toute la communauté juridique s’est insurgée et a exigé des excuses. Sans succès. Mais le gouvernement a baissé le ton et nommé un nouveau juge pour représenter le Québec. Le hic est que le gouvernement ne digère toujours pas la décision Nadon et manoeuvre pour la contourner en vue de la nomination d’un autre juge québécois en novembre. Une autre façon de mépriser cette institution fondamentale qu’est la Cour.

Le seul point rassurant dans tout cela est la réaction immédiate et vigoureuse qui a suivi la présentation du projet de réforme électorale et les attaques contre la juge en chef. Le gouvernement a vu qu’il y avait des limites à l’intimidation. Mais celle-ci se vit au quotidien à Ottawa sans que cela soulève l’indignation en dehors de quelques cercles. Le danger d’érosion est pourtant là.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->