Un Rom fait de la prison ferme pour une « escroquerie » de 15 €

Laideur française - le temps de [Jean Valjean->http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Valjean] serait-il revenu? (article envoyé au Maclean's...)

Par Manuel Sanson - « La prison, c'est fini », annonce l'avocate. Soulagement. Adrian M., jeune Rom de 24 ans, ne retourne pas en maison d'arrêt. Ce lundi 27 septembre, la cour d'appel de Rouen vient de déjuger le tribunal correctionnel de Dieppe.
Adrian M. avait été condamné à trois mois de prison ferme pour avoir mendié 15 euros en se faisant passer pour un sourd et muet. Aujourd'hui, il écope de « seulement » trois mois avec sursis.
Trois mois ferme pour escroquerie
Le jeune homme, domicilié en Angleterre, a été arrêté fin août dernier. Il faisait la manche dans un petit village du pays de Bray en Seine-Maritime, se faisant passer pour une personne handicapée. Il se présentait aux gens avec un papier à en-tête bidon, au nom d'une association de sourds et muets.
Dénoncé par ses deux seules victimes, il a été interpellé par les gendarmes, placé en garde à vue et présenté en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Dieppe. Verdict : trois mois ferme pour escroquerie avec une incarcération à la clé.
« Une injustice à mettre en lien avec certaines déclarations des plus hautes autorités de l'Etat qui stigmatisent les Roms », rappelle son conseil Me Descamps aux juges de la cour d'appel.
Suite à cette décision, l'avocate a immédiatement déposé une demande de remise en liberté. Examinée le 15 septembre dernier, elle a été acceptée. Fait rare, alors que le prévenu ne bénéficiait pas des garanties de représentation en France (domicile, travail…), le parquet ne s'est pas opposé à cette demande. Il comparaissait donc libre.
Aujourd'hui, devant les juges de la cour d'appel de Rouen, l'avocate continue d'enfoncer le clou, pointant du doigt « le climat politique » :
« On ne peut pas s'empêcher de penser qu'Adrian M. a été jugé de la sorte simplement parce qu'il était rom. Si mon client avait été belge ou italien, il n'aurait pas eu droit au même traitement. »
Condamné à cause du « climat de stigmatisation » des Roms
L'homme qu'elle défend n'a pas le profil du délinquant. « Il est revenu aujourd'hui se présenter de lui-même devant la cour », insiste l'avocate. Casier judiciaire vierge, aucun alias connu, père de famille au travail, Adrian M., visiblement impressionné, écoute son avocate aidé d'une interprète. Me Descamps conclut sa plaidoirie en demandant une peine de sursis, selon elle « une peine juste ».
Une avocate qui surfe sur le climat de stigmatisation des Roms, c'est de bonne guerre ; de la part du ministère public, cela peut surprendre :
« On a passé un été dans la tourmente, en pleine ébullition, avec tout un tas de faits sur lesquels on a tout dit, tout confondu. Dans ce contexte, on se doit de faire preuve d'une grande rigueur intellectuelle. »
Et la magistrate de désavouer son collègue dieppois. Elle réclame toujours trois mois, mais cette fois avec sursis. Les juges partent délibérer. En attendant, Adrian M. se confie :
« J'ai été condamné de la sorte à cause de ma nationalité. Ce qui se passe en France au sujet des Roms est profondément injuste. »
Au passage, il rappelle qu'en Angleterre, là où il réside, « la vie est plus facile pour les gens de sa communauté ».
L'échange s'interrompt, les magistrats reviennent. Et suivent les réquisitions du procureur. Trois mois de prison avec sursis. « Encore trop », estime son avocate.
Pour 15 euros mendiés, Adrian M. aura passé près d'un mois en détention provisoire, dépensé 180 livres sterling (210 euros) pour faire l'aller-retour aujourd'hui. Et il doit encore 90 euros au Trésor public pour son passage devant un tribunal français.


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