SAGARD

Un oubli qui fait jaser

Les quotidiens de Gesca n’ont pas parlé de la vidéo

L'affaire Desmarais


JEAN-LOUIS FORTIN - Certains se contentent de monter une tente en quelques heures pour faire la fête. Pour madame Desmarais, les choses ont été faites en grand, comme le démontrent ces photos illustrant différentes étapes de la construction du bâtiment ayant accueilli les convives.
DOSSIER
Fréquentations au domaine Sagard
La vidéo d’une fête réunissant la famille Desmarais et le premier ministre, Jean Charest, a fait couler beaucoup d’encre, hier, sauf dans les quotidiens du groupe Gesca.
Plusieurs experts dans l’analyse des médias se sont demandé pourquoi la nouvelle n’avait pas été reprise dans les éditions papier et sur les sites Web des quotidiens La Presse et Le Soleil, propriétés de Gesca, une filiale de l’empire Desmarais.
« Suspicion alimentée »
« Je ne peux pas dire que je suis très surpris. Je m’attends toujours à ce que chaque empire médiatique ait un angle mort par rapport aux nouvelles qui le concernent », a lancé en entrevue Marc-François Bernier, titulaire de la Chaire de recherche en éthique du journalisme de l’Université d’Ottawa.
« Ne pas parler d’une telle nouvelle, dans une société où les gens se méfient beaucoup des médias, c’est le genre de choses qui alimentent la suspicion », a estimé le professeur.
Dans la vidéo rendue publique par le groupe Anonymous, qui montre des extrait d’un spectacle au manoir des Desmarais, auquel assiste notamment le premier ministre Jean Charest, un chanteur déambule sur scène en chantant le nom des quotidiens de Gesca, sur l’air de la pièce Beat It, de Michael Jackson. En arrière-plan, une dizaine de danseurs effectuent une chorégraphie, un journal à la main.
Repris partout ailleurs
Sylvain Rocheleau, du Groupe de recherche interdisciplinaire sur la communication, l’information et la société (GRICIS) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a noté sur son blogue que les médias de Québecor, ainsi que Radio-Canada, Le Devoir, le 98,5 FM, le Huffington Post Québec, le journal Métro ainsi que CTV ont tous « cru que cette nouvelle valait la peine d’être couverte ».
« Comment expliquer alors le silence des journalistes de Gesca alors que toute la presse québécoise couvre la nouvelle? » s’est-il demandé.
« Les médias devraient avoir ce courage-là, de parler d’eux-mêmes. Le New York Times le fait, les médias dans le monde anglo-saxon ont plus tendance à le faire », selon Marc-François Bernier.
Leurs demandes ont été exaucées à 14 h 43, alors qu’un texte à propos des questions soulevées au Parlement par les partis d’opposition a été mis en ligne sur le site Web de La Presse.
Invité à commenter l’intérêt de la publication d’une telle nouvelle, Mario Girard, directeur de l’information de La Presse, n’a pas rappelé Le Journal.
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Des médailles bien en vue
QUÉBEC - Si beaucoup de convives de marque aux festivités grandioses de Sagard, en 2008, portaient des médailles autour du cou, c’est qu’on le leur a recommandé dans le carton d’invitation. Il est même fort probable que des insignes aient été remis lors de cette célébration quasi royale.
C’est du moins l’analyse faite au Journal par un spécialiste des questions protocolaires qui a souhaité conserver l’anonymat. Tout comme beaucoup de lecteurs et d’internautes, ce dernier a tout d’abord été « un peu étonné » de voir que nombreux invités à la majestueuse fête de Sagard paradaient fièrement avec leurs distinctions accrochées au cou.
Plus tôt cette semaine, le collectif informatique Anonymous avait mis en ligne une vidéo de plus de deux heures dans laquelle on voit plusieurs personnalités assister à la majestueuse fête donnée pour le 80e de Jacqueline Desmarais, épouse de Paul Desmarais, dans leur domaine charlevoisien de Sagard. Jean Charest, George Bush père, Jean Chrétien, Brian Mulroney ou encore Lucien Bouchard faisaient partie des invités.
« Normalement, on demande aux gens de venir avec leurs décorations lorsqu’on sait qu’il y aura une remise d’insignes, mentionne notre source. Contrairement à la croyance, les médailles ne sont pas forcément toujours remises dans un cadre officiel comme celui de l’Assemblée nationale. C’est plus rare, mais ça peut se faire dans d’autres lieux, y compris privés lorsque c’est pour quelqu’un d’aussi puissant que M. Desmarais. »
Illustration de cette « puissance », notre contact s’est même remémoré un voyage officiel de Jean Charest, en Chine, à l’automne 2005. « Paul Desmarais, qui fait affaire avec les Chinois depuis très longtemps, avait droit à une escorte policière, mais pas Jean Charest. Il a fallu se battre avec eux pour leur rappeler qui était le premier ministre du Québec. »
Décoration américaine ou espagnole?
Si une distinction a bel et bien été décernée à Sagard, l’expert du Journal juge « peu probable » qu’il s’agissait d’une décoration du gouvernement du Québec ou de celui du Canada. « Comme c’est un lieu privé, c’est beaucoup plus délicat. Ottawa ou Québec auraient pu craindre que ça se sache par la suite », croit-il.
L’hypothèse la plus probable, selon notre même source, est celle d’une décoration américaine offerte par l’ex-président Bush père ou encore par le roi d’Espagne Juan Carlos. Ce dernier n’est pas visible sur la vidéo mise en ligne par Anonymous, mais il s’agit d’un habitué de Sagard, selon des articles publiés en 2008. « Si c’est le cas, la décoration peut être remise à une personne de n’importe quelle citoyenneté. Pas forcément à un Canadien ou à un Québécois », croit le spécialiste en protocole.
Ordre national du Québec
« Chaque année depuis 1985, le premier ministre du Québec rend hommage aux personnes d’exception qui, par leurs réalisations, leurs valeurs et leurs idéaux, ont marqué l’évolution et le rayonnement du Québec. Il leur confère les titres prestigieux de chevalier ou de chevalière, d’officier ou d’officière, ou de grand officier ou de grande officière de l’Ordre national du Québec ».
Paul Desmarais, ses fils Paul et André ont été nommés Officiers en 2009. Jeudi prochain, Jacqueline deviendra Grande Officière à l’occasion d’une cérémonie à l’Assemblée nationale. Jean Charest lui accordera ainsi la plus haute distinction de l’État du Québec.


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