Un dégel trop timide

Un économiste de l'éducation suggère de faire contribuer davantage les étudiants

Université - démocratisation, gouvernance et financement


Morin, Annie - Le dégel imminent des droits de scolarité n'est ni une injustice ni une menace à l'accessibilité aux études, plutôt une nécessité. Et tant qu'à ouvrir la boîte de Pandore, le gouvernement du Québec devrait puiser davantage dans les poches des étudiants et ajuster leur facture en fonction de leur programme d'études.
Clément Lemelin, professeur au département des sciences économiques à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et spécialiste des aspects économiques de l'éducation, était l'invité de l'Association des économistes québécois, hier, au Château Frontenac.
Il est venu dire que l'augmentation des droits de scolarité projetée par le gouvernement minoritaire de Jean Charest ne fait que les ramener, en dollars réels, au niveau du gel de 1994. Au point où il hésite à utiliser le mot dégel, auquel il préfère le terme "réajustement".
Les libéraux veulent augmenter les droits de scolarité de 50 $ dès le trimestre d'automne. Ils feront de même à l'hiver et reviendront à la charge les quatre années suivantes. D'ici 2011-2012, la facture grimpera donc de 1668 $ à 2168 $ par année, soit environ 30 %. C'est à peine plus que l'indexation.
M. Lemelin a rappelé que le gouvernement du Québec investit davantage en éducation postsecondaire que ses homologues des autres provinces canadiennes. Il ne voit pas pourquoi cette contribution devrait encore augmenter, alors que celle des étudiants québécois demeure largement inférieure à celle de leurs camarades du reste du pays. "Pourtant, c'est un investissement très payant pour eux."
Sans prôner une remontée à la moyenne canadienne, qui avoisine 5000 $, M. Lemelin estime que le seuil psychologique de 3000 $ pourrait facilement être franchi.
Il souligne que la hausse spectaculaire des années 1990 n'a pas miné la fréquentation. Au contraire, il y a eu plus d'inscriptions dans les universités. Et même s'il y avait un effet cette fois, ce ne serait pas nécessairement une mauvaise nouvelle, dit-il, car "certains seraient plus prudents dans l'utilisation des services". Façon polie de dire qu'il se trouverait moins d'étudiants pour se traîner les pieds.
M. Lemelin s'élève contre les associations d'étudiants et de professeurs qui réclament une nouvelle consultation publique et un débat à l'Assemblée nationale sur la pertinence d'augmenter les droits de scolarité. Par contre, il se dit prêt à débattre de leur modulation en fonction des programmes d'études. À son avis, les étudiants devraient payer davantage pour accéder aux programmes plus coûteux et mieux rémunérés. "Pourquoi ça coûterait le même prix en médecine vétérinaire qu'en travail social ?" demande-t-il.
En contrepartie, le spécialiste croit qu'il faut bonifier l'aide financière pour s'assurer que les étudiants provenant de familles moins fortunées puissent poursuivre des études postsecondaires. "Il faut se demander si les paramètres actuels permettent aux étudiants de survivre ou de vivre de façon décente."
Clément Lemelin, professeur au département des sciences économiques à l'UQAM hésite à utiliser le mot dégel, auquel il préfère le terme "réajustement".


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