RAPPORT GODBOUT

Un choix politique

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Du bon et du moins bon

Prise comme un tout, la réforme proposée par la Commission d’examen sur la fiscalité, dont le rapport a été rendu public jeudi, répond à plusieurs critiques du régime fiscal québécois, composé de centaines de changements apportés à la pièce au fil des ans. Malgré la cohérence qui a présidé à sa rédaction, son application reste soumise aux contraintes et aux caprices politiques du gouvernement.
La réforme de la fiscalité proposée par la commission présidée par le fiscaliste Luc Godbout n’est pas la révolution que certains espéraient, à droite comme à gauche. Elle n’en est pas moins majeure et, somme toute, bien équilibrée.

Si elle était appliquée intégralement, elle aurait pour conséquences de simplifier notre fiscalité, de la rendre plus efficace sur le plan économique et aussi plus équitable sans coûter un cent supplémentaire aux contribuables… pris globalement. Malheureusement, les contribuables ne forment pas un bloc homogène et certains seraient forcément touchés plus que d’autres.

La rumeur voulait que la commission propose une forte hausse de la TVQ en contrepartie d’une baisse de l’impôt sur le revenu. Or, elle ne propose qu’un point de hausse de la TVQ, mais y ajoute des hausses de taxes sur le tabac, la bière, l’essence, les primes d’assurances, et surtout une hausse brutale des tarifs d’électricité, surtout pour les plus grands consommateurs résidentiels.

De plus, la commission juge, avec raison, que le temps est venu de faire le ménage dans les dizaines de crédits d’impôt qui créent des distorsions dans la structure de base de l’impôt. Certains de ces crédits profitent à peu d’individus, comme le congé fiscal pour les marins, d’autres sont au contraire très populaires, tel le crédit sur les revenus de retraite ou celui pour l’épargne étude.

On entend déjà les cris d’effroi des uns et des autres pour défendre ces avantages ! Or, si chacun de ces crédits paraît peu coûteux, ensemble ils représentent plus d’un milliard par année de fardeau supplémentaire à être supporté par tous les contribuables.

Parce que l’impôt sur le revenu pèse plus lourd que les taxes et les tarifs sur la croissance économique et l’emploi, la commission propose l’élimination complète de la contribution santé, très impopulaire, et une refonte de l’impôt des particuliers qui serait désormais calculé selon une échelle à neuf paliers au lieu de quatre. Au bas de cette échelle, les contribuables ne paieraient plus aucun impôt avant 18 000 $, ce à quoi s’ajouteraient le crédit de solidarité bonifié et un ingénieux « bouclier fiscal » dont le but serait d’éviter que les travailleurs qui gagnent moins de 75 000 $ perdent instantanément leurs avantages fiscaux à la suite d’une augmentation de salaire.

Dans le cas des entreprises, la commission propose aussi une baisse du taux d’impôt général et, dans le cas des PME, une baisse de la taxe sur la masse salariale. Et pour financer ce milliard en réductions, on opte là encore pour l’abolition d’une kyrielle de crédits, dont les très coûteux crédits remboursables aux grandes sociétés, qui ne profitent qu’à 4 % des entreprises sans les inciter à déclarer leurs profits chez nous puisqu’ils sont versés même en l’absence de profits.

Parlant de profits, le rapport insiste sur l’importance de combattre le recours aux paradis fiscaux, mais dans ce dossier comme dans plusieurs autres cités dans le rapport, Québec doit convaincre Ottawa d’agir. Ce qui ne va pas de soi dans le fédéralisme actuel.

Le rapport Godbout est truffé de suggestions pertinentes qui, si elles étaient appliquées, rapprocheraient le régime fiscal québécois de celui de ses principaux concurrents tout en améliorant la progressivité de l’impôt.

En revanche, il présente bien des difficultés de mise en oeuvre, la principale étant qu’il est bien tentant mais très difficile pour un gouvernement d’augmenter les taxes et les tarifs, même en baissant les impôts. La semaine dernière encore, le ministre Pierre Arcand promettait de ne pas laisser les tarifs d’électricité croître plus vite que l’inflation : on voit donc mal comment on pourrait les hausser de 12 % à 17 % d’un seul coup ! Or agir à la pièce, sans plan formel, risque d’empirer la situation au lieu de l’améliorer.

Les membres de la commission n’ont mis que huit mois à rédiger un rapport d’une grande qualité. Il serait surprenant que celui-ci soit adopté en entier, mais il mérite certainement de faire l’objet d’un débat public qui servirait de guide à la préparation des prochains budgets.


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