Tuerie de Nice : halte aux débats stériles

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Des entraves ne sont acceptables que si elles ne servent pas de prétexte aux pouvoirs pour atteindre d'autres fins que la sécurité publique

Après les dessinateurs de Charlie, après les policiers, les Juifs, après la jeunesse aux terrasses des cafés, ce sont des enfants, des adolescents, des parents, des familles entières qui sont tombées lors du carnage perpétré à Nice, la nuit du 14 juillet, par un Tunisien au volant d’un camion semant l’horreur et la mort sur la promenade des Anglais. L’opération a été revendiquée par l’organisation État islamique trente-six heures après.


Peut-on être plus clair ?


Notre cauchemar se répète, sous des formes diverses, dans des scénarios qui privilégient de plus en plus l’attaque massive au bilan humain effroyable. Mais il est si difficile de s’habituer à la terreur islamiste, qu’à chaque nouvelle épreuve, à chaque nouvel attentat commis contre la France et les Français, les mêmes réflexions incrédules, les mêmes hésitations et souvent les mêmes dénis s’expriment.


« Il n’avait pas l’air d’un terroriste. »

« Il n’était pas radicalisé. »

« Il s’amusait, il fréquentait des filles, il mangeait même du porc. »

« Il était en instance de divorce, ça l’avait perturbé. »

« C’était un être déséquilibré, violent. »

« C’était un petit délinquant, pas un croyant. »


Toutes ces remarques, émanant des voisins et proches de Mohamed Lahouaiej Bouhlel et reprises par les médias, traduisent la même difficulté à comprendre le mode opératoire de la guerre qui a été déclarée à la France par le groupe État islamique, sans oublier Al-Qaïda. Depuis 2014, on sait par les appels au djihad des communicants de l’État islamique que ces évènements vont survenir : « Si vous ne pouvez pas faire sauter une bombe ou tirer une balle, débrouillez-vous pour vous retrouver seul avec un infidèle français ou américain et fracassez-lui le crâne avec une pierre, tuez-le à coups de couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le d’une falaise, étranglez-le, empoisonnez-le », préconisait, en septembre 2014, Abou Mohammed Al-Adnani, Syrien vétéran du djihad, porte-parole de l’organisation terroriste. Peut-on être plus clair ?



« Le djihad individuel, l’ubérisation du djihad, c’est le djihad des temps modernes. »



Encore plus troublant, dès 2010, on pouvait lire cette recommandation parue dans Inspire, le magazine anglophone d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) : « Utilisez un camion comme une tondeuse à gazon. Allez dans les endroits les plus densément peuplés et prenez le maximum de vitesse pour faire le plus de dégâts. Si vous avez accès à une arme à feu, utilisez-la pour finir le travail. » Peut-on être plus clair ?


Il n’y a pas besoin d’avoir fait ses classes en Syrie, pas besoin de suivre les filières classiques du recrutement, de la radicalisation, du départ vers les zones de combat de l’État islamique, puis du retour au pays pour semer la terreur. Ce scénario appartient déjà au passé. Le djihad individuel, l’ubérisation du djihad, c’est le djihad des temps modernes. Agissez, prenez des initiatives. Quel que soit votre profil. Même si vous êtes un délinquant, surtout si vous êtes un délinquant, puisque vos pêchés seront pardonnés. Dans une vidéo repérée par le journaliste de RFI David Thompson, jeudi 14 juillet, un djihadiste français appelait les candidats à la guerre sainte à agir localement« Déchire ton billet pour la Turquie, le firdaws [«paradis»] est devant toi, tu manipules deux, trois voyous, tu trouves une arme dans n’importe quel quartier. » Peut-on être plus clair ?


La démocratie vaut bien quelques sacrifices


Le terrorisme islamiste est désormais une décision entre soi et soi. Mohamed Lahouaiej Bouhlel ne faisait pas l’objet d’une fiche S. On peut se radicaliser en six mois, en six jours, en six heures. Le djihad individuel, 100%, autonome, est tamponné, validé, agréé. Allah reconnaîtra les siens et l’État islamique revendiquera l’attentat s’il est conforme à ses préconisations. Comprenez par là : s’il a fait un maximum de victimes sur un territoire de mécréants.


La violence, la sidération, le chagrin, l’incompréhension ne doivent pas nous ôter notre lucidité. La guerre, e n’est plus comme avant. Le terrorisme, ce n’est plus comme avant. L’éternelle polémique sur la radicalisation qui précède l’islamisation ou l’inverse n’a plus lieu d’être. Bien sûr que ces terroristes sont des être déséquilibrés, instables, fascinés par la violence ! Qu’ils soient organisés dans des filières islamistes ou qu’ils agissent de façon autonome, ils le sont tous à un degré ou un autre. Car enfin si Mohamed Lahouaiej Bouhlel « répond plus au profil d’un pauvre type instable et déséquilibré », alors les frères Kouachy, Coulibaly, Merah et Aballa seraient des gars normaux stables et équilibrés ? Mais dans quels raisonnements absurdes sommes-nous en train de nous perdre ?



« Il est urgent que l’État, qui nous représente tous et dont le devoir est d’assurer notre sécurité, ajuste enfin son tir. »



Depuis le début des attentats en France, il n’y a pas eu d’affrontements entre communautés, d’actes de vengeance isolés contre des musulmans, de radicalisation par la peur. Cette guerre civile que redoutent tant les experts n’a pas eu lieu. Il faut en faire crédit à tous les Français qui n’ont pas versé dans la haine et le ressentiment. Mais il est urgent que l’État, qui nous représente tous et dont le devoir est d’assurer notre sécurité, ajuste enfin son tir. Il faut nous donner les moyens de résister, d’anticiper, de faire peur, d’être craint. Et cela implique des mesures qui sortent de l’ordinaire.


La démocratie est prise en otage par les terroristes. Ils connaissent trop bien nos prudences, nos précautions, notre embarras, notre crève-coeur à assumer un État fort. Mais doit-on encore à la fois dire qu’on est en guerre et continuer à refuser toutes les conséquences que cela implique ?


Aucun policier supplémentaire dans la ville de Nice, aucun militaire de réserve, aucun barrage, aucune chicane destinée à crever les pneus du camion – c’est ce que disent les militaires – n’aurait pu stopper le camion suicide de Mohamed Lahouaiej Bouhlel cette nuit-là. N’en déplaise à l’opposition qui est déjà en campagne électorale et nous a gratifiés de quelques commentaires étonnants, le pompon revenant à Henri Guaino regrettant qu’on n’ait pas pu tirer au lance-roquette sur la promenade des Anglais…


Les mesures qui nous protègent à long terme (car oui, cette bataille va être longue et il y aura, hélas, d’autres victimes) sont d’un ordre supérieur. Sécurité, arsenal législatif, renseignement, contrôle des frontières, harcèlement des organisations terroristes islamistes. La démocratie est attaquée. Notre mode de vie est attaqué. Nos jeunes et nos enfants sont attaqués. Nous devons opposer à la terreur barbare, la fermeté, le bon sens et la lucidité. La démocratie vaut bien quelques sacrifices. Y compris des coups de canifs –provisoires bien sûr – dans nos libertés.



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