BOUSCULADE AUX COMMUNES

Trudeau s’excuse et remballe l’artillerie lourde

Les libéraux retirent la motion qui a mis le feu aux poudres

Fdb1bab0ec7f763c561e79f7d489726a

Pas payant, l'immaturité et l'absence de contrôle de ses émotions

Après la « molestation », la mortification. Le premier ministre Justin Trudeau s’est excusé une seconde fois jeudi d’avoir empoigné un député conservateur pour accélérer la tenue d’un vote, bousculant au passage la néodémocrate Ruth Ellen Brosseau. L’opposition, qui avait forcé la tenue d’un débat ininterrompu sur l’incident, a obtenu du gouvernement le retrait d’une motion qui aurait limité ses pouvoirs parlementaires. La tension à la Chambre des communes, qui était à couper au couteau, s’est apaisée d’un coup.

« Je m’excuse d’avoir traversé la Chambre pour tenter de faire en sorte que le député [Gordon Brown] prenne sa place. Cette intervention était inappropriée. Ce n’est pas mon rôle et cela n’aurait pas dû arriver », a déclaré Justin Trudeau jeudi matin. « Dans mon empressement, je n’ai pas fait attention aux gens autour de moi et j’ai accidentellement bousculé la députée de Berthier-Maskinongé, a-t-il continué. C’est quelque chose que je regrette profondément. Je m’excuse sincèrement pour les gestes que j’ai posés hier [mercredi]. »

M. Trudeau a dit avoir « manqué à son devoir de se comporter de façon exemplaire ». « Je m’attends à mieux de moi-même. » Il a accepté qu’un comité parlementaire se saisisse de la question pour déterminer les suites à donner à l’incident. « Je suis pleinement préparé à accepter la décision du comité. »

Les excuses ont été acceptées par les partis d’opposition, mais ils ne décoléraient pas à cause de la motion M-6 que le gouvernement faisait planer au-dessus de leur tête. Cette motion aurait donné les pleins pouvoirs aux libéraux, notamment de faire siéger la Chambre 24 heures sur 24. Les débats se seraient poursuivis toute la nuit, ou jusqu’à ce qu’un ministre en décide autrement, ce que le NPD appelait « la législation par fatigue extrême ». Pour se plaindre, l’opposition étirait donc le débat sur l’incident de M. Trudeau, empêchant la Chambre de retourner à ses activités régulières. À 14 h, le gouvernement a abdiqué et retiré sa motion.

« Notre objectif demeure, a cependant averti le leader en Chambre du gouvernement, Dominic LeBlanc. Nous voulons travailler avec tout le monde pour trouver un mécanisme approprié afin de prolonger les heures des travaux et permettre un débat plus respectueux sur les projets de loi du gouvernement. » Le projet de loi sur l’aide à mourir est au coeur des préoccupations du gouvernement.

L’opposition a accepté de bonne grâce la décision. « C’est un bon début », a dit la chef conservatrice par intérim, Rona Ambrose. Elle demande néanmoins que le gouvernement s’engage à laisser parler tous les députés qui le désirent sur l’aide médicale à mourir. Au NPD, Peter Julian parle lui aussi d’une « bonne première étape pour rétablir une bonne relation de travail ».

Une affaire de procédure

Des querelles de procédures échauffent les esprits à Ottawa depuis le début de la semaine. Le NPD avait fait savoir au gouvernement qu’Alexandre Boulerice présenterait lundi quatre amendements au projet de loi C-10. Mais au moment venu, M. Boulerice est sorti de la Chambre, précipitant un vote. Pris de court, les libéraux ont peiné à rapatrier assez de soldats. Ils ont remporté le vote à 140 contre 139, grâce au président qui a dû trancher.

Est-ce par représailles que la motion M-6 a été présentée ? L’opposition le croit. Toutes les promesses de Justin Trudeau de faire de la politique différemment sont « passées à la trappe parce que son ego a été froissé lundi », a soutenu Andrew Sheer, qui a lui-même été président de la Chambre sous Stephen Harper. « Ils ont eu une réponse émotive à un vote normal au cours d’une journée normale de travail. »

À cet égard, la chef du Parti vert, Elizabeth May, s’inscrit en faux.
« Aucune provocation ne justifie M-6, mais avec respect, Andrew, le vote de lundi n’était pas un vote normal au cours d’une journée normale. Ça faisait des décennies qu’il n’y avait pas eu de vote un lundi midi. Il doit y avoir un certain respect pour que l’endroit fonctionne. Et quand ce respect disparaît, cet endroit s’écroule. »

Un spécialiste de la procédure parlementaire, qui préfère ne pas être nommé, explique que M-6 était une mesure extraordinaire jamais vue auparavant. Toutefois, il note que les conservateurs de Stephen Harper ont fait, très souvent, quelque chose de similaire : ils faisaient en sorte qu’un débat ne puisse plus prendre fin et se poursuive tard dans la nuit, jusqu’à ce que l’opposition se fatigue. Cela permettait de ne pas passer des jours sur un même sujet. La différence, c’est que cette méthode était circonscrite chaque fois à une seule motion ou à un seul projet de loi. Les libéraux se donnaient avec M-6 le pouvoir de le faire pour toutes les initiatives législatives.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->