LIBRE OPINION

Tout cela

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{{Et plus encore...}}

Les élections, la débâcle du PQ, la reddition d’une élite certaine de l’être, tout cela devrait, me semble-t-il, nous ramener à une première question essentielle : voulons-nous encore préserver, renforcer, enrichir une culture, notre culture, celle qui nous distingue du reste de l’Amérique du Nord ? Et par culture, j’entends notre langue, bien sûr, mais aussi nos institutions, notre volonté et notre capacité de partager la richesse, notre manière bien à nous de faire l’économie, une économie plus coopérative, plus sociale, plus humaine que celle pratiquée dans le reste de l’Amérique. Et, si oui, deuxième question, comment y arriver ? En nous satisfaisant d’un pouvoir d’influence anémié au sein d’une fédération qui ne partage pas grand-chose de cette culture, ou en nous donnant l’entière capacité de décider par nous-mêmes et pour nous-mêmes, en nous donnant la seule institution qui nous manque vraiment : un gouvernement entièrement responsable de ses décisions ? Et puis, je me rends soudainement compte que cette deuxième question m’est peut-être venue trop rapidement.

Le doute s’est installé, peut-être depuis longtemps déjà, mais il me saute soudainement aux yeux, clairement : se pourrait-il que cette culture, notre culture, ne soit déjà plus aux yeux de la majorité ? Se pourrait-il que la langue que nous parlons soit en voie d’extinction, qu’elle apparaisse désormais à trop d’entre nous simplement comme une trace de l’histoire, comme un témoignage sympathique, comme un sédiment encore touchant, mais enfoui, de la résistance d’ancêtres pas encore tout à fait morts ?

Se pourrait-il que la mondialisation et sa communication instantanée, furtive, en apparence diversifiée, mais dominée en réalité par la langue des affaires, aient complètement gommé la nécessité d’une diversité culturelle dont nous aurons été des acteurs (« aurons été » comme dans has been) de premier plan en Amérique du Nord ? Se pourrait-il que le siège constant maintenu par les compagnies de cartes de crédit auprès de générations entières de nouveaux consommateurs ait eu raison de notre volonté de partager la richesse, que l’attrait d’un pouvoir d’achat décuplé par une carte offerte-sans-intérêt-pour-le-premier-mois en soit venu à remplacer la poursuite d’une vie solidaire par celle du confort et de l’indifférence ?

Se pourrait-il que notre quête d’identité nationale soit remplacée par une quête d’identité personnelle que l’on achète à crédit dans les grandes surfaces ? Se pourrait-il que le refus de débattre de la question nationale soit en réalité le refus de contribuer à la construction d’un destin collectif tout occupés que nous sommes à joindre les deux bouts de la journée, de la semaine, du mois ?

Soudainement, ces questions, ce doute conduisent à un terrible constat : nous sommes, mais moins certains de qui nous sommes. Alors, pourquoi se battre pour défendre une identité dont les contours seraient devenus flous ? Pourquoi renforcer une culture qui rayonnerait sur les scènes internationales ou dans nos maisons de la culture comme la lumière d’une étoile en train de refroidir ? Pourquoi revendiquer un pouvoir décisionnel pour nous-mêmes et par nous-mêmes si nous pensons être comme les autres ?

À moins que ce flou ne soit qu’un banc de brume déposé sur notre conscience historique et citoyenne, une brume opaque mais possible à dissiper si nous nous y mettons vraiment et pour longtemps, si nous offrons intensément, vigoureusement et passionnément à nos enfants et à nos jeunes le souffle d’une éducation, d’une école où les valeurs qui ont construit notre différence inspirent et guident leurs apprentissages : la créativité, l’autonomie, la coopération, la solidarité, la fraternité, et notre langue.


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