C’est tout de même révélateur : pendant que les politiciens et les médias du Québec débattent de la demande d’une journée contre l’islamophobie comme si c’était une crise nationale, c’est le calme plat sur le sujet en Ontario. Pas un mot sur cette nouvelle dans le Globe and Mail depuis la fin de semaine.
Pourtant, c’est au gouvernement Trudeau et non à Philippe Couillard que la demande du Conseil national des musulmans canadiens a été expédiée. Mais c’est chez nous que le débat fait rage, comme si c’était au gouvernement du Québec qu’il incombe de répondre.
Je comprends que c’est à Québec et non à Toronto ou Halifax que le drame du 29 janvier 2017 à la Grande Mosquée est survenu, mais ce n’est pas suffisant pour expliquer ce qui se passe. Les Québécois ne sont pas tous islamophobes, mais ce serait hypocrite de prétendre que la peur ou les préjugés à l’endroit des musulmans n’existe pas ou n’est qu’un phénomène marginal chez nous. Il y a un problème sur cette question au Québec, et le débat en cours le démontre très bien, une fois de plus… et de trop!
Dans un tel contexte, il est dommage que le Conseil national des musulmans ait formulé sa proposition sans plus de préparatifs. Une règle de base en démocratie est de s’assurer d’appuis solides auprès des décideurs avant de lancer une idée ou un projet controversé. La réaction mitigée du gouvernement Trudeau à la proposition du Conseil démontre que cette précaution n’a pas été prise. Avec comme résultat qu’Ottawa n’a pas annoncé de décision, laissant ainsi le chemin libre aux politiciens québécois, qui s’en vont en élections, d’en faire un enjeu politique et partisan. La Coalition avenir Québec s’est empressée de rejeter la demande du Conseil des musulmans, et le Parti québécois a suivi, par crainte que la CAQ ne fasse des gains avec cette question.
Que faire dans une telle situation? La réponse s’impose : la tuerie à la Grande Mosquée de Québec a été un tel drame qu’il serait cruel d’entacher les activités commémoratives prévues, avec un débat partisan et teinté de préjugés. J’ignore si c’est réaliste, mais il me semble que le Conseil national des musulmans devrait retirer sa demande, quitte à revenir plus tard avec un projet faisant consensus. À défaut d’un tel compromis, les politiciens du Québec devraient laisser au gouvernement Trudeau le soin de se dépêtrer avec cette proposition. Parce que de toute manière, c’est à lui qu’elle a été présentée.
Bref, on se calme et on tient les cérémonies commémoratives dans la dignité et le respect dûs aux victimes, à leur famille, ainsi qu’aux membres de la communauté musulmane qui ont été traumatisés par ces événements.
Cette controverse de début d’année donne un aperçu de la situation qui nous attend d’ici les prochaines élections. Comme les finances du Québec sont bonnes, que le taux de chômage est au plus bas et que la souveraineté n’est pas au menu, ce sont des questions comme l’immigration et la laïcité qui seront débattues. Des questions où il est très facile d’attiser les tensions et de faire de la démagogie. La santé aussi sera au rendez-vous. Mais on a l’habitude et c’est bien davantage la personnalité de Gaétan Barrette que l’état du réseau dont il sera question. Quant à l’éducation, la deuxième dépense budgétaire en importance du gouvernement, il est douteux qu’elle fasse les manchettes même si elle le mériterait bien.
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