Stéphane Dion tire sa révérence… à reculons

Le ministre de la clarté référendaire tire un trait sur une carrière politique de 21 ans

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Dion, psycho-rigide, n'était pas du tout l'homme de la situation

Son départ aura été à l’image du personnage buté qu’il était. En n’acceptant pas d’emblée le poste d’ambassadeur que lui offrait Justin Trudeau en guise de consolation pour avoir perdu son siège de ministre, Stéphane Dion a illustré une dernière fois à quel point il pouvait être inflexible et imperméable aux tractations et compromissions si courantes en politique.

C’est donc un trait sur une longue carrière — 21 ans — de politicien atypique que tire le député de Saint-Laurent. L’histoire retient qu’il a été découvert par Aline Chrétien, l’épouse du premier ministre de l’époque, pendant la campagne référendaire québécoise de 1995. M. Dion, alors professeur de sciences politiques à l’Université de Montréal, donnait la réplique — incisive et implacable de rationalité — au camp souverainiste.

Après la quasi-défaite du camp du Non, Jean Chrétien veut faire une place plus grande au Québec dans son cabinet en guise d’apaisement. Il le recrute donc en janvier 1996 à titre de ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes en même temps que Pierre Pettigrew. Certains comparent alors le geste à la venue des « trois colombes » québécoises qu’étaient Jean Marchand, Pierre Elliott Trudeau et Gérard Pelletier à Ottawa en 1965. MM. Dion et Pettigrew se font élire à la Chambre des communes plus tard, lors d’élections partielles tenues en mars 1996. M. Dion a été réélu à sept reprises dans sa circonscription montréalaise.
M. Dion a servi de façon extraordinaire son pays depuis des années. Il va continuer se servir son pays.
Justin Trudeau, en conférence de presse après la cérémonie d'assermentation des nouveaux ministres, mardi

M. Dion s’impose comme le ministre de la « clarté référendaire », celui de la ligne dure envers le Québec, du « plan B ». Ce rôle de père Fouettard en fait la cible de prédilection des caricaturistes, en particulier de Serge Chapleau, qui l’immortalise en rat. Et lorsqu’il est entarté en 1999, un phénomène à la mode à l’époque, son visage couvert de crème se retrouve à la une des quotidiens. M. Dion avait démontré son inflexibilité — et son absence de sens de l’humour, avaient dit d’autres — en intentant une poursuite judiciaire contre les entarteurs, qui sont condamnés à des travaux communautaires.

Dion 2.0

L’arrivée de Paul Martin comme premier ministre permet le lancement d’un Stéphane Dion 2.0, rassembleur dans son nouveau rôle de ministre de l’Environnement.

En 2006, c’est grâce à ce cheval de bataille environnemental qu’il devient chef du Parti libéral, coiffant au fil d’arrivée — et à la surprise générale — Bob Rae et Michael Ignatieff. Ce « tournant vert » ne passera pas la rampe lors de l’élection suivante en 2008 et le Parti libéral perdra encore plus de plumes, passant de 103 sièges à 77.

À titre de chef, il ne comprenait pas la joute politique, faite de conseillers parlant « anonymement » aux journalistes pour expliquer un message. En campagne, c’est avec une candeur déconcertante qu’il avait demandé à une poignée de journalistes qui étaient tous ces « stratèges » libéraux qu’ils citaient sans cesse.

Il quittera son siège de chef, au profit de Michael Ignatieff, en décembre 2008, dans des circonstances exceptionnelles. Au détour d’une mise à jour économique ne proposant aucun plan de relance, Parti libéral, NPD et Bloc québécois s’étaient ligués contre le gouvernement conservateur minoritaire pour tenter de le renverser. Le scénario prend du plomb dans l’aile quand Stephen Harper martèle que Stéphane Dion ne mérite pas de devenir premier ministre, message livré au cours d’une adresse à la nation télévisée. La réplique de M. Dion, qui devait immédiatement suivre celle de M. Harper, se fait attendre plus d’une heure. La vidéo, floue, mal cadrée, aux teintes rouges et débutant sans aucune forme d’introduction, finit de discréditer M. Dion et ses troupes comme étant prêtes à prendre le pouvoir.

Stéphane Dion a été en tant que chef attaqué parce qu’il possédait la double nationalité française, obtenue de sa mère née en France. Il s’était engagé à y renoncer si, en devenant premier ministre, les électeurs estimaient que cela le plaçait en conflit de loyauté. Mais il avait répété qu’il ne voyait pas où était le problème, étant donné que John Turner avait été premier ministre tout en possédant la nationalité britannique.
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