Sociétés d'État - Osons en parler

CDPQ - une enquête publique sur les pertes de 40 milliards$


Avec la déconfiture de la Caisse de dépôt, en 2008, et la vague de compressions qui commence à déferler partout sur les services publics, la rémunération des dirigeants de sociétés publiques n'a pas fini de faire jaser. Pour cause, puisque le manque de transparence continue d'être la règle dans un milieu où la couleur politique joue un rôle souvent aussi important que la compétence des candidats.
Les couteaux volent bas à l'Assemblée nationale depuis quelques jours. Attaqué de toutes parts mardi, le premier ministre Jean Charest est revenu à la charge avec l'histoire de la rente de 86 000 $ que M. Claude Blanchet, le mari de la chef de l'opposition, a obtenue après quelques années seulement à la présidence de la SGF. Devant les journalistes, Mme Marois a répliqué: «Si c'est odieux, c'est odieux pour tous ceux qui la reçoivent», et si on ouvre le débat, «on l'ouvrira sur toutes les pensions» [des dirigeants de société d'État]. Était-elle sérieuse?
De la part du parti au pouvoir, on ne peut pas attendre grand-chose puisque même dans le projet de loi qui vise à réduire les dépenses des sociétés publiques, le gouvernement a exclu celles qui sont dites à vocation commerciale comme Hydro-Québec, la Caisse de dépôt, Investissements Québec, la SGF et Loto-Québec.
Quant à Mme Marois, la question se pose: est-elle prête à ouvrir le débat si elle accède au poste de premier ministre? Difficile d'y croire puisque plusieurs des règles en vigueur datent du temps où le PQ était au pouvoir. De toute façon, ces choses sont beaucoup trop complexes pour faire l'objet d'une discussion publique, n'est-ce pas?
Pourtant, s'il est une question qui mériterait de faire partie de la révision des pratiques gouvernementales, c'est bien le rôle et la rémunération des dirigeants. À force de se faire dire que le secteur privé est plus efficace que le secteur public, on en est venu à le croire, au point de mépriser des sous-ministres anonymes qui gèrent des milliards pour «seulement» 150 000 $ par année, et d'admirer un Henri-Paul Rousseau à qui Power Corporation a consenti un pont en or malgré le fiasco de la Caisse de dépôt. Et s'il y avait une autre façon d'envisager le service public?
Salaires, primes, régime de retraite, tout a explosé depuis dix ans dans nos sociétés d'État à vocation commerciale. Les régimes de retraite, par exemple, ont été détournés de leur objectif original pour servir de véhicules excessivement payants pour certains dirigeants qui ne sont pourtant pas des Bill Gates.
À la Caisse de dépôt, le président Jean-Claude Scraire avait quitté son poste avec une rente annuelle de 200 000 $ après 20 ans dans le secteur public, dont 17 à la Caisse. Son remplaçant, Henri-Paul Rousseau, a obtenu une rémunération qui frôlait les 2 millions par année, une prime de près de 400 000 $ à son départ et une rente à vie de 235 000 $, le tout après seulement cinq ans. Quant à son successeur, Richard Guay, il s'est fait reconnaître des crédits de rente équivalant à 22 années de contribution alors qu'il n'a passé que 14 ans à la Caisse, et touchera donc 352 000 $ par année à 65 ans, pour un coût total de 5 millions pour les déposants! Qu'avait-il de si exceptionnel, ce monsieur qui a passé la plus grande partie de sa présidence en congé de maladie au plus fort de la crise financière?
C'est le marché qui fixe les conditions, nous répond-on. Sans ces avantages, nos sociétés d'État seraient gérées par des incompétents.
Bêtise! Comme si la direction de la SGF et d'Hydro-Québec exigeait une expertise telle qu'il soit impossible de recruter des gens compétents sans avoir à leur donner la lune. À 300 000 $ par année, une bonne dizaine de très bons gestionnaires seraient intéressés à relever de grands défis pendant cinq ou sept ans à la tête de l'une ou l'autre de ces organisations, soit pendant au moins aussi longtemps que les Blanchet, Guay et Rousseau, pour ne nommer qu'eux, dont la performance fut désastreuse.
Un débat sur le sens du service public et la rémunération des dirigeants pour le Québec? Certainement! Mais pour cela, il faudrait qu'une fois revenu au pouvoir, le Parti québécois retrouve le sens du service public qui a longtemps fait sa force et son originalité.


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