Sarkozy écorche des chefs d'État

Les airs de la petitesse


Le président français Nicolas Sarkozy (au centre) n'a pas été tendre envers le président des États-Unis, Barack Obama (à gauche), et la chancelière allemande, Angela Merkel.
Photo: AFP

Marc Thibodeau - (Paris) Le président français Nicolas Sarkozy se retrouve au coeur d'une tempête politico-médiatique aux ramifications internationales pour avoir présumément écorché, dans une rencontre privée, plusieurs chefs d'État côtoyés au G20.
À l'occasion d'un déjeuner tenu cette semaine à l'Élysée en présence d'une vingtaine d'élus, le politicien aurait tenu, au dire du quotidien de gauche Libération, des commentaires désobligeants touchant les dirigeants des États-Unis, de l'Allemagne et de l'Espagne.

M. Sarkozy, rapporte le journal, a notamment déclaré que le président américain Barack Obama, avec lequel il était tout sourire au sommet de l'OTAN de Strasbourg, «n'est pas toujours» à son propre «niveau de décision et d'efficience».
«Obama est un esprit subtil, très intelligent et très charismatique. Mais il est élu depuis deux mois et n'a jamais géré un ministère de sa vie. Il y a un certain nombre de choses sur lesquelles il n'a pas de position», a affirmé le président.
Il s'est par ailleurs félicité que la chancelière allemande Angela Merkel n'ait «pas eu d'autre choix que de se rallier» à sa position sur la crise après avoir mal évalué la situation économique de son pays.
Le chef d'État français a aussi relaté avec fierté que le gouvernement espagnol venait de s'inspirer de sa décision de retirer la publicité des chaînes de télévision publiques, critiquant au passage le premier ministre socialiste Jose Luis Zapatero.
«Il n'est peut-être pas très intelligent. Moi, j'en connais qui étaient très intelligents et qui n'ont pas été au second tour de la présidentielle», a souligné le président dans une allusion à l'ancien premier ministre français Lionel Jospin, battu lors de l'élection présidentielle de 2002.
La presse réagit
La référence aux capacités intellectuelles de M. Zapatero a rapidement fait les manchettes en Espagne, poussant l'Élysée à émettre un démenti formel à ce sujet qui n'a guère convaincu les médias ibériques.
Le journal de droite ABC, tout en se moquant du leader espagnol, a fustigé le «complexe de supériorité» du dirigeant français, qualifié de «fanfaron» par un autre quotidien local.
Des ténors du camp socialiste espagnol ont ironisé sur le fait que Nicolas Sarkozy poursuivait «comme toujours son objectif principal: se faire remarquer». Même le Parti populaire, principale formation de l'opposition, s'est insurgé contre les critiques ciblant le premier ministre.
Aux États-Unis, le New York Times a réagi à l'affaire en soulignant que le président français était connu pour sa «tendance à se vanter et à descendre ses homologues».
La presse anglaise s'est aussi régalée de l'affaire, The Guardian relevant que Nicolas Sarkozy, connu pour sa «prétention» et son «hyperactivité», s'était probablement «surpassé». Le Daily Telegraph souligne, dans la même veine, qu'il n'est «pas connu pour son tact» et «traîne une réputation de grossièreté».
Le journal satirique Le Canard enchaîné fait chaque semaine ses choux gras des déclarations privées de Nicolas Sarkozy, le dépeignant comme un être vaniteux et colérique qui attaque avec férocité ses détracteurs.
Les journalistes qui s'aventurent à questionner, même timidement, ses affirmations en conférence de presse sont souvent pris à partie personnellement, le chef d'État répétant leur nom avec irritation. Le scénario s'est produit lors du sommet du G20 à Londres et du sommet de l'OTAN à Strasbourg.
Un «homme blessé»
Le philosophe français Michel Onfray, qui avait interviewé Nicolas Sarkozy avant le premier tour de l'élection présidentielle de 2007, s'était étonné que le politicien prenne «toute opposition de doctrine pour une récusation de sa personne».
Il avait alors décrit Nicolas Sarkozy comme un «homme blessé qui croit pouvoir panser ses plaies avec les fétiches de la puissance».


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