RIO TINTO ALCAN subventionné à même nos tarifs d'électricité

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RIO TINTO ALCAN SUBVENTIONNÉ À MÊME NOS TARIFS D’ÉLECTRICITÉ

On a parfois tendance à ne pas pousser trop loin notre réflexion lorsqu’il s’agit d’analyser un conflit de travail, soit qu’il ne nous concerne que très peu ou bien nos préjugés prennent rapidement le dessus. Les conflits de travail au Québec sont souvent cristallisés et sans grands débats. C’est la faute aux patrons ou bien celle des syndicats.
Le conflit qui sévit à Alma mérite qu’on s’y attarde davantage, bien sûr à cause de l’importance que ça représente pour l’économie de cette région, mais aussi parce que certains éléments ne sautent pas au visage, mais ont un impact sur l’ensemble de l’économie québécoise.
Dans le Devoir du 9 mars dernier, une citation d’un professeur en économie régionale à l’UQAC suggère que la main-d’œuvre, qui ne représente que 9,3% des coûts de l’usine d’Alma, une des plus profitables au monde pour RTA, n’est sans doute pas l’enjeu du présent conflit. Les économies qu’entend réaliser la multinationale en recourant à la sous-traitance, sont selon lui très marginales.
Les producteurs en Amérique du Nord et en Europe réduisent présentement leur production afin de pousser les prix du métal blanc à la hausse. Si on ajoute le fait qu’Hydro-Québec est dans l’obligation d’acheter l’énergie produite par les centrales d’Alcan, quelle meilleure occasion pouvait se présenter à la multinationale pour non seulement diminuer ses stocks en récupérant sur les salaires de sa main-d’œuvre, mais en encaissant des sommes importantes pour la vente d’électricité dont la société d’état n’a même pas besoin?
Sur une base annualisée, c’est une somme d’environ $175 millions que RTA récupèrera uniquement par la vente d’énergie. Toujours selon l’économiste, la multinationale est très confortable avec ce scénario.
Les effets de la diminution de production se font déjà sentir puisque le prix de l’aluminium a augmenté de 300 $ la tonne ce qui représenterait pour l’ensemble des usines de RTA un bénéfice supplémentaire de 1 milliard $ en 2012. Vous aurez remarqué que dans ce conflit de travail, il s’agit d’un lockout et non d’une grève, ce qui laisse croire que l’employeur avait bien planifié son coup.
Nous avons de quoi nous indigner, d’abord parce que Alcan, le bon citoyen corporatiste qu’il est, joue avec l’économie de la région, comme on joue une grosse partie de poker, en sacrifiant une main pour encaisser d’avantage en bout de piste.
Ensuite, parce que, comme citoyen du Québec, propriétaire de notre société d’état, nous subventionnons cette arnaque à même nos tarifs d’électricité, car n’en doutons pas, le manque à gagner se traduira par une diminution du revenu net d’Hydro-Québec.
Pendant ce temps à Québec, le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Clément Gignac nous dit supporter entièrement la multinationale, la sous-traitance étant un enjeu primordial pour les employeurs, d’où l’expression « dormir au gaz ».
Je vous avoue qu’il devient de plus en plus complexe pour le représentant syndical que je suis de composer avec les continuelles demandes d’efficiences qui nous sont adressées à l’intérieur des murs d’Hydro-Québec, alors qu’on impose à la société d’état de tirer l’argent par les fenêtres en faisant l’acquisition d’énergie dont elle n’a pas besoin. Il y a un flagrant manque de cohérence, sans doute le résultat de cette trop grande proximité du gouvernement dans les choix stratégiques d’Hydro-Québec.
Je ne m’attends pas à de gros changements dans la relation parfois incestueuse qui semble s’être développée entre les gouvernements et les multinationales, mais je souhaite que la population prenne acte de cette manœuvre tordue qui se fait sur le dos des travailleurs et travailleuses.
Alcan jouit d’un privilège énorme qu’est celui de s’être fait octroyer les droits hydrauliques de certaines rivières du Québec, lui permettant de combler ses besoins énergétiques à la hauteur de 90%.
La dernière entente signée entre le gouvernement du Québec et Alcan, en décembre 2006, lui confère le droit de produire de l'électricité jusqu'en 2058 à moins d'un cent le kilowattheure, deux blocs d'énergie totalisant 560 mégawatts à tarif très bas d'Hydro-Québec et un prêt sans intérêt de 400 millions du gouvernement du Québec pour sa future usine d'Alma.
Selon l'analyste indépendant du secteur de l'énergie Jean-François Blain, ce bail ainsi que la propriété de la rivière Saguenay fournissent à RTA un avantage de l'ordre de 700 millions par an sur des concurrents qui paient le tarif L de grande puissance, soit 4,5 ¢.
Un avantage qui en aucun temps ne devrait lui être accordé pour autre chose que la production d’aluminium et, conséquemment, le maintient d’emplois de qualité en région. Obliger Hydro-Québec à acquérir de l’énergie d’Alcan, alors qu’elle se débarrasse de sa main-d’œuvre par un lockout, c’est scandaleux ! Qui donc, au gouvernement, a permis que soit possible pareille arnaque ?
« Profite de nos ressources à ta guise, mets en plein tes poches et, si ce n’est pas suffisant, mets tout le monde dehors, on va t’acheter ton électricité ! Un chausson avec ça ? » C’est ce qu’on appelle perpétuer la colonisation ! N’attendons pas 2058 pour rappeler au gouvernement qui il représente.
Il faut nécessairement que cette situation soit dénoncée par tous les citoyens du Québec et que ces travailleurs d’Alcan sentent que l’appui vient de partout en province.
Lâchez pas, on est avec vous !
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Réjean Porlier
L’auteur est président du syndicat des Technologues d’Hydro-Québec et résident de Sept-Iles sur la côte-nord
Photo : France Paradis et Syndicat des Métallos


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