Retarder la retraite? Non merci!

Réforme des retraites - Sécurité de la vieillesse

Serge Langlois - Depuis quelques jours, on assiste à un blitz médiatique de la part de M. Claude Castonguay à la suite de la publication de son rapport de projet intitulé «La longévité: une richesse». Ce rapport traite, entre autres, de l'âge de la retraite et ses répercussions sur la société québécoise.
J'ai 58 ans et serai à la retraite dans quelques semaines, après 37 ans de travail en usine comme électrotechnicien. Les propos de M. Castonguay préconisant le report de l'âge de la retraite semblent devenir le nouveau credo, contrairement à ce qui était véhiculé par la mode du Liberté 55 il y a quelques années. Cette nouvelle tendance fait naître en moi plusieurs interrogations et une pointe de culpabilité.
J'ai entendu M. Castonguay affirmer à l'émission de Joël Le Bigot le samedi matin à Radio-Canada que la plupart des gens aiment leur travail. Cette déclaration, me semble-t-il, ne correspond pas à ce que j'observe dans mon milieu de travail ainsi que dans mon entourage. Elle demande assurément à être nuancée en tenant compte de tous les irritants qui font partie du quotidien de la majorité des travailleurs.
Premier irritant: les horaires de travail
Les horaires de travail de plusieurs travailleurs d'usine et de PME se sont modifiés au fil des ans, avec pour conséquence des journées de travail débutant de plus en plus tôt, ce qui oblige lesdits travailleurs à se lever avant le soleil (vers 4h30-5h) cinq matins par semaine. Il y a aussi le phénomène du travail sur les équipes de rotation avec des horaires de 12 heures (jour et nuit) répartis sur sept jours par semaine.
Deuxième irritant: le transport
La circulation en voiture est de plus en plus lourde, nous gruge de plus en plus de temps et nous force à nous lever toujours plus tôt. Le transport en commun est de plus en plus bondé et de moins en moins fiable, et ce malgré les périodiques augmentations des tarifs.
Troisième irritant: la surcharge de travail
Depuis quelques années, les employeurs, y compris nos gouvernements, sont allés de rationalisations en coupes et abolitions de postes. Mon employeur se targue d'avoir augmenté sa production sensiblement et ce, en divisant par deux le nombre d'employés. Ces progrès ne sont pas le fruit des seules modernisations technologiques, mais aussi des jumelages de postes, du travail sur rotation d'équipes ainsi que de l'abandon de plusieurs aspects du travail qui le rendaient plus intéressant et plus humain.
Quatrième irritant: la non-valorisation
Contrairement à M. Castonguay, je crois que la majorité de la population gagne sa vie en exerçant des tâches routinières à l'intérieur desquelles il est à peu près impossible d'exercer sa créativité et de se réaliser. Donc, comment nous blâmer de laisser un travail dans lequel on ne peut s'épanouir aussitôt qu'il nous est possible financièrement de le faire.
Pour ce qui est du poids ÉNORME que font peser les retraités sur la société, je ne comprends pas d'où il peut venir puisque le montant que je retirerai du régime de retraite de mon employeur ainsi que de la Régie des rentes du Québec proviendra uniquement des économies que nous avons faites au fil des ans, mon employeur et moi. Pour ce qui est de la pension de la sécurité de la vieillesse, je la recevrai le moment venu, que je travaille ou non. Il me semble donc, au contraire, que ma retraite fera plutôt tourner l'économie, car un plus jeune prendra ma place et aura mon salaire pendant que moi je dépenserai mes revenus de retraite et une partie de mes REER.
En conclusion, il me semblerait plus porteur d'espoir de miser sur l'avenir plutôt que sur le passé, sur les plus jeunes plutôt que sur les plus âgés. Je crois qu'il serait plus productif de mettre les efforts à former la jeunesse et à régler le désespérant problème du décrochage scolaire. On pourrait à l'intérieur d'un tel programme envisager une forme de «mentorat», ce qui serait une façon de valoriser l'expérience des plus âgés au profit des plus jeunes. La société, me semble-t-il, y serait alors plus gagnante à long terme.
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L'auteur habite Montréal.


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