Poutine à Paris : la visite qui rend l’espoir

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Dégel

« Il faut parler avec la Russie même si nous n’avons pas les mêmes valeurs », a déclaré, le 5 mai dernier, le président français Emmanuel Macron sur son compte Twitter. Et voilà que le dialogue s’engage. Le 29 mai, Vladimir Poutine ira à Paris à l’occasion de l’ouverture d’une exposition sur Pierre le Grand, organisée à Versailles, et rencontrera son homologue français.

Cette visite donne de l’espoir aux milliers de Russes et de Français qui, dans le climat tendu de ces dernières années, ont continué de se rendre visite, de mener des projets communs et de s’apprécier. « La méfiance mutuelle doit être dépassée », écrivait Vladimir Poutine dans son message de félicitations à Emmanuel Macron, le jour de la victoire de ce dernier à la présidentielle. Un mot qui pourrait être signé par plus d’un, de Moscou à Paris.

Car contrairement à ce que dit la presse, la Russie n’est pas un adversaire de la France, et ce qui rapproche les deux pays est autrement substantiel que ce qui les sépare. Cette vérité est évidente pour quiconque a franchi ne serait-ce qu’une fois un poste de frontière à Sheremetyevo. Les Français qui sont allés en Russie savent combien l’image qu’en dépeignent leurs médias diffère de la réalité. Alors qu’ils s’attendent à un pays morne et gris, peuplé de gens apeurés et méfiants marchant en regardant leurs pieds, ils se retrouvent dans un univers multicolore, excitant, éminemment plus complexe que ce qu’ils imaginaient.

La Russie d’aujourd’hui n’est pas monochrome : elle est diverse. Les gens qui la peuplent réfléchissent intensément sur la vie, son sens et sa destination. Ils ont les idées les plus variées sur leur pays et sa place dans le monde. Comme sur une table de billard, les Russes sont en train de « frapper » leurs pensées, telles les boules sur le tissu vert, et les regardent entrer en contradiction les unes avec les autres. La Russie est tout sauf figée : elle est en mouvement perpétuel. Elle change sous nos yeux et sous nos mains, revêtant une teinte différente à chaque minute. La Russie n’a pas encore une idée fixe d’elle-même, elle évolue, se complète et s’enrichit en permanence. Le pays se cherche et se tâte. Il emprunte des voies où il s’était interdit de s’aventurer pendant de longues années, tels la religion ou le capitalisme, pour les suivre aussi loin que possible et voir de ses propres yeux s’il y a de la lumière au bout du tunnel.

La Russie est en train de dépoussiérer ses placards. Elle rouvre ses vieux coffres et fait l’inventaire de son héritage. Parmi ses bijoux de famille, elle en ressort certains, qu’elle arbore fièrement, et tant pis si, dans d’autres contrées, on les trouve désespérément démodés. La Russie s’obstine à conserver ce que d’autres jettent et oublient, sans pitié ni regret. Elle reste aujourd’hui l’un des rares pays au monde où l’on peut encore, dès le plus jeune âge, apprendre les arts dans leur dimension classique – peinture, musique, ballet et théâtre. Les Russes s’essayent à cœur joie à l’art et à la danse contemporains, ils y consacrent de nombreux festivals – sans oublier pour autant de perpétuer la tradition. Ils frayent de nouveaux sentiers sans délaisser les chemins tracés par leurs prédécesseurs. Ils continuent d’explorer et découvrent de nouvelles îles dans les océans parcourus maintes et maintes fois, dans toutes les directions.

La Russie ne croit plus aux vérités formulées par d’autres. En civilisation entière, avant d’incorporer un apport étranger, elle le mesure à l’aune de son expérience historique et de sa culture millénaire. Elle cherche ses propres réponses aux questions existentielles qui taraudent l’humanité depuis la nuit des temps : qui est l’Homme, et qu’est-il venu faire sur Terre ? Et quiconque a pris la peine de lire ses auteurs contemporains – d’Alexeï Ivanov à Guzel Yakhina –, de visiter ses musées – de l’Institut d’art réaliste de Moscou au Garage du parc Gorki – et de voir les spectacles qui se jouent aujourd’hui sur les scènes du théâtre Kolyada de Ekaterinbourg ou du théâtre Maïakovski de Moscou le dira en toute certitude : la France et la Russie ont les mêmes valeurs, et ont énormément à se donner et à s’apprendre. Pourvu que Vladimir Poutine et Emmanuel Macron en viennent eux aussi à ce constat, partagé par tant de leurs compatriotes.


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