Pourquoi les anglophones réussissent mieux à l’école

Au public, 73 % des francophones obtiennent un diplôme comparé à 84 % des anglophones

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Parents ! Impliquez-vous davantage !





Au Québec, les élèves anglophones sont en proportion beaucoup plus nombreux que les francophones à obtenir un diplôme secondaire. La recette de leur succès? Une communauté «tissée serrée» et des élèves suivis de près, a constaté Le Journal.


Le phénomène n’est pas nouveau. Déjà en 2008, l’ancien premier ministre Jacques Parizeau sonnait l’alarme dans un texte intitulé Le gâchis scolaire. Le sujet est revenu à l’avant-scène  récemment lorsque le premier ministre Philippe Couillard a incité le réseau scolaire francophone à s’inspirer du modèle anglophone.


Le Journal a tenté de mieux comprendre pourquoi les Anglo-québécois réussissent mieux sur les bancs d’école. Parmi la vingtaine d’intervenants interrogés, la réponse qui revient le plus souvent est l’implication des parents et de la communauté à l’école.


«On ne dit pas "Je vais à l’école de mes enfants". On dit "Je vais à mon école"», lance Jennifer Maccarone, présidente de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec.











Jennifer Maccarone, Présidente de l’ACSAQ




Jennifer Maccarone, Présidente de l’ACSAQ





Pour suivre leur élèves à la trace, plusieurs écoles ont par ailleurs mis sur pied des programmes de mentorat ou parrainage des élèves par leur pairs, comme c’est le cas à l’école secondaire Saint-Patrick’s, à Québec, et à l’école secondaire de Joliette.


Dans d’autres écoles secondaires, comme à l’Académie LaurenHill à Montréal, on pratique le looping, c’est-à-dire que les profs enseignent aux mêmes élèves pendant deux ans pour assurer un meilleur suivi.


Les enseignants travaillent aussi beaucoup en équipe, par l’entremise des communautés d’apprentissage professionnelle, une pratique qui commence à émerger dans le réseau francophone, mais qui serait implanté depuis beaucoup plus longtemps dans le réseau anglophone.


Loi 101 et défavorisation


Par ailleurs, la loi 101 - qui oblige les élèves immigrants à étudier dans le réseau francophone - ne peut pas vraiment permettre d’expliquer l’écart de réussite entre les deux réseaux, selon Marie McAndrew, professeure à l’Université de Montréal qui a fait plusieurs recherches sur le sujet. Cette dernière affirme qu’à Montréal, c’est surtout le niveau de pauvreté plus élevé dans les milieux francophones qui pèse dans la balance.


Écoles privées


Des intervenants ont aussi souligné que les écoles privées sont davantage fréquentées par les francophones, ce qui pourrait expliquer en partie l’écart entre les taux de diplomation des deux réseaux publics. Au secondaire, 20 % des élèves francophones prennent le chemin de l’école privée comparé à 17 % dans le réseau anglophone.


Or même lorsqu’on tient compte des réseaux privé et public, l’écart entre le taux de diplomation persiste : il est de 77 % dans le réseau francophone comparé à 85 % chez les anglophones.


Les anglophones diplôment plus


Taux de diplomation au secondaire, réseau public



  • Réseau francophone: 73 %

  • Réseau anglophone : 84 %


Taux de diplomation au secondaire, réseau public et privé



  • Réseau francophone: 77 %

  • Réseau anglophone : 85 %


Élèves en difficulté : l’écart est encore plus grand


Taux de diplomation au secondaire des élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation (EHDAA)



  • Réseau francophone : 46 %

  • Réseau anglophone: 59 %


Les anglophones fréquentent davantage les écoles publiques


Pourcentage d’élèves qui fréquentent le réseau privé



  • Réseau francophone : 20 %

  • Réseau anglophone : 17 %


 



  • Nombre d’élèves dans le réseau scolaire francophone : 885 000

  • Nombre d’élèves dans le réseau scolaire anglophone : 102 000


Source : ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur




Plus de diplômés, mais pas nécessairement de meilleurs résultats


Les anglophones sont proportionnellement plus nombreux à décrocher un diplôme d’études secondaires, mais leur résultats scolaires ne sont pas nécessairement plus élevés, fait remarquer Vivek Venkatesh, professeur au département d’éducation de l’Université Concordia. Les résultats des élèves québécois aux examens internationaux du programme PISA ne permettent pas de voir de différences notables selon la langue d’enseignement. «Le Québec est dans le top. On oublie souvent que quand les élèves réussissent, ils réussissent vraiment bien», lance-t-il. Ce qui lui fait dire que les francophones doivent d’abord s’attaquer à ce qui pourrait être la racine du mal : le décrochage scolaire.


Montréal : davantage d’écoles défavorisées chez les francophones


À Montréal, l’écart entre le taux de diplomation des francophones et des anglophones s’explique en partie par le fait que davantage d’écoles où l’on enseigne dans la langue de Molière sont situées en milieu défavorisé, affirme la présidente de la commission scolaire de Montréal (CSDM), Catherine Harel-Bourdon. «La situation familiale va avoir un impact sur la réussite», dit-elle. Les chiffres lui donnent raison. Sur les 50 écoles les plus défavorisées situées sur l’île de Montréal, seulement trois sont situées dans une commission scolaire anglophone, selon les chiffres du Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal.


Les anglophones misent sur la recherche en enseignement


Dans le réseau anglophone, les pratiques d’enseignement efficaces telles que démontrées par la recherche, seraient davantage mises en pratique, selon les experts interrogés. Le scénario est semblable du côté ontarien. Selon Égide Royer, professeur en adaptation scolaire à l’Université Laval, le fait que la recherche en éducation est souvent rédigée dans la langue de Shakespeare explique peut-être cette distinction avec le réseau francophone.




 


Des parents qui s’impliquent


 


Pour Elka Eklove, être bénévole à l’école primaire de ses enfants dans le quartier Côte-Saint-Luc à Montréal, va tout simplement de soi. «Si je pouvais, je ferais du bénévolat 40 heures par semaine», lance-t-elle.











Elka Eklove




Elka Eklove





Cette mère de trois enfants, présentement en congé de maternité, arrivait à y consacrer environ quatre heures par semaine avant l’arrivée de son petit dernier, alors qu’elle travaillait à temps plein.


«C’est très important, la majorité des parents le font d’une façon ou d’une autre», affirme celle qui s’implique dans la classe de ses enfants, lors de différentes activités, et dans l’association Home & School, un organisme de charité qui amasse des fonds dans plus de 80 écoles anglophones au Québec.


Plus de bénévoles que d’élèves


Un peu partout dans la province, des directeurs d’école soulignent à quel point la participation des parents et des bénévoles fait une différence dans la vie de leur école.


 «C’est très rare qu’on en manque, affirme Johanne Éthier, directrice de l’école primaire anglophone à Rawdon. Parfois, lors d’activités, on a plus de bénévoles que d’élèves!»











Johanne Éthier




Johanne Éthier





L’ouverture envers les parents est très importante, ajoute-t-elle. «Je dis souvent aux parents "Ma porte est grande ouverte, si vous avez un problème, appelez-moi". Et le téléphone sonne. À tous les jours. Il faut aussi être prêt à l’entendre.»


Les parents la contactent pour des problèmes reliés à l’école, mais aussi pour des problèmes personnels, ne sachant pas trop à qui demander de l’aide, poursuit Mme Éthier.


«J’ai des parents qui rentrent dans mon bureau en pleurant parce qu’ils viennent de se séparer. Ça arrive régulièrement. C’est à la porte de l’école qu’ils vont frapper en premier pour avoir de l’aide et des services dans la communauté anglophone».


Et c’est aussi dans les murs de cette école que sont offerts différents services de santé et des formations de toute sorte, sur comment prendre soin de parents vieillissants ou comment faire un testament. Dans le réseau anglophone, 30 % des écoles sont aussi des centres scolaires et communautaires.


Une minorité tissée serrée


Le contexte minoritaire des anglophones au Québec permet d’expliquer cette proximité avec l’école, souligne le consultant en éducation Marc Saint-Pierre. «Dans un contexte minoritaire, on a quelques institutions et on ne veut pas les perdre. Quand les communautés sont là et supportent l’école, ça fait une grosse différence», dit-il.


Ce dernier souligne par ailleurs à quel point les débats entourant le défunt projet de loi 86, qui prévoyait l’abolition des commissions scolaires, a permis de mettre en lumière comment les anglophones partageaient une vision semblable du réseau de l’éducation.


«Ce qui était frappant, c’est qu’il y avait un message semblable du côté des anglophones alors que c’était plutôt la division du côté des francophones. On ne sentait pas qu’on était tous "serré" autour de notre système d’éducation.»




 


La loi 101 ne pèse pas lourd dans la balance


 


Est-ce que la loi 101 permet d’expliquer l’écart de diplomation entre les élèves anglophones et francophones au Québec? Pas vraiment, répond la professeure Marie McAndrew, de l’Université de Montréal.


Cette professeure de l’Université de Montréal, qui a réalisé plusieurs études sur la question, est catégorique. Ses études démontrent que les élèves nés à l’extérieur du Canada réussissent aussi bien que l’ensemble des élèves dans le réseau scolaire francophone lorsqu’ils ont intégré assez tôt le système scolaire québécois, soit au début du primaire.


Ceux qui ont intégré le réseau scolaire alors qu’ils étaient au secondaire ont plus de difficulté, reconnaît-elle. Toutefois, les élèves immigrants de deuxième génération – qui sont nés au Québec mais dont les parents sont nés à l’étranger – réussissent mieux que les petits Québécois «de souche», ce qui permet d’équilibrer le portrait du côté francophone.


Le fait que les commissions scolaires anglophones accueillent aussi des élèves immigrants de deuxième génération pourrait donner un «léger boost» au réseau anglophone, précise Mme McAndrew, qui affirme que c’est plutôt le niveau de pauvreté beaucoup plus élevé dans les écoles francophones qu’anglophones sur l’île de Montréal qui fait une différence.






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