Pour Michel Maffesoli, après la pandémie, le temps des soulèvements populaires

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Vers des soulèvements populaires


Prise de conscience écologique, surveillance accrue, déconfinement difficile: les observateurs débattent sur le «monde d’après» Covid-19. À quels autres grands changements peut-on s’attendre? Pour le sociologue Michel Maffesoli, la fin de la pandémie sera surtout marquée par de violents soulèvements populaires. Il explique à Sputnik pourquoi.




À quoi ressemblera le monde au sortir de la pandémie de Covid-19? Si les prédictions se multiplient, l’une des plus saisissantes est celle du sociologue Michel Maffesoli. Professeur émérite à la Sorbonne et auteur de nombreux ouvrages traduits dans des dizaines de langues, il estime que des soulèvements populaires suivront la fin de la pandémie. Ces événements auront lieu un peu partout dans le monde, mais en particulier dans les pays occidentaux, prévoit-il.


«Actuellement, il y a encore du calme. La méfiance ne s’exprime pas tellement. Il s’agit d’une hypothèse, bien sûr, mais je crois nous assisterons en France –mais pas seulement en France– à de multiples explosions. [...] On pourra parler de soulèvements, d’insurrections ou de révoltes. Dans quelques mois, ces expressions sont appelées à se multiplier. Les Gilets jaunes en France étaient en quelque sorte précurseurs de ce mouvement en gestation», explique M. Maffesoli en entrevue avec Sputnik.


Le 11 avril dernier, Le Parisien a révélé que les services secrets français redoutaient ce même phénomène. De fait, le service central du renseignement territorial (SCRT) craint une radicalisation de la contestation sociale après le confinement. Selon les informations de ce quotidien, le SCRT craindrait particulièrement le collectif contestataire rennais du nom de «Refusons le retour à la normale», lequel s’oppose à certaines mesures de surveillance de l’État français.
«Le jour d’après est un thème fortement mobilisateur des mouvances contestataires. [...] Le confinement ne permet plus à la gronde populaire de s’exprimer, mais la colère ne faiblit pas et la gestion de crise, très critiquée, nourrit la contestation», relate Le Parisien, citant des sources du SCRT datées du 7, 8 et 9 avril.

Selon Michel Maffesoli, le peuple français dans son ensemble ne craint toutefois pas ces possibles soulèvements, dont plusieurs pourraient être «violents».


Le jour d’après, «un thème fortement mobilisateur»


Au contraire, le sociologue considère que «le manque de confiance fondamental envers l’État, le Président Macron et les experts» nourrit une colère populaire appelée à s’exprimer lors des soulèvements en question.


«Il y a un vrai décalage entre le peuple et les élites, autrement dit entre lui et ceux qui ont le pouvoir de dire et le pouvoir de faire. Les élites ne comprennent pas que l’esprit du temps a changé. [...] Le peuple ne se reconnaît plus dans ses élites. La population n’adhère plus du tout au discours officiel. [...] Ce n’est d’ailleurs pas la première fois dans l’histoire que les gens ne se reconnaissent plus dans leurs représentants. Il y a une véritable crise de la représentation», poursuit le sociologue.




​Les très hauts taux d’abstention électorale en France et dans d’autres pays seraient aussi symptomatiques de cette méfiance populaire. «Toute vie sociale repose sur la confiance», constate le professeur émérite.


Une rupture entre le peuple et les élites


Dans l’Hexagone surtout, la plupart des grands médias contribueraient aussi à jeter de l’huile sur le feu en ne reflétant pas l’opinion de la majorité:


«Certains médias tentent en quelque sorte de se protéger en mettant en garde contre ces prochains soulèvements. En France, au moins 80% des médias sont Macron-conformes. Le discours qui est véhiculé dans ces médias n’est plus du tout en adéquation avec celui qui est diffusé parmi le peuple», estime-t-il.

Si la crise fait ressortir un manque de confiance envers les élites, elle fait aussi apparaître une désillusion envers le progrès et la modernité, poursuit Michel Maffesoli, qui évoque un «retour du tragique». La pandémie refait prendre conscience à l’humanité de sa fragilité:


«La crise nous fait nous rendre compte de notre finitude. Elle nous rappelle que le progrès ne va pas pouvoir régler tous les problèmes. Il y a un réveil du spirituel et de l’idée de mort. [...] La technologie est constitutive de notre époque, de la postmodernité, mais il y a une science en laquelle on ne croit plus et c’est celle du gouvernement des experts. Cette science est très déconnectée de la vie quotidienne», conclut le sociologue à notre micro.