UKRAINE

Point de situation des opérations en Ukraine 27 mars J+31

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« Partir à l’anglaise, c’est partir sans le dire ; partir à la russe, c’est dire très fort que l’on part alors que l’on reste. »

Situation générale 


Le général russe Rudskoï, adjoint du chef d’état-major des armées, a effectué un point de situation au bout d’un mois de combats, expliquant que la première phase de la guerre était un succès avec la destruction d’une grande partie de l’armée ukrainienne et que l’armée russe et ses alliés DNR/LPR se concentreraient sur la conquête complète des deux provinces du Donbass. Il a officialisé ainsi ce qui était observé depuis au moins une semaine (cf CR précédents). Dans les faits, à court terme cela ne change donc rien.


Situations particulières 


Ciel 


Selon les chiffres donnés par le général Rudskoï, l’armée ukrainienne aurait perdu les ¾ de ses avions, 35 drones TB2 sur 36, plus de 80% de ses moyens antiaériens (S300-Buk M1). Après la découverte que les Ukrainiens avaient autant de drones TB2 (et a priori plus qu’au début de la guerre), c’est l’admission en creux que l’aviation ukrainienne est toujours active et probablement toujours sa flotte de drones.


Il ne faut pas confondre campagne de conquête et campagne de frappes. Si la campagne de conquête est officiellement (et pour l’instant) concentrée sur le Donbass. La campagne de frappes continue sur l’ensemble du territoire. Il ne faut donc pas s’étonner de frappes d’opportunité (dépôt d’hydrocarbures) à Lviv, dans l’Ouest du pays et proche de la Pologne, sans doute aussi en lien avec la visite de Joe Biden dans ce dernier pays.


Les Russes auraient utilisé plus de 1 000 missiles balistiques/croisière soit environ 2/3 du stock.


Ouest 


La déclaration du général Rudskoï officialise aussi peut-être qu’il n’y aura pas d’opération russo-biélorusse dans l’Ouest de l’Ukraine. Le potentiel militaire biélorusse est estimé de toute façon à environ 5 GTIA de faible niveau tactique. Rien qui puisse changer fondamentalement la situation sur le terrain, pour des coûts politiques et économiques importants pour la Biélorussie.  


Kiev et Nord-Est


La réorientation annoncée ne change rien à la situation dans le Nord. Les forces russes sont toujours en posture défensive/retranchement et en reconstitution. Plusieurs brigades des 35e et 36e A à l’Ouest de Kiev ont formé chacune un GTIA de marche avec leurs dernières forces combattantes, plusieurs unités à plus de 50 % de pertes ont été envoyées dans la région de Bryansk (Russie) afin de se reconstituer. Les attaques russes sont plutôt limitées à la zone de Chernihiv. Peut-être peut-on imaginer une rectification de la ligne de front russe, cherchant à assurer une présence forte à proximité de Kiev avec la conquête de Chernihiv et de l’axe E95 jusqu’à Brovary par la 41eA et la 2e AG, mais abandonnant par ailleurs les zones difficiles à tenir, en particulier l’axe H07 de Soumy à Kiev.


Les forces ukrainiennes continuent leur pression à l'Ouest de Kiev sur le quadrilatère Ivankiv (NO-point clé axes vers la Biélorussie)-Dymer (NE-près du Dniepr)-Irpin-Myla (SE) et Kalymiv (SO) avec le projet d’étouffer les 35e et 36e A. La destruction de ces deux armées russes et des VDV restants serait une victoire majeure. Elle est cependant peu probable pour l’instant.


Sud : inchangé. Les forces russes sont sous pression et plutôt sur la défensive. Le général Rezantsev, commandant la 49e Armée a été tué dans la région de Kherson. C’est le 7e général russe tué (plus 3 colonels commandants de régiments/brigades tués et un suicidé) en un mois en Ukraine. Cela confirme l’activité ukrainienne dans la zone de Kherson et la présence de l’état-major de la 49e A venu du Caucase.


Donbass 


Marioupol est presque coupée en deux par la progression russe. Il n’est pas dit que la résistance ukrainienne s’arrête pour autant. Si la prise de la ville est inéluctable, une question majeure est de savoir dans quel état se trouveront la 150e Division d’infanterie motorisée, dont un groupement tchétchène, et la 810e Brigade d’infanterie navale après les combats. Il n’est pas évident que ces unités importantes puissent être réutilisées à court terme pour relancer l’offensive dans le reste du Donbass.


Dans la bataille du « saillant du Donbass », il semble que les Russes ont abandonné l’idée d’un encerclement de l’armée ukrainienne en contrôlant l’axe E105 entre Kharkiv et Dnipropetrovsk. Ils ne tiennent pas Kharkiv et ne pourraient sans doute pas contrôler cet axe de 250 km. S’ils ne renoncent sans doute pas à une poussée par le Sud, de Zaporijjia vers Dnipropetrovsk, ils cherchent pour l’instant simplement à repousser les forces ukrainiennes au-delà des limites des oblasts de Donetsk et Louhansk. 


Les Ukrainiens résistent par une manœuvre de freinage fondée sur des bastions urbains. Le coût en pertes et en temps pour s’emparer de chaque kilomètre est très élevé pour les Russes et alliés. Le 1er Corps d’armée DNR s’est épuisé à s’emparer de Volnovakha (20 000 habitants, et ville détruite) entre Donetsk et Marioupol et bute devant Mariinka, Kurakhove, Avdiivka et Vouhledar à proximité de la ville de Donetsk. Il en est de même dans le Nord du saillant avec la résistance à Yzium et à Severodonetsk (solide bastion de 100 000 habitants) et inversement une attaque ukrainienne en direction d’Horlivka, au nord de Donetsk. Même si Severodonetsk tombait entre les mains de la 8e A et du 2e Corps d’armée LNR, la ligne Sloviansk-Kramatrosk- Droujkivka- Kostiantynivka- Toretsk constitue un véritable front urbain de 70 km de long et 450 000 habitants, très difficile à prendre.


L’annonce pour une fois d’un objectif clair-la conquête du Donbass-signifie peut-être que celui-ci est considéré comme atteignable. C’est possible, mais ce sera quand même difficile, notamment si les forces ukrainiennes peuvent être renforcées dans la région.


Notes


En politique, quand on triomphe on s’en vante. Quand on envoie le numéro 2 du CEMA pour annoncer un succès et une inflexion majeure, c’est que cela n’est pas forcément perçu en interne comme un grand succès.


Le général Rudskoï a annoncé par ailleurs la destruction d’un gros tiers de l’artillerie et des deux-tiers des véhicules de combat blindés ukrainiens, un bilan sans aucun doute très exagéré. Les pertes documentées par Oryx, n'indiquent que 227 véhicules de ce type perdus, un chiffre important et forcément inférieur à la réalité mais on se trouve sans doute loin des 2/3 annoncés. On rappellera qu’un tiers des véhicules de combat russes perdus sont en réalité capturés par les Ukrainiens, soit au minimum 300 engins pour la plupart réutilisables par les Ukrainiens.


Quand on examine les chiffres de destruction de véhicules le long de la semaine par le site Oryx au cours de la semaine, on s’aperçoit qu’en 8 jours les Russes ont perdu 170 véhicules de ce type pour 38 ukrainiens. Les pertes journalières en véhicules de combat blindés ont tendance à diminuer des deux côtés surtout du côté ukrainien. Les pertes en pièces d’artillerie ont en revanche plutôt tendance à augmenter également des deux côtés (30 pièces russes en huit jours pour 100 auparavant, 14 ukrainiennes pour 29 avant), ce qui témoigne aussi de l'importance croissante de cette arme dans des combats plus statiques et sans doute aussi plus de contre-batteries.


De la même façon que les remplacements en cours ont tendance à diminuer le capital humain de l’armée russe. Il en est apparemment de même pour les matériels remplacés par des matériels anciens récupérés dans les stocks.


 


Partir à l’anglaise, c’est partir sans le dire ; partir à la russe, c’est dire très fort que l’on part alors que l’on reste. Les Russes ont ainsi annoncé à plusieurs reprises leur retrait de Syrie alors qu’il ne s’agissait que de relèves des forces. Les Russes annoncent qu’ils se concentrent sur le Donbass, mais ne renoncent à rien pour l'instant.