UKRAINE

Point de situation des opérations en Ukraine 21 avril 2022

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Si toutes les villes ukrainiennes résistent comme Marioupol, la victoire russe sera très difficile

La bataille du Donbass


 


La grande offensive russe dans le Donbass est d’abord une offensive des feux avec un écrasement des positions ukrainiennes dans les sept zones de combat, avec environ 2 400 pièces d’artillerie diverses, et plusieurs centaines de sorties aériennes quotidiennes avec des frappes dans toute la profondeur du théâtre. On note même la présence de batteries antinavires Kh35 utilisées contre des objectifs à terre. 


Toute cette force de frappe, inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, peut lancer chaque jour entre 1,5 et 2 kilotonnes d’explosif sur les positions ukrainiennes, qui sont dans le Donbass les plus retranchées au monde après celle de la zone démilitarisée en Corée. L’objectif est de neutraliser autant que possible les forces ukrainiennes dans les zones d’attaques russes, de les fixer dans les zones défensives et d’entraver les mouvements dans la profondeur.


Les attaques russes, se concentrent d’abord dans la zone de Severodonetsk (zone S) et ses abords en particulier au Nord. Les forces russes peuvent y être estimées à 10-12 groupes tactiques (2 régiments LNR, 1 régiment blindé et 1 brigade mécanisée russe) sans doute sous le commandement de la 2e Armée. Elles font face à trois brigades de manœuvre ukrainiennes, soit l’équivalent en unités de combat de 9 GT russes mais avec nettement moins d’artillerie, plus une brigade territoriale et des unités paramilitaires du ministère de l’Intérieur. 


La zone urbaine de Severodonetsk (= ½ Marioupol en superficie) et ses abords retranchés résistent depuis le 2 mars. Elle est désormais très largement sous pression. L’effort russe se porte sur la limite Nord de la zone depuis Lyman à 15 km au Nord-Est de Sloviansk jusqu’à Rubizhne qui jouxte Severodonetsk au Nord, avec l’espoir d’envelopper la ville et de couper ce bastion de celui de Sloviansk-Kramatorsk-Druzkhivka-Konstantinovka (SKDK), l’objectif principal. Le 2e corps d’armée (LNR) attaque toujours dans la région de Popasna au Sud de Severodonetsk pour compléter l’enveloppement. La progression de cette première pince russe est lente mais réelle.


La deuxième pince vise le bastion SKDK à partir d’Yzium (zone Y), où se trouve le groupement de forces principal russe (=22 GT, 1ère Armée blindée de la garde), et d’Horlivka au Sud-Est (zone Donetsk, D, 1er corps DNR, 2e CA LNR et éléments de la 5e Armée russe = 15 GT). La progression russe sur l’axe M03 au Nord face à la 81e brigade est très lente et celle de l’axe Sud tenu par deux brigades ukrainiennes presque inexistante. Même si les forces russes parvenaient à percer et atteindre le bastion SKDK, il faudra à la fois sécuriser les axes contre le harcèlement ukrainien, et s’attaquer à l’équivalent d’un Marioupol renforcé depuis 50 jours. Cela paraît difficile avec les capacités actuelles et en tout cas, sans espoir de victoire avant le 9 mai.


La troisième pince réside dans des attaques complémentaires à partir d’Yzium vers Barvinkova ou de la zone Zaporijjia (zone Z, 58e Armée, 10 GT) vers le Nord depuis la région d’Houliaipole ou depuis la ville de Donetsk sur l’axe N15. L’objectif de cette attaque au Sud est peut-être d’atteindre le point clé de Poprovske. La prise de Barvinkove et de Poproske représenterait une menace d’enveloppement général de la poche du Donbass, mais, encore une fois, en admettant ces prises possibles, plus les forces russes pénètrent à l’intérieur du territoire ukrainien et plus elles sont vulnérables. Quant à la perspective encore plus large de s’emparer de Zaporijjia et Dnipro (= 2 Marioupol chacune), sans parler de Kharkiv (= 3 Marioupol) cela paraît inconcevable à court terme.


Les batailles périphériques


Trois batailles se déroulent en périphérie de celle du Donbass. Les combats sont toujours incertains dans la région de Kherson-Mykolaev, où les forces russes s’efforcent de diminuer la pression ukrainienne par des contre-attaques limitées et surtout l’emploi des feux. Toute la zone occupée Sud est à surveiller entre l’augmentation des activités de guérilla ukrainienne qui fixent de plus en plus de forces russes et les rumeurs de proclamation de nouvelles républiques séparatistes suivie de mobilisations générales.


A Marioupol, les dernières forces ukrainiennes résistent toujours dans le complexe industriel Azov. Elles auraient même lancé une contre-attaque en direction du port. Marioupol tombera, ce qui constituera une victoire tactique russe mais avec une telle difficulté qu’elle apparaît déjà aussi comme une victoire symbolique ukrainienne. Si par extraordinaire, les forces du complexe Azov tenaient toujours le 9 mai, cela gâcherait la célébration de la grande victoire de la Grande Guerre patriotique (même si dans les faits la prise de Marioupol serait quand même proclamée). La résistance ukrainienne fixe également 12 GT russes, assez éprouvés semble-t-il, qui ne peuvent être engagés dans la bataille du Donbass. Elle fixe aussi une norme très dissuasive pour la suite de la guerre, qui peut s’évérer impossible à gagner pour les Russes si chaque grande ville résiste comme Marioupol.


Dans le Nord-Est, les forces ukrainiennes ont pris l’initiative dans la région de Kharkiv, que ce soit au nord de la ville et surtout à l’Est où le 92e brigade mécanisée et la 4e brigade blindée ont atteint la zone Tchouhouiv-Malynivka. De ce carrefour, les Ukrainiens peuvent menacer l’axe logistique principal russe qui va de Belgorod à Yzium via les villes de Velykyi Burluk et Kopiansk, défendu par des forces russes revenues de Kiev mais il faudrait avancer encore de 50 km. Ils peuvent aussi poursuivre vers le Sud-Ouest sur l’axe M03 en direction de l’arrière du grand groupement russe d’Yzium. Cette action est complétée par des raids des Forces spéciales sur les arrières russes, y compris sur le territoire russe.