Poésie (France)

la Beauté du monde - 2010


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Colette Funfshilling (poésie) Extrait du spectacle Lil'Auteurs 2009

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Le Guignon (Baudelaire)

Pour soulever un poids si lourd,

Sisyphe, il faudrait ton courage !

Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage,

L’Art est long et le Temps est court.

Loin des sépultures célèbres,

Vers un cimetière isolé,

Mon cœur, comme un tambour voilé,

Va battant des marches funèbres.

– Maint joyau dort enseveli

Dans les ténèbres et l’oubli,

Bien loin des pioches et des sondes ;

Mainte fleur épanche à regret

Son parfum doux comme un secret

Dans les solitudes profondes.
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L'Ennemi (Baudelaire)

Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,

Traversé çà et là par de brillants soleils ;

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,

Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j’ai touché l’automne des idées,

Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve

Trouveront dans ce sol lavé comme une grève

Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
— Ô douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,

Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur

Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
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Et, sans daigner savoir comment il a péri,

Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.

* Alfred de VIGNY (1797-1863)
La mort du loup
I
Les nuages couraient sur la lune enflammée

Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,

Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.

Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,

Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,

Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,

Nous avons aperçu les grands ongles marqués

Par les loups voyageurs que nous avions traqués.

Nous avons écouté, retenant notre haleine

Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine

Ne poussait un soupir dans les airs ; Seulement

La girouette en deuil criait au firmament ;

Car le vent élevé bien au dessus des terres,

N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,

Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés,

Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.

Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête,

Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête

A regardé le sable en s'y couchant ; Bientôt,

Lui que jamais ici on ne vit en défaut,

A déclaré tout bas que ces marques récentes

Annonçait la démarche et les griffes puissantes

De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.

Nous avons tous alors préparé nos couteaux,

Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,

Nous allions pas à pas en écartant les branches.

Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,

J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,

Et je vois au delà quatre formes légères

Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,

Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux,

Quand le maître revient, les lévriers joyeux.

Leur forme était semblable et semblable la danse ;

Mais les enfants du loup se jouaient en silence,

Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,

Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.

Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,

Sa louve reposait comme celle de marbre

Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus

Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.

Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées

Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.

Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,

Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ;

Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,

Du chien le plus hardi la gorge pantelante

Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,

Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair

Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,

Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,

Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,

Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.

Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.

Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,

Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ;

Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.

Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,

Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,

Et, sans daigner savoir comment il a péri,

Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.
II
J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,

Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre

A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,

Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,

Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve

Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ;

Mais son devoir était de les sauver, afin

De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,

A ne jamais entrer dans le pacte des villes

Que l'homme a fait avec les animaux serviles

Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,

Les premiers possesseurs du bois et du rocher.
Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,

Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !

Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,

C'est vous qui le savez, sublimes animaux !

A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse

Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.

- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,

Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !

Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,

A force de rester studieuse et pensive,

Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté

Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.

Gémir, pleurer, prier est également lâche.

Fais énergiquement ta longue et lourde tâche

Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,

Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. "
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L'Épitaphe de Villon ou " Ballade des pendus "
Frères humains, qui après nous vivez,

N'ayez les coeurs contre nous endurcis,

Car, si pitié de nous pauvres avez,

Dieu en aura plus tôt de vous mercis.

Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :

Quant à la chair, que trop avons nourrie,

Elle est piéça dévorée et pourrie,

Et nous, les os, devenons cendre et poudre.

De notre mal personne ne s'en rie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Se frères vous clamons, pas n'en devez

Avoir dédain, quoique fûmes occis

Par justice. Toutefois, vous savez

Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.

Excusez-nous, puisque sommes transis,

Envers le fils de la Vierge Marie,

Que sa grâce ne soit pour nous tarie,

Nous préservant de l'infernale foudre.

Nous sommes morts, âme ne nous harie,

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
La pluie nous a débués et lavés,

Et le soleil desséchés et noircis.

Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,

Et arraché la barbe et les sourcils.

Jamais nul temps nous ne sommes assis

Puis çà, puis là, comme le vent varie,

A son plaisir sans cesser nous charrie,

Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.

Ne soyez donc de notre confrérie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,

Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :

A lui n'ayons que faire ne que soudre.

Hommes, ici n'a point de moquerie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
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