Plan Nord : $20 milliards pour quoi?

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Québec veut traire la vache à lait pour les amis du PLQ





Ainsi donc, le premier ministre Philippe Couillard a annoncé hier une version « 2.0 » du Plan Nord qu’avait présenté Jean Charest il y a plus de 4 ans. Cette nouvelle annonce à grand déploiement prévoit des investissements du gouvernement de 2 milliards d’ici 2035 auxquels s’ajoutent des investissements d’Hydro-Québec de $19,5 milliards. Par ailleurs, le gouvernement « souhaite » voir le privé investir $29,5 milliards.


Peut-être ne l’avez-vous pas remarqué, mais plus de 90% de l’argent dépensé par l’État proviendra d’Hydro-Québec. Ainsi, il s’agit du point de vue des investissements d’un plan principalement énergétique. Pourtant, le gouvernement a plutôt mis l’accent sur les aspects miniers et sociaux-économiques du Plan Nord.


Un plan énergétique?


À l’origine, le plan Nord était un plan à peu près uniquement énergétique. On n’y parlait pas de mines. Ce n’est que la hausse importante du prix du minerai qui a transformé le discours de M. Charest en 2011. D’ailleurs en 2009, il ne parlait que du projet de La Romaine. On évaluait alors à $6,5 milliards le coût de ce projet de 1550 Mégawatts.


Nous sommes maintenant rendus en 2015. Considérant que les nouveaux projets hydroélectriques qu’Hydro-Québec pourrait potentiellement développer seront encore plus chers que La Romaine à cause du degré d’éloignement et de difficulté accrus auquel s’ajoute l’augmentation du coût de la vie, on peut déduire qu’avec $20 milliards, Hydro-Québec serait probablement capable de développer un ou deux projets qui totaliseraient 3,000 Mégawatts dans les meilleures conditions.


Soit. Mais, on ne construit pas des centrales hydroélectriques uniquement pour créer de l'activité économique. Il faut qu'il y ait un marché pour cette nouvelle électricité.


Qu'en est-il vraiment?


De l’électricité pour les mines?


Est-ce que le plan électrique du nord sera consacré à l’approvisionnement en électricité des mines et de communautés éloignées? Fort peu possible car des mines, ça ne consomme pas beaucoup d’électricité. Citons le cas de la mine Raglan. En effet, cette entreprise envisage d’installer des éoliennes pour un total de 9 à 12 mégawatts d’énergie, ce qui diminuerait de 40 % la consommation globale de diesel de la mine. On est donc loin des 3 000 Mégawatts!  Et comme  dans le Plan nord, on parle de 17 projets miniers... Les $20 milliards ne peuvent donc être que pour cela.


De l’électricité pour l’exportation?


Sachant que nous sommes devant des surplus électriques qui dureront encore plusieurs années, comment le gouvernement conjugue-t-il cette réalité avec leur annonce d’investissement de $20 milliards d’Hydro-Québec dans de nouveaux projets si ceux-ci sont destinés à l'exportation? Rappelons que dans la première mouture du Plan Nord, on ne parlait pas de 19,5, mais bien de 47(!) milliards d’investissements venant d’Hydro-Québec!


À partir de quelles analyses le gouvernement conclut-il qu’il y aura augmentation de la demande à l’exportation pour justifier de nouvelles centrales considérant le fait que les profits des exportations d’électricité ont fondu depuis plusieurs années? A-t-on pris en compte la venue de nouvelles centrales électriques alimentées au gaz naturel provenant des schistes comme un compétiteur sérieux aux ambitions d'exportation d'Hydro-Québec dans le marché américain?


Et on serait prêt à risquer 20 G$ pour un marché aussi peu assuré?


De l'électricité pour les besoins du Québec?


À plusieurs reprises au cours des dernières années, Hydro-Québec s’est lourdement trompé dans ses projections de la demande en électricité.... On a qu’à penser aux projets de centrales du Suroît et de Bécancour où Hydro-Québec affirmait fin 2003 être à quelques mois d’une incapacité à répondre à la demande.


Or, le Suroît a été stoppé quelques mois plus tard car, selon l’ancien ministre des Ressources Naturelles Sam Hamad, les importantes précipitations de l’été 2004 faisaient en sorte qu’on avait plus besoin de cette centrale. Ainsi, quelques semaines pluvieuses ont été suffisantes pour ne plus avoir besoin d’une centrale au gaz qui aurait fonctionné au moins 30 ans...


Et que dire du monumental gâchis de la centrale de Bécancour lancé sous le gouvernement Charest en 2004. Rappelons que cette centrale a été ouverte moins de 2 ans et que nous avons depuis payé à TransCanada Énergie près de $2 milliards pour qu’elle reste fermée.


Sachant donc que les projections de demande en électricité qu’on faites Hydro-Québec au cours des dernières années étaient si erronées à quelques mois d’avance et qu'elles nous valent des surplus dont les clients d'Hydro-Québec assument les pertes, comment le gouvernement peut-il prédire que nous devrions investir près de $20 milliards dans les 20 prochaines années en nouveaux projets électriques pour répondre à la croissance de la demande au Québec? D’ailleurs, il a 4 ans à peine, Hydro-Québec anticipait une demande qui nécessiterait $47 milliards d’investissements... C’est dire combien tous ces chiffres sont aléatoires!


De l’électricité pour remplacer nos importations de Churchill Falls?


2035, c’est 6 ans avant la fin de l’entente de Churchill Falls entre Hydro-Québec et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.


En 2041 prendra fin cette entente qui coûte moins 0,25 cent du kWh à Hydro-Québec. Or, une nouvelle entente équitable et rentable pour le Québec et Terre-Neuve autour cette centrale de 5 400 Mégawatts pourrait avoir des répercussions importantes sur la stratégie énergétique du Plan Nord et rendre inutiles de nouvelles centrales construites à grand frais...


5400 Mégawatts, c’est deux fois plus de capacité installée de production d’électricité que les projets de la Romaine (1550 MW), Toulnustouc (525 MW) et Eastmain 1-A (500 MW) combinés. L'hypothèse de construction de nouveaux barrages, afin de remplacer l'électricité provenant de Churchill Falls à l'expiration du contrat, se poserait-elle donc comme une justification pour lancer de nouveaux projets de centrales dans le Grand Nord?


Ainsi, avant de parler d’investir $20 milliards dans de nouveaux projets qui coûteront au bas mot 10, 12 voire 15 cents du kWh, ne devrions-nous pas plutôt nous assurer qu’une entente soit négociée et signée à coût avantageux pour le Québec et Terre-Neuve et à des tarifs moindres que ceux de nouvelles centrales? Où se situe ce dossier dans le grand plan énergétique du Plan Nord?


La consultation publique du gouvernement


Toutes ces questions nous amènent à la consultation sur la stratégie énergétique du gouvernement. Car au moment même de l’annonce du Plan Nord se déroule une consultation sur la nouvelle stratégie énergétique du gouvernement.


Pourquoi faire une consultation si avant même la fin de celle-ci, le gouvernement annonce qu’Hydro-Québec dépensera tout près de $20 milliards dans des projets électriques?


Prenons le temps de réfléchir et évitons les engagements pharaoniques


Parler d’un « Plan » Nord implique qu’il y a planification. Or, lorsqu’on jette un coup d’œil dans le document où il est question en quelques pages la planification électrique, il n’y a pas d’explication qui justifie des investissements d’Hydro-Québec à hauteur de $20 milliards. ( voir de la page 34 à la page 40)


http://www.plannord.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2015/04/Long_PN_FR.pdf


Donc, où est le plan énergétique de $20 milliards au sein du Plan Nord?


Des réponses à ces questions seraient appréciées.




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