Photo obscène envoyée par un député: le PLQ avait été prévenu dès 2014

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La culture libérale de la dissimulation : Sklavounos, Paradis et maintenant St-Denis

 L'employée politique libérale qui avait reçu sur son téléphone cellulaire une photo pornographique du député libéral Yves St-Denis avait prévenu la direction du Parti libéral du Québec dès 2014, a appris La Presse.


Des sources sûres ont aussi indiqué que le député, qui a quitté hier le caucus du PLQ, avait également transmis des photos dégradantes à deux jeunes employées de la permanence du parti, des secrétaires qui ont depuis quitté leur emploi. C'est cette révélation qui a poussé fin octobre la première victime, employée politique dans les Laurentides, à revenir à la charge auprès du cabinet de Philippe Couillard et auprès d'un responsable de l'organisation du parti.


Selon les informations recueillies, la dénonciation de 2014 - survenue peu après les élections d'avril - était carrément restée lettre morte, aucune suite n'y ayant été donnée par la direction du PLQ informée de l'inconduite du député, alors nouvellement élu.


Plus récemment, lorsqu'elle a rappelé ce qui était survenu en 2014, la victime a été invitée sans détour à se taire.


 


Hier matin, le député Yves St-Denis s'est retiré rapidement du caucus libéral après que Cogeco eut révélé qu'il avait envoyé une photo d'un homme se faisant faire une fellation sur le téléphone cellulaire d'une employée politique libérale. Cette affaire s'ajoutait à des plaintes concernant d'autres aspects de son comportement.


L'entourage du premier ministre Philippe Couillard avait signalé en matinée hier que l'élu de la circonscription d'Argenteuil devait se retirer de lui-même, sans quoi il risquait d'être mis à la porte par ses pairs.


Joint par Cogeco, M. St-Denis a minimisé la portée de son geste, expliquant qu'il s'agissait d'une capture d'écran tirée d'un film pornographique. Dans les confidences qu'elle a faites à des collègues, l'employée a maintenu que la photo représentait le député.


Dès octobre, l'employée avait raconté l'histoire à Nicole Ménard, whip du Parti libéral - pourtant, Mme Ménard, publiquement, reportait au 1er décembre, plus d'un mois plus tard, cette dénonciation. Celle-ci, comme le prévoit la directive sur le harcèlement des employés politiques, a soumis la question à la répondante en matière d'inconduite sexuelle de la direction des ressources humaines à l'Assemblée nationale.


Ayant changé d'emploi - elle est passée du parti à un cabinet politique -, la victime avait changé de téléphone cellulaire et ne pouvait produire la photo incriminante, a-t-on appris.


Blagues déplacées et colères fréquentes


En marge de l'annonce du gouvernement sur le transport et la mobilité durable, le premier ministre Philippe Couillard a commenté hier l'affaire St-Denis, révélant que la plainte de l'employée politique portait aussi sur des questions de harcèlement psychologique, ce qui est inexact, assure-t-on.


«Il est certain que ça rend une candidature [de M. St-Denis] beaucoup plus difficile», a souligné M. Couillard, ajoutant : «Il est clair que ce n'est pas le genre de comportement qu'on veut voir parmi nos élus.»


M. St-Denis faisait parler de lui aussi pour ses blagues déplacées et ses colères fréquentes à l'endroit du personnel politique. Il avait été plusieurs fois convoqué au bureau du whip - Stéphane Billette à l'époque - pour des rappels à l'ordre insistants.


En 2016, M. St-Denis avait également fait l'objet de plaintes de la part de députés de Québec solidaire et de la Coalition avenir Québec. Ils lui reprochaient d'avoir un comportement déplacé et un langage «insultant et violent», de constamment interrompre ses collègues et de leur jeter des «regards intimidants» en Chambre, lorsqu'ils prenaient la parole.


«Il a un comportement de goon», affirmait alors le député de Mercier, Amir Khadir, qui est assis non loin d'Yves St-Denis à l'Assemblée nationale.


M. Khadir et François Bonnardel, de la CAQ, avaient demandé au président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, d'intervenir pour mettre fin à ce qu'ils qualifiaient de harcèlement et d'intimidation.


Dès son élection en 2014, M. St-Denis avait eu des démêlés avec son ancien employeur, la commission scolaire des Affluents, qui lui reprochait d'avoir quitté ses fonctions en emportant avec lui du matériel informatique.


Sept mois plus tard, le PLQ avait dû exiger que M. St-Denis rende le matériel informatique, dont deux ordinateurs, à son ancien employeur.


M. St-Denis demandait une investiture le 29 avril pour se voir confirmer comme candidat du PLQ dans Argenteuil. Informé des problèmes le concernant, le comité responsable des candidatures avait reporté la décision.


Il s'agit du troisième député chassé du caucus libéral à la suite d'allégations d'inconduite sexuelle, après Gerry Sklavounos, en 2016, et Pierre Paradis, en 2017.


L'opposition dégoûtée


Le comportement de M. St-Denis a été unanimement décrié par les partis de l'opposition, hier.


«C'est inacceptable, s'est insurgée Nathalie Roy, députée de la Coalition avenir Québec. Quand j'ai entendu ça ce matin, j'ai dit : "Bien voyons donc! Envoyer de la pornographie à une employée, quel manque de jugement! Quel mononcle! Je ne peux pas croire!"»


«C'est ce qu'on appelle du harcèlement sexuel, a déploré la députée de Québec solidaire Manon Massé. C'est ce que les femmes vivent à plusieurs égards à plusieurs moments dans leur vie. Et c'est ce qu'il faut qui cesse.»


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