Oui ou non au socialisme: Cuba vote sur sa nouvelle Constitution

2a232b94dc81123802d662d5bc619f01

Cuba se dirige vers un communisme « à la chinoise » : dictature du Parti mais ouverture à l'économie de marché


LA HAVANE | Plus de huit millions de Cubains sont appelés dimanche à se prononcer sur leur nouvelle Constitution, un référendum qui a valeur de test pour le système socialiste, devenu l’ennemi juré de Donald Trump sur le continent américain.


Le texte doit remplacer la Constitution de 1976 en y apportant des changements cruciaux, comme la reconnaissance du marché, de la propriété privée et des investissements étrangers comme nécessaires dans une économie en berne et minée par les pénuries.


Mais il ne transige pas sur le caractère unique du Parti communiste cubain (PCC) et réaffirme que «l’être humain n’atteint sa pleine dignité que dans le socialisme et le communisme».


La mention n’est pas anodine, à un moment de fortes tensions politiques en Amérique latine, concentrées autour de la crise au Venezuela.


Bien décidé à obtenir le départ du président Nicolas Maduro, Donald Trump a assuré lundi que «les jours du communisme étaient comptés au Venezuela, mais aussi au Nicaragua et à Cuba», trois pays dénoncés comme «la troïka de la tyrannie» par Washington.


Début février, il insistait déjà sur sa «détermination à ce que l’Amérique ne soit jamais un pays socialiste».


Mais à moins de 200 kilomètres des côtes américaines, la volonté est elle aussi intacte: «Nous avons construit et nous défendrons une révolution socialiste sous leur nez», a lancé cette semaine le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez.


Campagne omniprésente


Le temps du réchauffement diplomatique entre Cuba et États-Unis, qui avaient rouvert leurs ambassades respectives en 2015, semble bien loin.


Face aux pressions de Trump, «la première victoire, c’est celle que nous devons assurer (...) dimanche prochain en votant oui à la Constitution, pour la Révolution, pour Fidel et pour Raul», a promis le président Miguel Diaz-Canel, qui a succédé en avril dernier aux frères Castro.


Depuis des semaines, le gouvernement cubain ne ménage pas ses efforts dans sa campagne pour le oui (#YoVotoSi), omniprésente sur les réseaux sociaux, à la télévision et même sur les bus et commerces de l’île.


«Toute cette propagande a créé une sorte de pression pour que les gens votent oui, (en faisant croire) que voter non signifie avoir un problème. Pour moi, c’est contre-productif», estime le politologue Carlos Alzugaray.


Le bulletin de vote offrira pourtant le choix entre deux cases, oui ou non, à cette question: «Ratifiez-vous la nouvelle Constitution de la République?»


L’opposition, à la différence des scrutins traditionnels où elle appelle généralement à s’abstenir ou voter nul, plaide cette fois pour un grand «non».


Mais si son slogan #YoVotoNo est largement partagé sur les réseaux sociaux, difficile de le voir ailleurs: il est absent de l’espace public et même censuré sur les SMS, comme a pu le vérifier l’AFP.


Les premiers résultats officiels seront connus lundi après-midi.


«70 à 80%» de oui?


Le gouvernement est confiant dans une large victoire, mais semble avoir été surpris de la virulence des opposants.


En 1976, la Constitution avait été validée à 97,7% par référendum. Cette année Carlos Alzugaray mise plutôt que «70 à 80%»: «Le pays a changé et la Constitution est différente, plus compliquée».


Et désormais les Cubains ont accès à internet, surtout depuis le déploiement en décembre de la 3G sur l’île: Twitter est devenu la caisse de résonance des voix critiques, notamment celles des Cubains de l’étranger, privés de vote.


«Les conditions ont changé, c’est l’une des rares fois où le peuple a la possibilité de dire non», souligne, à Miami, son ex-maire Tomas Regalado, cubano-américain.


Ce non est aussi venu des Églises catholiques et évangéliques, vent debout contre la définition du mariage comme l’»union entre deux personnes», premier pas vers le mariage homosexuel.


Le gouvernement a reculé sur ce point, mais l’Église catholique continue de critiquer l’»idéologie unique», centrée sur le socialisme.


Si le oui l’emporte, le texte entrera en vigueur une fois publié au Journal officiel. À partir de cette date, le président sera limité à deux mandats consécutifs de cinq ans.


Si le non gagne, la Constitution de 1976 restera en vigueur et il faudra légiférer pour l’adapter à l’ouverture économique de l’île.