Ottawa pressé de décriminaliser les drogues

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Le modèle portugais cité en exemple


Les appels à la décriminalisation de toutes les drogues se multiplient. Et cette fois-ci, c’est un comité parlementaire à majorité libérale qui somme le gouvernement fédéral de légiférer en ce sens.


Le comité de la santé s’est penché cet hiver sur l’augmentation de consommation de métamphétamines au Canada. Au terme de consultations à Winnipeg, à Calgary, à Vancouver et à Montréal, les députés ont déposé une vingtaine de recommandations à la mi-juin. Et parmi celles-ci : que le gouvernement du Canada oeuvre à décriminaliser la possession simple de petites quantités de substances illicites.


« Nous ne pouvons pas arriver à bout de cette crise à coup d’arrestations. Nous l’avons tenté pendant des décennies, et la consommation et la dépendance aux drogues sont aussi répandues qu’avant », déplore le député néodémocrate Don Davies, qui a appuyé cette recommandation de concert avec les six députés libéraux qui siègent aussi au comité de la santé.


Les trois membres conservateurs se sont abstenus de soutenir cette proposition. Mais ils appuient en revanche la recommandation qui l’accompagne et qui invite le gouvernement à étudier le modèle du Portugal, qui a décriminalisé toutes les drogues il y a près de 20 ans. Le comité de la santé somme ainsi de façon unanime Ottawa d’entreprendre « une évaluation de l’approche adoptée par le Portugal pour la décriminalisation de la possession simple de substances illicites et [déterminer] comment elle pourrait être appliquée de façon positive au Canada ».


La conservatrice Marilyn Gladu argue qu’avant de légiférer, le Portugal comptait des centres de traitement de dépendance, des campagnes éducatives à l’école sur les méfaits de la drogue et un système de santé universel comprenant des soins de santé mentale. « On ne peut pas appuyer la décriminalisation pour le moment, parce que ces éléments ne sont pas en place au Canada », explique-t-elle.


Mais les conservateurs ne sont pas contre pour autant. « Nous soutenons l’idée que ce soit étudié et reconnaissons que le fait d’avoir une dépendance ne représente pas, au départ en soi, une infraction criminelle », fait valoir Mme Gladu, qui loge chez les conservateurs plus progressistes du caucus d’Andrew Scheer.


Est-ce à dire que le Parti conservateur ne rejette plus la décriminalisation ? Le parti a évolué, souligne la députée, en rappelant qu’il s’est engagé à ne pas annuler la légalisation du cannabis. « Et le fait qu’on ait rédigé cette étude et affirmé que nous soutiendrions l’étude du modèle portugais témoigne aussi d’une évolution », a dit Mme Gladu, qui croyait Andrew Scheer du même avis.


Le bureau du chef a toutefois stipulé que M. Scheer « ne soutient pas la décriminalisation ».


Idem au bureau de la ministre libérale de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor. « Nous remercions le comité pour son travail, car il est important que nous puissions avoir ces discussions. Notre gouvernement a cependant été clair, ce n’est pas dans nos plans. »


Des appels successifs


Ce n’est toutefois pas la première fois que des libéraux font pression pour que Justin Trudeau modifie la loi. Les militants du Parti libéral ont adopté une résolution, en congrès l’an dernier, pour que le fédéral « requalifie la possession et la consommation de faibles quantités de drogues en infractions administratives ». En 2017, l’élu Nathaniel Erskine-Smith, de la région de Toronto, avait lancé le même appel.


Des demandes qui s’inscrivent dans la foulée de l’épidémie de surdoses accidentelles aux opioïdes qui a fait 4460 morts l’an dernier et 11 500 victimes depuis 2016.


Et ces appels à la décriminalisation de drogues ont en outre été partagés, depuis un an, par la direction de la santé publique de Montréal, de Toronto, de la Colombie-Britannique et le maire de Vancouver — où une personne meurt tous les jours d’une surdose d’opioïdes. Le directeur de l’Association canadienne de santé publique, Ian Culbert, appelait en outre le fédéral à faire ce virage lors de sa comparution au comité de la santé.


« Il y a de plus en plus de députés de tous les partis qui le disent. Et plus nous sommes nombreux, plus cela augmente la pression sur le premier ministre Trudeau pour qu’il change de position », espère le néodémocrate Don Davies — dont le parti défend l’idée.


Au Portugal, quiconque est pris en possession d’une quantité de drogue équivalant à moins de dix jours de consommation est convoqué devant un « panel de dissuasion » composé d’intervenants sociaux. Les contrevenants peuvent recevoir des amendes, être envoyés en thérapie ou dans un centre de désintoxication.




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