Reconquête de l'État provincial ?

Oser Martine Ouellet

Pour un état major politique trempé dans l'action

Chronique de Gilles Verrier

Chronique de Gilles Verrier
Il est impossible de savoir si une fois élue Martine Ouellet tiendrait un référendum dans un premier mandat. En politique ordinaire, la règle veut que les promesses électorales n'engagent que ceux qui y croient. Entre temps, elle a encore le temps de mieux garnir son arsenal de moyens. Du coté de Jean-François Lisée, ce dernier ferait-il vraiment un référendum dans un deuxième mandat? Si oui sur quoi et avec quelle question? Qu'avait-il à se prononcer sur un référendum dans huit ans alors que de bien faire sentir l'urgence de faire l'indépendance le plus tôt possible pouvait se passer de toute autre précision? Or, pourquoi pas dans dix ou seize ans, puisque rien dans son programme ne peut convaincre de sa détermination à y arriver. Pour ceux qui ont déjà vu neiger, la promesse d'un référendum dans huit ans est à prendre avec beaucoup de recul.
Continuons à filer du lieu commun. En politique, un an est une éternité. Le corollaire est qu'une fois le bulletin de vote déposé, l'électeur n'a plus guère de pouvoir sur la suite des choses. A-t-il mis sa confiance dans un élu? C'est désormais ce dernier qui tient le micro. Le partisan honnête sera entraîné dans les arcanes politiciennes et c'est avec un sentiment coupable qu'il sortira d'un récit qui n'a plus rien à voir avec les discours de candidature. D'où l'importance de se méfier de ceux qui retournent leur chemise avec facilité.
Il faut donner à Martine Ouellet le crédit de ne pas cultiver l'équivoque. Lisée est certes plus expérimenté mais il traîne avec lui un passé d'homme de compromis qui avoisine la compromission. Qui choisir? Entre l'intellectuel-écrivain et la femme de terrain, la tentation est forte de choisir celle qui a eu le cran de refuser tout juste de prêter serment à la reine.
Pour le Québec, pour le prochain mandat, vu l'état des lieux, il vaut mieux une opposition qui pourra se tremper dans le feu de la bataille, comme on trempe l'acier, au lieu de donner une chance à un Lisée qui, si on met de coté les anticipations les plus optimistes, serait à l'aise dans ses bottes à continuer de tergiverser, certes à sa façon, au cours d'un premier mandat, s'il est élu, chancelant au pouvoir. Reconnaissons qu'il pourrait y avoir pire, comme l'élection d'Alexandre Cloutier.
Choisir Martine Ouellet serait choisir le chemin de 'opposition, si elle n'est pas élue en 2018, ce qui ne surprendrait personne. Mais elle aurait les coudées franches, pour la première fois depuis 1834, de faire feu de tout bois. Dans une lutte parlementaire aussi bien qu'extra-parlementaire, il faudra bien que quelqu'un s'essaie à la lutte politique d'aujourd'hui, qu'on appelle parfois lutte de « quatrième génération», qui doit être non conventionnelle.
Martine Ouellet pourrait souder entre eux les indépendantistes. Une telle unité, du jamais vu, pourrait provoquer l'éclatement du PQ. Et pourquoi pas? Faute d'avoir créé un nouveau parti indépendantiste de masse, tâche herculéenne, une entreprise qu'on nous décourage d'entreprendre depuis quinze ans, il faut s'engager dans un chemin de traverse. Et ce n'est pas moi qui y pousse le PQ. Mûr de ses propres contradictions, il y chemine par sa propre inertie. Une sortie par le haut serait qu'il se débarrasse des parvenus de la «chouveraineté» par un geste de rupture. Il faut éconduire les rentiers de l'indépendance, ceux qui ont fait carrière sur son compte et qui en tirent aujourd'hui de confortables retraites, les moins recommandables d'entre eux ayant parasité sur l'indépendance à Ottawa pendant des décennies. Ne leur manque plus que le fauteuil de sénateurs. Ne comptez pas sur eux pour remettre en cause leur crédo. Ils retirent aujourd'hui leurs dividendes, intervenant de temps en temps comme les gardiens de l'«indépendance», marque déposée. Ils font office d'une catégorie de la diversité canadienne, une minorité ethnique qui s'assume. Ils sont inoffensifs et dégriffés. Je ne nommerai personne mais tous les reconnaîtront.
Plusieurs croient à la reconquête de l'État du Québec. Or, même dans une acception limitée, soit celle de sa dignité d'État provincial, une telle reconquête ne peut faire l'économie d'un minimum de cohésion. Or, comme on dit, le ver est dans la pomme. Faute d'une épuration du PQ de ses agents fédéralistes-mondialistes, traînant d'ailleurs leur identité québécoise comme une plaie qui leur colle à la peau, rien ne changera. Visiblement, ils ne sont pas comme les Israéliens ou les Américains, qu'ils admirent pourtant, ces peuples qui n'ont aucun complexe à se prendre pour «élus» ou «indispensables» à l'humanité. Nous, notre humilité nous tue. Avec sept ou huit millions on a mauvaise conscience d'opprimer l'anglais et la minorité qui s'y colle. Continuons à nous excuser d'exister... Les chefs québécois, vu les ambitions exprimées, aucune reconquête de l'État, si modeste soit-elle, ne peut être envisagée d'emblée. Le navire amiral jouit certes d'une notoriété bien établie dans la presse et dans la population. Mais pour ceux qui s'intéressent, ce navire est un rafiot qui navigue dans la mare, sans jamais mettre le cap sur le grand large.
Soyons constructif. L'élection d'un chef, sauf dans le cas d'un(e) chef qui provoquerait le brassage des cartes, rien ne changera. C'est ce que l'on répète dans mon entourage. Bien de bonnes âmes pleureront la mise à l'écart de la vieille garde, les habituels appelés en entrevue. Je leur dis, de grâce partez. Que cette vieille garde de faux-jetons, favoris de Radio-Canada grâce à leur souverainisme domestiqué, quitte le navire après avoir joué les Ponce Pilate contre Yves Michaud, Patrick Bourgeois, Jean-Claude St-André, Pierre Falardeau, Pierre Bourgault, Michel Chartrand et tant d'autres ne serait que juste.
Ces faux libérateurs qui restent froids devant les dénis de démocratie dont a souffert maintes fois le peuple fondateur du Canada, (aujourd'hui les Québécois) ont toujours fait le choix, inversement, de se distancier des plus colorés et des plus fervents parmi les nôtres que du Canada. Mais qui de Lisée ou de Ouellet pourrait le plus facilement embrasser les idées patriotiques et mettre en échec la génération des Pierre-Marc Johnson, des Claude Morin et des Bernard Landry? En fait, l'élection de Martine Ouellet, si l'on se prend à rêver, pourrait précipiter la fin d'une époque. Celle de cette vieille garde surannée de la souveraineté-association qui n'a eu de cesse de se placer sous l'influence idéologique du Canada, ouvertement admirative de ses façons et de ses valeurs, et qui ne doit aujourd'hui son prestige qu'à notre incapacité d'avoir formé plus tôt, dix ou quinze ans passés, un parti patriotique englobant, de droite et de gauche. De droite (par son soutien des intérêts de la nation et de l'identité nationale sans renier ses traditions) et de gauche (en soutenant les intérêts de la classe moyenne, des travailleurs et des petits entrepreneurs, à l'encontre de l'hyper classe des prédateurs mondialistes). Ces deux pôles politiques ne demandent qu'à être réunis, pour faire nation, de sorte que la masse des Québécois s'y retrouve.
Pour ceux qui ne sont pas des «référendistes», le référendum est un point de détail. Rien pour se crêper le chignon. Ce qui compte bien davantage c'est l'esprit de la lutte. Lévesque, qui faisait copain copain avec Claude Morin, a abdiqué après avoir misé sa dernière cravate sur un référendum. Parizeau, pas mieux, a démissionné au lieu de contester et d'en remettre. Nos défaites référendaires tiennent bien moins à leurs résultats comptables qu'à l'esprit d'abdication, soit au caractère «définitif» que les deux chefs leur ont faussement donné. Ceci, au lieu de les situer avant, pendant et après, au sein de notre combat multi-séculaire. Un épisode à partir duquel il était toujours possible de rebondir adroitement si on avait cultivé dès le départ une attitude branchée sur notre histoire de résistance. Cette histoire qui sans nous donner de grandes victoires nous avait toujours maintenu à flot. Être restés fidèles à nos traditions, plus conservatrices dans les perspectives, les deux référendums n'auraient jamais dû nous amener à ces années de morosité et de déprime nationale. Vu l'âpreté des débats à leur sujet, le refus d'en discuter d'une façon ou d'une autre, encore aujourd'hui dans la population, leur leg, celui de Lévesque (Morin) et Parizeau (Morin) nous aura causé à répétition le plus grand traumatisme depuis la répression des années 1837-38, peut-être. Ce n'est pas le spectre du référendum ou, de l'autre coté son souhait réitéré qui gênent tant, mais bien davantage un esprit insuffisamment pugnace, fondé sur la croyance fausse de l'existence d'un Canada démocratique ou simplement bienveillant à notre égard. C'est ce qui a provoqué le pire et le fait craindre à nouveau. Martine Ouellet, il faut l'espérer, aura bien le temps de diversifier son arsenal, de réfléchir sur la vraie nature du Canada et de gagner la sagesse d'éviter de rééditer des épisodes référendaires qui n'ont rien rapporté à notre cause.

Pour survivre le PQ devra surmonter son déficit de vérité. Il devra renoncer à se satisfaire d'un argumentaire en faveur de l'indépendance qui loge dans le microcosme «Québec». Les adversaires de l'indépendance ont mis en échec le projet d'indépendance du Québec en tablant sur le mondialisme, le multiculturalisme et l'ouverture au monde, figeant le PQ dans une posture identitaire qualifiée de rétrograde et fermée sur elle-même. À cet égard, le PQ, pris dans ses contradictions, s'est privé d'une riposte claire, reprenant dans le sens des souverainetés nationales les mêmes enjeux planétaires que ses détracteurs. Le PQ a préféré la province au grand large.
La moyenne d'âge au PQ dépasse largement la soixantaine. Sur le plan démographique le PQ est moribond. Sans se donner une exigence de vérité qui expliquerait la nécessité de l'indépendance comme une riposte au système mondialisme fossoyeur des nations. Sans ce souci d'élargir le débat en lui donnant l'éclairage d'aujourd'hui, celui d'un monde multi polaire, respectueux des souverainetés nationales et du droit, le PQ est fini car ses appels ne seront pas entendus par la jeunesse en quête d'idéal et de vérité.

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Gilles Verrier139 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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1 commentaire

  • Bruno Deshaies Répondre

    5 octobre 2016


    2016-10-05 11:48

    «Vu l’âpreté des débats à leur sujet [Lévesque, Parizeau, Morin, et al.], le refus d’en discuter d’une façon ou d’une autre, encore aujourd’hui dans la population, leur legs , celui de Lévesque (Morin) et Parizeau (Morin) nous aura causé à répétition le plus grand traumatisme depuis la répression des années 1837-38, peut-être.»

    Pour ceux et celles qui voudraient se convaincre du contraire, ils devraient lire cette anthologie de la pensée de René Lévesque que nous a offert, en 1987, le Journal de Montréal.
    Jacques Fortin, éd., Chroniques de René Lévesque, Montréal, Québec/Amérique, 1987, 458 p. Dossiers documents. Chroniques publiées dans le Journal de Montréal entre le lundi 29 juin 1970 au jeudi 27 septembre 1973. C'est le Journal de Montréal qui a fait le choix des documents.

    La vulgate nationaliste

    Cette vulgate de notre nationalisme traditionnaliste est tellement répandue dans la société québécoise qu’on peut se demander quand viendra le jour où les péquisto-souverainistes, souverainistes-associationnistes ou fédéralo-autonomistes des projets de pays parviendront à définir un jour et comprendront de quoi ils parlent lorsqu’ils nous serinent le concept d’INDÉPENDANCE tellement rabougri d’idées confédéralistes que le public ne comprend pas.
    À cet égard, Gilles Verrier dresse, sereinement et avec réalisme, le portait de ces «chouverainistes». Ils et elles sont millions dans la société civile. Or, «Le Code Québec», il est dans tout ce public que Jean-Marc Léger n’a pas osé sonder. Pour se faire plaisir, il a tenté de résumer à une photographie d’un moment présent d’une supposé psychogénétique socio-culturelle (pour employer des grands mots) de la société québécoise. Du divertissement qui nous éloigne des fondamentaux de l’indépendance.
    Le «ton plaintif» des Québécois s’étalent sur plusieurs générations, surtout après l’Union de 1841, soit depuis 175 ans. Les vagues nationalistes ne font que combattre un régime qu’ils déplorent mais qu’ils ne parviennent même pas minimalement à changer. Les nationalistes n’ont pu constater que le contraire en 1982 et même après 1995. Devant l’échec, la totalité des chefs péquistes sont des démissionnaires.
    Le discours indépendantiste est flou. Pendant ce temps la Fondation Pierre Elliot Trudeau, fort d’un fonds de 200 000,00 $ créé par le gouvernement Harper, forme une élite de jeunes doctorants fédéralistes dans tous les domaines du savoir avec l’intention de s’impliquer dans la société civile canadienne dont le Québec province. Des membres de notre société québécoise y participent joyeusement comme mentors auprès de ces jeunes doctorants. Les tentacules s’allongent et se grossissent dans tous les milieux de notre société.
    Dans les circonstances, le moindre mal serait « Oser Martine Ouellet ».

    «Il faut donner à Martine Ouellet le crédit de ne pas cultiver l’équivoque.»
    Elle devra à impulser un discours nouveau.
    Elle aura besoin de beaucoup d’aide de l’extérieur pour réussir si jamais elle devenait la Chef du Parti Québécois. Car elle aura l’obligation d’impulser un discours nouveau que les membres de ce parti ne sont pas parvenus à exposer et à expliquer correctement au public. Je crois avoir écrit assez de chroniques sur Vigile pour faire valoir les fondamentaux de l’indépendance politique du Québec : «Un État souverain, français, jouissant de la reconnaissance juridique internationale. » Ces concepts permettent d’éviter les dérapages du courant toujours tenace de la souveraineté-association et des rêves d’union fédéralepost-moderne ou civilisée.