On reste sur notre appétit

L'affaire de la CDP - le cas Henri-Paul Rousseau



(Québec) Henri-Paul Rousseau a utilisé l'exemple de la grippe, hier, pour expliquer la lenteur de la Caisse de dépôt à bouger sur les papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA) à l'été 2007. Ça commence par des maux de tête, des douleurs musculaires, un diagnostic de grippe, et ça se termine en pneumonie, a-t-il expliqué. L'ancien président de la Caisse tentait de faire comprendre pourquoi son équipe n'avait pas compris immédiatement la débâcle financière des PCAA lorsque les premiers signaux sont parvenus aux gestionnaires des portefeuilles à la fin de juillet 2007, et pourquoi on a continué d'en acheter. La «confusion» qui existait à l'endroit de ces titres sur le marché a fait que ce n'est que le 13 août 2007 qu'on a compris la gravité de la situation.
Le témoignage de l'ancien président de la Caisse de dépôt a permis d'en apprendre un peu plus sur l'aventure des papiers commerciaux, mais il n'a pas donné de réponse à la principale question qui préoccupe les parlementaires : pourquoi la Caisse a-t-elle acheté plus de PCAA que les autres institutions au Canada, et qui chez les gestionnaires recommandait ces achats? M. Rousseau a expliqué que ces titres avaient été achetés sur une période de plusieurs années, qu'on n'avait pas fixé de plafond sur ces investissements, et qu'on n'en avait pas fait le total. Il a reconnu là son erreur, mais il n'a pas expliqué quelles circonstances ou quelles raisons ont mené les gestionnaires de portefeuilles à en acheter autant. Il a même résisté aux demandes du député François Legault, qui désirait connaître l'identité des gestionnaires de portefeuille qui ont acheté ces titres malgré les mises en garde des courtiers. Les députés sont donc restés sur leur appétit. M. Rousseau s'est dit «navré» et «désolé», mais son témoignage n'a pas permis d'en savoir davantage.
Malgré ses excuses, l'ancien président de la Caisse semblait davantage préoccupé par la place que l'histoire lui donnera à la tête de cette institution. Il a réitéré à plusieurs reprises que les pertes réelles ne seront pas aussi graves qu'on le pense. Il a fait valoir que les pertes de l'organisme sur les papiers commerciaux se situent à ce jour à 181 millions $, même si les provisions pour pertes sont de 5,8 milliards $. Il a supplié les parlementaires de faire un suivi minutieux des pertes réelles par rapport aux provisions pour pertes, et il s'est dit convaincu que ces pertes ne dépasseront pas 500 millions $. Il n'a donc pas montré de gêne ou de compassion lorsque les députés l'ont interrogé sur sa prime de départ après une telle erreur de son administration.
L'exercice d'hier n'a donc fait que confirmer, une fois de plus, le caractère inédit des investissements de la Caisse de dépôt dans les papiers commerciaux, à une époque où d'autres grandes institutions se tenaient à l'écart de ces titres.
Serait-ce qu'on cherche à identifier des coupables qui n'existent pas? Serait-ce que la routine s'était installée à la Caisse à un point tel qu'on ne s'interrogeait pas vraiment sur les placements?
«Y a pas personne qui a fait un chèque de 13 milliards $. Ça n'a pas été fait comme ça. Il y a eu participation à une quarantaine d'émissions de différentes institutions financières au cours d'une période de quatre, cinq ou six ans à raison de 250 ou 300 millions $ à la fois», a raconté hier M. Rousseau. À l'écouter parler, on a l'impression, en effet, que l'aventure des papiers commerciaux, c'est bien plus le résultat d'une machine qui roulait sans se poser de questions que d'une politique énergique de rendements élevés. C'est presque effrayant d'en venir à une telle conclusion, mais c'est tout de même ça.


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