Normand Lester, Mathieu Bock-Côté, à propos du FLQ, non!

Tribune libre

Je n'ai entendu personne interpréter que sans le FLQ, la cause nationale ne se serait pas autant enflammé quelques années après Octobre 1970 pour permettre au peuple d'élire un parti indépendantiste, le PQ. Il me semble pourtant que la direction qu'emprunte cette interprétation est plus probable que de croire que sans le FLQ, l'indépendance se serait mieux «développé» (selon Normand Lester) ou nous aurait déjà délivré d'Ottawa, nous aurait permis d'être un pays (Mathieu Bock-Côté).

C'est aux gens de réfléchir et d'interpréter ce qu'ils veulent devant ce qu'on peut présenter comme histoire, comme base scientifique.. mais cette base historique doit être solide. Le travail de l'historien est de dépoussiérer les choses pour en trouver de nouvelles, bien entendu qu'on peut chercher où on veut et on peut y trouver ce qui viendra corroborer une interprétation et c'est normal d'orienter ses recherches .. ce qui est anormal c'est d'éviter ou de nier ce qui apparaît.(je ne fais pas allusion à ceux que je cite plus haut, c'est une mise en contexte)

Personnellement, je crois que c'est un très grand respect de ne pas faire une telle interprétation, dans un sens ou l'autre. Je ne prétendrais pas que sans le FLQ, point de PQ en 1976, ça m'apparaîtrait comme grossier tout comme m'apparaît comme grossier de prétendre un peu le contraire, que ça aurait diminué ce qui s'est passé et que les gens auraient davantage dit oui! .. ce qui permet de pousser l'interprétation jusqu'à dire que si on avait été ne serait-ce qu'un peu plus nombreux à être favorable à l'indépendance, on y serait parvenu.. au moins en 1995 puisque qu'il ne manquait que quelques voix pour l'emporter. L'interprétation, plus ça se déploie, plus ça devient grossier. parfois fantastique, parfois dramatique.. parfois de manière séduisante.

Dans le cas de ce que nous a laissé le FLQ au niveau national, nous devons parler de psychologie sociale, nationale.. comment ça réagit tout un peuple devant un fait et l'interprétation qu'on lui rapporte (déjà il faudrait pouvoir juger du niveau de confiance en l'interprétation suggérée, ensuite il faut s'imaginer ce qu'on fait de celle-ci.. on est dans un déploiement grossier de l'interprétation, on entre dans le rêve ou dans la foi, la romance.. et surtout la propagande)

On le fait sans doute tous, on ne saurait s'en empêcher, mais nous pouvons demeurer honnête envers nous-même et dire les choses telles qu'elles nous apparaissent vraiment.. et non en essayant de rendre scientifique ce qui est imaginaire, inclure des causes à effets.. c'est un maquillage de l'histoire qui peut complètement transformer son visage.

Décider de se lever un matin, celui qui suit le décès de Paul Rose, pour prétendre que sans le FLQ, tout aurait mieux tourné pour l'indépendance, je trouve ça assez particulier.. presque une bombe de dispersion, quelque chose qui divise, quelque chose qui sans que ça n'ait été souhaité nuirait au travail de rassemblement que doivent accomplir les indépendantistes. Est-ce vraiment un bon moment pour condamner le FLQ? (faudrait d'abord se demander s'il faut condamner.. hmmm... il semble que Lester et Bock-Côté condamnent très sévèrement, eux, et que la condamnation est particulièrement vaste).

Quelle est la conséquence de cette attitude compte tenu de leur notoriété (dont on ne sait trop c'est quoi mais ça vient en collaboration avec un média, un gagne-pain.. et ça ça peut signifier une altération, peut-être une contamination, du propos.. qui est adressé à la masse et dont les indépendantistes doivent tenir compte) Je ne remet absolument pas en doute leur bonne foi indépendantiste, je me demande ce que ça provoque dans le mouvement indépendantiste, jusqu'à politique, cette affirmation, cette attitude qu'ils imposent un peu comme un certain cadre.. alors qu'il est évident que ça ne peut que provoquer des frictions dévastatrices, il n'est donc pas inutile de se demander si ça ne contribue pas à augmenter la division des forces.

Donc, Mathieu Bock-Côté et Normand Lester (il doit en être né plusieurs autres qui ont cette attitude au sujet du FLQ et les mouvements militants de gauche) croyez-vous que vos interprétations et votre discours autour de la question nationale, comme il est reçu dans le vaste mouvement indépendantiste, contribue à quelque chose de positif pour l'indépendance? Ou est-ce que ça vous démangeait trop, vous deviez sortir pour condamner le FLQ avec mépris, c'était insupportable de voir ceux qui devraient être vos camarades indépendantistes saluer et offrir des sympathies, parfois rendre des hommages, suite au décès de Paul Rose?

Patrick Diotte


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mai 2013

    M. Diotte,
    Bien que très légitime, votre questionnement ne tient pas compte des faits historique. De petites bandes de désœuvrés, le FLQ fût facilement infiltré par la GRC et les services secrets canadien, dont les "dirty tricks", qui usèrent à si bon escient pour le compte du Canada, afin de démolir l'estime des québécois. Pour ce qui est des vrais québécois, il le quittèrent, fatigué d'avoir à convaincre des agents infiltrés, chargés de les surveiller qui produisaient des méfaits au nom du FLQ pour nuire sciemment au projet indépendantiste.
    C'est également un fait que cela permis à des Claude Morin de faire passer l'incroyable forfaiture de l'étapisme provincial et des référendums abscons aux questions abtruses à d'anciens libéraux défroqués, fragiles et incertains avec une volonté ambiguë de souveraineté-associative dans un Canada fort!
    Pire encore, les exactions du FLQ, même que ce sont des agents fédéraux qui y conspiraient, on durablement induit dans l'esprit des québécois que toute forme d'indépendance est radicale et condamnable.

  • Marcel Haché Répondre

    18 mars 2013

    Si l’Histoire vous intéresse, et bien au-delà de la vie et de la mort d’un patriote à qui moi aussi je souhaite bon vent, plutôt que d’imaginer des bienfaits aux actions du F.L.Q., je vous demande simplement d’envisager l’hypothèse suivante : le référendisme péquiste, si longtemps délétère, que le P.Q. peine tant encore à s’en délivrer, le reférendisme pourrait bien être une conséquence directe de la Crise d’Octobre. C’est ma conviction que les fédéralistes ont gagné la guerre de l’opinion publique lors la Crise d’Octobre, en matraquant l’électorat et même tout un peuple, surpris et sans défense. Tout ce qui a pu se passer lors du récent printemps érable n’arrive pas au dixième de l’intensité de cette Crise.
    Les indépendantistes ont mis quelque temps à prendre la mesure exacte de la victoire des fédéralistes. Quand donc ? Dès 1973, à la toute fin de la campagne électorale de cette année-là, lorsqu’il est apparu que le P.Q. plafonnait et qu’en désespoir de cause celui-ci a avancé du bout des lèvres, afin de vaincre les méfiances, qu’il faudrait un référendum pour trancher quoi que ce soit. Trop tard, donc, pour incliner l’élection de 1973, mais prometteur pour celle 1976. Mais quel détour cela a valu à la Marche de l’Indépendance ! Nous sommes encore dans le détour en 2013. Et ceux qui naguère avaient joué du bâton médiatique contre la liberté nous y attendent encore. Les bâtons ont simplement été remisés.
    Les trois années subséquentes à 1973 avaient permis au P.Q. de renouer avec l’électorat, certes, mais le prix en a été qu’il a dû traîner désormais un immense boulet, qui a considérablement ralenti la Marche. À tel point que le boulet est devenu plus important que la Marche elle-même. Pourquoi et comment ? De cette façon : le seul parti dédié à l’indépendance s’était distancié de sa propre Cause, en ne liant pas son sort à la Cause qu’il prétendait défendre, tel fut par deux fois les funestes expériences référendaires. Je crois que tout cela était en germe dans la Crise d’Octobre, immense bataille perdue, à la source de bien des dérives à venir.
    On ne peut pas refaire l’Histoire, certes, et ce n’est ici qu’un point de vue parmi d’autres, mais cependant, indéniablement, nous dérivons encore…Et le P.Q. fait indéniablement son score de 1973 en 2013.
    40 ans dans le détour ! Et ce n’est pas encore tout à fait terminé…