Jérusalem | Benjamin Netanyahu va rentrer en Israël avec une victoire dans son escarcelle: un plan de paix favorable à son pays. Mais sera-ce suffisant pour assurer une victoire électorale au premier ministre, inculpé pour corruption ?
M. Netanyahu, le plus pérenne des premiers ministres de l’histoire d’Israël avec près de 14 ans au pouvoir, joue sa survie politique lors des élections du 2 mars, les troisièmes en moins d’un an.
Il doit rentrer en Israël mercredi, au lendemain d’«une journée historique» à Washington où il a dévoilé, tout sourire au côté du président américain Donald Trump, un plan censé résoudre le conflit israélo-palestinien, mais rejeté par les Palestiniens.
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, un Benjamin Netanyahu rayonnant remercie ses partisans pour l’«honneur» qui était le sien de les avoir représentés à un événement «qui renforce significativement Israël».
Le plan américain comporte des aspects positifs aux yeux de la droite israélienne - dont est issu M. Netanyahu - comme l’annexion des colonies en Cisjordanie, mais aussi de la gauche, comme la création d’un État palestinien.
Même si la plupart des électeurs qui se rendront aux urnes ne connaissent pas le projet américain en détail, M. Netanyahu peut d’ores et déjà en tirer un avantage politique, estiment des analystes.
Le plan a fait bifurquer l’attention du public «des affaires personnelles de Netanyahu à l’actualité diplomatique», affirme Gideon Rahat, professeur de sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Mercredi, le plan américain faisait en effet la Une des journaux israéliens. Il fallait tourner plusieurs pages avant d’arriver aux articles traitant de la remise au tribunal de Jérusalem de l’acte d’accusation contre M. Netanyahu par le procureur Avichaï Mandelblit mardi.
C’est M. Mandelblit qui a inculpé en novembre M. Netanyahu de corruption, abus de confiance et fraude dans trois affaires. L’acte d’accusation remis aux juges, il ne reste à ces derniers qu’à fixer une date pour le procès du premier ministre.
Crainte d’un échec
Le plan américain pour le Moyen-Orient pourrait toutefois se retourner contre M. Netanyahu, suggère Gadi Wolfsfeld, professeur de sciences politiques et de communication à l’université IDC de Herzliya.
Le plan américain, considéré comme favorable à Israël, a certes été rejeté par la direction palestinienne, mais aussi par la Liste unie des partis arabes israéliens. Or les Arabes israéliens, qui représentent environ 20% de la population d’Israël, peuvent voter aux élections du 2 mars et tenter de faire barrage à Netanyahu.
«Je peux imaginer un scénario qui va renforcer les listes arabes aux prochaines élections suite à la présentation de ce plan», explique M. Wolfsfeld. «Et cela, bien sûr, rendra encore plus difficile pour Netanyahu d’obtenir une majorité pour former une coalition», ajoute-t-il.
Sondages, sondages
Selon un sondage publié mercredi par Direct Polls, le Likoud (droite) de M. Netanyahu obtiendrait 35 sièges sur les 120 du Parlement, contre 33 pour le parti centriste «Bleu-Blanc» de l’ex-chef de l’armée Benny Gantz, principal rival du premier ministre en vue des législatives.
Le même institut créditait il y a seulement deux semaines 32 sièges au Likoud contre 34 pour «Bleu-blanc», sans toutefois indiquer si cette variation était due à la présentation du plan américain.
Le parti «Bleu-Blanc» a estimé que le projet de M. Trump proposait «une base solide, viable pour faire avancer un accord de paix avec les Palestiniens».
Mais «pour qu’une mise en oeuvre soit possible, Israël doit se diriger vers un gouvernement fort et stable, mené par un individu qui peut y consacrer tout son temps et son énergie» et non par une personne inculpée pour corruption, «empêtré dans ses affaires juridiques et personnelles», affirme le parti.
Avec les procédures judiciaires en cours, M. Netanyahu doit encore traverser «nombre d’obstacles» avant de bénéficier du plan américain, note Wolfsfeld.