Ne touche pas à ma kippa, sinon je mets un hidjab!

Un cri du coeur contre ladite Charte des valeurs québécoises

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Ben oui gros niaiseux, on t'aime, mais on s'aime aussi

Abdelwahed Mekki-Berrada
Un cri du coeur, me le permettrez-vous ? Coeur : symbole d’amour plutôt que de raison. Et c’est justement de symboles, dont il s’agit. Le symbole est du langage en fête, car il a encore à dire même quand tout a été dit.

Mes enfants, mon épouse et moi ne portons ni hidjab, ni turban, ni kippa, ni crucifix et nous sommes fiers de contribuer à la construction d’un État laïque.

Je ne porte pas de paillettes non plus, ni string rose à dentelle. Mais il y a des jours comme celui-ci où je n’ai nulle envie de sourire et suis si triste d’être Canadien, d’être Québécois.

La laïcité est heureusement non négociable quand il s’agit de penser les lois et servir les citoyennes et les citoyens ; mais porter hidjab-turban-kippa-crucifix n’empêche point de penser : n’est-ce pas ? Tout comme fréquenter les temples, mosquées, églises et synagogues que je rêve de voir émerger en profusion dans nos villes souvent insipides. Ni mosquée ni kippa n’interdisent la subjectivation personnelle : bien au contraire ; il suffit pour s’en convaincre d’être ouvert à la chose qui parle pour transcender les clichés périmés.

On nous dicte d’en haut les atours à éviter : prémisse obligée à l’uniforme obligatoire pour toutes et pour tous, même pour les laïques et les athées.

Je me souviens. Je me souviens que toute petite personne et tout petit groupe qui tentent d’imposer au reste de la population une idéologie unique étaient qualifiés de nazis, de fascistes ou, au mieux, de dictateurs. Mais l’autre journaliste, celui responsable de la Francophonie et des Affaires extérieures, pas celui qui accouche de ladite Charte des valeurs québécoises, nous demande ce matin un peu de retenue.

Stérilité intellectuelle

Il a raison, la passion peut mener à des débats stériles. Mais il semble que la stérilité intellectuelle a déjà ravagé la petite cervelle de ces journalistes se prétendant hier progressistes et qui, aujourd’hui, alors intronisés ministres, défendent une normativité des plus populistes : la construction discursive et politique de l’Autre en menace identitaire revient chaque fois qu’un gouvernement est au bord du gouffre et à court de projets de société. Et qui de mieux comme faiseurs d’opinions que de médiocres journalistes au verbe vide ? La menace est encore et toujours incarnée par l’Autre, celui qui porte le hidjab-turban-kippa-crucifix.

Les gestes liberticides commencent par attaquer les symboles exprimant une liberté culturelle et du culte : reste alors un seul petit pas biopolitique à franchir avant de trucider la liberté de dire et d’agir.

Je ne porte aucun chapeau politique, car j’idéalise encore en pensant que l’intelligence politique transcende tous les partis, se coconstruit dans la quotidienneté et refuse de se laisser emprisonner dans les quatre pouces carrés d’une carte d’adhésion.

Mon nom est Abdelwahed Mekki-Berrada, je suis basané et frisé, je parle aussi onctueusement que mes ancêtres méditerranéens. Et comme mon nom, mon faciès et mon accent l’indiquent : je suis Québécois. Eh oui, c’est ainsi, qu’on le veuille ou non. Mais j’imagine que, bientôt ou peu s’en faut, ladite Charte des valeurs québécoises m’interpellera par mon nouveau nom des plus laïques, Christian de La Croix, m’imposera une pommade blanchissante made in Québec et des cours de diction 101, pour cesser d’être une menace et devenir enfin Québécois. Un vrai Québécois.

Avec mon nom sculpté par le sel de la Méditerranée, mon accent qui porte ses échos dans les sommets de l’Himalaya, mon sang chaud comme le désert du Kalahari, avec ou sans hidjab-turban-kippa-crucifix : coudon Québec, tu m’aimes-tu ?


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