Montréal, ville bilingue

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Le poids politique démesuré de la minorité anglophone

On pourra dénoncer (avec raison) tous les inspecteurs zélés de l'Office québécois de la langue française qui font des boutons en voyant le sigle WC sur une porte de toilettes, ces situations anecdotiques absurdes ne représentent qu'un tout petit arbre qui cache l'immense forêt.
On pourra envoyer la cavalerie linguistique aux trousses de tous les boutons On/Off et les panneaux Exit dans tous les commerces de Montréal, cela ne cachera pas le fait que cette ville est devenue, officieusement du moins, bilingue, et ce, avec la complicité tacite de l'administration municipale.
Officiellement, Montréal est une ville francophone. C'est même écrit textuellement au premier article de sa charte: «Montréal est une ville de langue française.»
Officieusement, Montréal est une ville bilingue, dont la politique linguistique date de 1995, soit avant les fusions, et qui n'a manifesté depuis aucune intention de mettre cette politique au goût du jour malgré les demandes répétées du gouvernement du Québec.
«Montréal est une ville francophone dans sa charte, mais bilingue dans les faits», résume Jean Racicot, aux relations média de la Ville. Il ajoute qu'on travaille depuis quelque temps à une nouvelle politique linguistique, mais qu'on ne sait pas quand elle sera prête.
La politique linguistique, outil pratique de mise en application du principe inscrit dans la Charte, n'a jamais été une priorité de l'administration du maire Gérald Tremblay, qui n'a rien fait pour répondre aux demandes de Québec.
Dès 2002, l'ancienne ministre de la Culture (et responsable de la loi 101) dans le gouvernement Landry, Diane Lemieux, a demandé par écrit à la Ville de se doter d'une politique linguistique adaptée à sa nouvelle réalité. Cette demande est restée lettre morte.
Quelques années plus tard, en 2010, la ministre responsable de la Charte de la langue française dans le gouvernement Charest, Christine St-Pierre, est revenue à la charge, profitant d'une révision à la loi 101 pour réclamer que la Ville adopte une nouvelle mouture de sa politique linguistique. Le gouvernement Charest croyait pouvoir y arriver, notamment parce que la même Diane Lemieux était, à cette époque, chef de cabinet du maire Tremblay.
Même résultat, toutefois, c'est-à-dire rien du tout. Le dossier du français à Montréal avait néanmoins avancé un peu, au point où le maire devait annoncer le printemps dernier de nouvelles initiatives pour le français à Montréal. Une conférence de presse, en compagnie du premier ministre Charest, du maire Tremblay, de la ministre St-Pierre, de gens d'affaires influents et de dirigeants d'institutions publiques avait même été organisée au Monument-National il y a un an, mais elle avait été annulée à la dernière minute, le bureau du maire craignant apparemment les manifestations, quotidiennes à cette époque dans les rues de la ville. Depuis, rien.
Mais pourquoi une politique linguistique? À quoi cela sert-il? vous demandez-vous peut-être.
Cela sert de guide, de lignes directrices dans les communications de la Ville, internes et externes, dans les embauches, le tourisme, l'affichage, les services, les relations du travail, le visage public de la Ville sur le territoire comme dans ses publicités et campagnes promotionnelles, dans les relations avec les citoyens, pour le déroulement des réunions publiques, etc.
Bref, une politique linguistique est à la Charte de la Ville ce que la loi 101 est à la Charte de la langue française. Cela éviterait, par exemple, que les arrondissements improvisent à tâtons, affichant des panneaux bilingues qu'ils doivent retirer à la suite de plaintes de citoyens.
Une politique linguistique enverrait surtout le message officiel très clair que Montréal n'est pas une ville française que dans sa charte, mais dans ses rues, son administration, son image aussi.
De toute évidence, ce n'était pas une priorité pour l'ancien maire, ce qui s'explique aisément par des motifs purement électoralistes.
Cela est toujours vrai aujourd'hui. Le successeur de Gérald Tremblay semble pour le moment plus pressé de préserver le statut bilingue d'un arrondissement (Pierrefonds-Roxboro), qui ne se qualifie pourtant plus en ce sens.
Et en cette année électorale, il serait étonnant que les aspirants maires fassent de l'adoption d'une politique linguistique une priorité, de peur de s'aliéner une partie de l'indispensable électorat anglophone.


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