« Médecins des colonies » : Un propos qui n’honore pas le Dr Yves Lamontagne

Tribune libre

On doit fort malheureusement au Dr Yves Lamontagne, président-directeur général du Collège des médecins du Québec, le terme de « médecins des colonies ».
L’histoire retiendra que sous sa dernière présidence, Dr Yves Lamontagne a introduit dans le registre de la culture médicale québécoise le terme de « médecins des colonies ».
Rappelons d’abord que le président-directeur général du Collège des médecins du Québec, avait déploré l’arrivée « des médecins des colonies » dans le cadre de l’entente entre la France et le Québec conclue le 17 octobre 2008. Il donnait l’exemple des Français originaires des colonies. Selon lui, ce n’est pas parce qu’un médecin a pratiqué en France qu’il a les compétences pour exercer au Québec. Il voulait exprimer sa réserve sur ladite entente au motif que la santé nationale risque d’être mise en péril si la porte du système médical est grandement ouverte aux médecins diplômés hors du Canada et des États-Unis (DHCEU). Il invoquait ainsi les risques de « nivellement par le bas » ou « de perte de qualité du système de soins ». «Il y a plusieurs médecins en France qui viennent des anciennes colonies, qui ont eu leur diplôme dans les colonies, et qui se sont en allés dans la mère patrie après». «Je ne suis pas raciste en disant ça», prend-il soin de noter. Mais le risque est d'accueillir au Québec des gens possédant des diplômes «pas très forts», soutient M. Lamontagne. » (Entente France-Québec - Lamontagne craint l'afflux de «médecins des colonies», Antoine Robitaille, Le Devoir, 22 janvier 2008).
L’entente France-Québec sur la reconnaissance mutuelle des compétences ratifiée en octobre 2008 constituait une nouvelle proposition pour régler en partie le problème de reconnaissance des acquis. Cette entente signée par le premier ministre du Québec et le président de la République française au mois d’octobre 2009 à l’Assemblée nationale du Québec, loin d’être parfaite, constitue un jalon de recherche de solutions concrètes pour régler le problème de la reconnaissance des compétences.
Celui que la Revue Le Collège [des médecins du Québec], présente comme un fin « communicateur » (2 000 entrevues dans les médias (soit près de 200 entrevues annuellement) devrait tourner sa langue mille fois avant de lâcher une formule si péjorative. La colonisation rappelle de mauvais souvenirs pour des immigrants venant des colonies tout comme les Québécois qui l’ont vécu et/ou ont eu connaissance du passé colonial par leurs parents ou grands-parents. Mais sa volonté systématique de se positionner dans la logique du « nous exclusif » et du « eux » a fini par traduire l’essence de ses propos. Son mépris vis-à-vis de cette catégorie de médecins lui a valu le titre de « Le « coloré » docteur Lamontagne » (l’Aut-journal, Léo-Paul Lauzon, 21 janvier 2009). Les patients québécois ne souhaitent pourtant que rencontrer des médecins compétents s’exprimant en français, peu importe leur origine.
En se comportant ainsi, Dr Lamontagne présumait que « les médecins des colonies » ne sont pas des Québécois.
Dans le domaine de la médecine, le Collège des médecins du Québec se comporte comme si le Québec était la référence mondiale en matière de pratique médicale. Loin de remettre en cause le professionnalisme des médecins qui servent les patients, il faut reconnaitre que cette corporation doit mettre de l’eau dans son vin. L’attitude nombriliste du Dr Yves Lamontagne frôle même l’arrogance. « La France est à l'inverse très ouverte aux médecins venant du Québec, note M. Lamontagne. «Pour une raison très simple: on peut plus leur en montrer qu'ils peuvent nous en apprendre.» .
Cette position du Collège des médecins du Québec (CMQ) démontre pourquoi la réciprocité de l'Arrangement de reconnaissance mutuelle signée par l'Ordre des médecins français et le Collège des médecins du Québec le 27 novembre 2009, dans la capitale française n’est toujours pas appliquée. Cette situation est dénoncée par la section québécoise de l'Assemblée des Français de l'Étranger dans un communiqué de presse intitulé « Des Français dénoncent le corporatisme du Collège des médecins du Québec » (9 décembre 2009).
Les difficultés découlant de la non-application du principe de la réciprocité « un médecin en France est aussi un médecin au Québec et vice-versa » viennent corroborer l’idée suivant laquelle le CMQ restera toujours corporatiste et continuera toujours à remettre en cause la compétence des médecins diplômés à l’étranger, quelque soit leur provenance, leur formation ou leur expérience.
Si le CMQ ne respecte pas ses engagements vis-à-vis des médecins français, imaginez donc comment il en sera pour des médecins d’origine africaine, haïtienne, latino-américaine et maghrébine?
Un classement publié dans la dernière édition du magazine américain International Living sur « l’expatriation des retraités » confirme que la France a le meilleur système de santé au monde (AFP de Washington, 5 janvier 2010). Un classement établi depuis 30 ans se base sur « des statistiques nationales et d'organisations internationales, complétées par les appréciations des correspondants du magazine dans le monde ».
Aussi, si l’on en croit au communiqué de presse du 21 juin 2000 du bureau de l’information de l’OMS intitulé « L’OMS évalue les systèmes de santé dans le monde », la France est championne du meilleur système de santé mondial des 191 États membres. En se basant sur « les différents éléments de l’indice de performance » tels que la réactivité, l’équité de la contribution financière, le niveau de santé général, la distribution de la santé dans les populations, la répartition du financement, « Le rapport sur la Santé dans le Monde 2000- Pour un système de santé plus performant » nous informe que « [son] analyse conclut que la France fournit les meilleurs soins de santé généraux, suivie notamment de l’Italie, de l’Espagne, d’Oman, de l’Autriche et du Japon ».
On peut également lire dans ce communiqué que : « le rapport sur la santé dans le monde 2000 [publié par l’Organisation mondiale de la Santé, Genève, Suisse] comprend un message du Directeur général de l’OMS, un résumé, six chapitres et des annexes statistiques. Les titres des chapitres sont les suivants : « Pourquoi les systèmes de santé sont-ils importants? », « La performance des services de santé est-elle bonne? », « Services de santé : sont-ils bien choisis et bien organisés? », « Quelles sont les ressources nécessaires? » et « Comment protéger l’intérêt général?».
Si les médecins étrangers étaient aussi incompétents que comme veut le faire croire le CMQ, comment se fait-il qu’ils puissent pratiquer dans les provinces anglophones (Ontario, Manitoba, Saskatchewan, Colombie-Britannique)?
La réorganisation du réseau de la santé du Québec est plus qu’urgente.
La réorganisation du réseau de la santé du Québec est plus qu’urgente. « Des patients meurent faute de soins », comme le mentionne la journaliste Ariane Lacoursière (La Presse du 25 février 2010). « Jusqu'à 27 semaines d'attente [temps d’attente pour les chirurgies du genou, de la hanche, de la cataracte, d'un jour et avec hospitalisation. résidants de Laval] », (Éric Yvan Lemay, Journal de Montréal, 28 juin 2010). « Délais d’attente déraisonnables dans les urgences : Des victimes demandent le respect des normes » titrait le journal Métro dans sa livraison du mardi 16 mars 2010. En effet l’auteure de cet article Jennifer Guthrie, commentait, entre autres, les propos de l’avocat spécialisé Jean Pierre Ménard qui « a demandé à Québec de faire appliquer rigoureusement le Guide de gestion de l’urgence…Ce guide, d’abord rédigé en 2000, a été révisé en 2004 et en 2008. Il prévoit notamment les délais normaux d’attente dans les urgences ». « Le système de santé n’est pas en mesure de garantir aux patients des soins dans les délais prévus. C’est très grave, a soutenu Me Ménard ».
La faillite du système de santé
Dr Amouzou, porte-parole de la Coalition des Associations de médecins diplômés à l’étranger (CAMEDE) a l’habitude de dire : « Un médecin, c’est bon dans un hôpital, ça peut aider, et le système a besoin d’aide ».
Certes l’intégration des médecins étrangers ne viendra pas résoudre toutes les difficultés du système de santé, mais il n’en demeure pas moins qu’il peut constituer une partie de la solution. Le système d’engorgement des urgences constitue un véritable problème de santé publique. La santé du patient se dégrade avec le délai d’attente. Certains patients se rendent en dehors du Québec pour se faire soigner. Le tourisme médical est une réalité que connaissent bien des patients québécois. Il devient incompréhensible de refuser aux mêmes médecins qui les ont soignés à l’extérieur de pratiquer au Québec. Un paradoxe aberrant du système médical !
Les Québécois se plaignent du coût économique très élevé du système de santé et en contrepartie ils n’en ont pas pour leur argent. 2 000 0000 de personnes sans omnipraticiens. Des patients qui s’inquiètent de voir leurs médecins de famille partir à la retraite. L’engorgement des urgences n’est pas prêt de se résorber. En 2010, le temps d’attente est estimé à 17 heures et demie en moyenne. Les délais d’attente pour le traitement de certaines maladies par les spécialistes sont trop longs. Voilà la triste réalité.
Une information a été donnée par Radio-Canada le 22 février 2010 sur une personne âgée du nom de Mme Mariette Fournier oubliée dans le corridor de l’urgence de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont depuis quatre jours. Le décès de cette patiente a ému tout le Québec. Un autre cas révélé par La Presse canadienne le samedi 06 mars : Jean-Guy Pitre, était mort en mars 2010 au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) alors qu’il attendait une opération cardiaque (blocage de la valve de son aorte) depuis le mois de septembre 2010.
Le 18 octobre 2010, une désolante information a été diffusée par TVA Nouvelles 18h : André Desjardins, 64 ans, est mort à l’urgence de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont le 30 septembre dernier, après 7h d’attente sans intervention médicale. « Du déjà vu malheureusement » disait Pierre Bruneau au sujet du reportage de Félix Séguin « Mort à l’urgence ».
Sans chercher à noircir le tableau du système médical, on peut craindre malheureusement la multiplication de pareils scénarios, si les différents acteurs impliqués dans le domaine de la santé ne corrigent pas le tir. Il y a urgence !
Faudrait-il encore cinq ans pour régler le problème du système de santé pendant que des patients meurent dans les corridors faute de soins, que des patients attendent longtemps avant de se faire consulter par un médecin?
Le temps d’attente, les listes d’attente, les morts dans les corridors, les morts dans les urgences ou en attente de chirurgie, le manque de lits aux soins intensifs, le débordement dans les urgences, la pénurie de personnel médical font partie de la longue liste des dramatiques lacunes du système médical. Puisque la santé est l’affaire de tous, nous avons notre grain de sel à y mettre.
L’intégration des médecins étrangers n’est pas seulement l’affaire de la Coalition des Associations de médecins diplômés à l’étranger (CAMEDE), de l’association Médecins d’Ailleurs, de l’Association des Médecins gradués de l’Étranger au Québec (AMEQ), du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) du Québec. Elle doit être la préoccupation de toute la société québécoise, dans son ensemble, pour une meilleure cohésion sociale. Il est temps que la situation change pour l’intérêt de toute la population québécoise.
*Ce texte fait partie d’une série de 16 articles publiés sur le sujet des difficultés d’intégration des médecins diplômés à l’étranger (MDE).
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Sociologue de formation, spécialisé en Travail et organisations, l’auteur
est actuellement conseiller en emploi pour le projet Mentorat
Québec-Pluriel au Carrefour jeunesse-emploi Bourassa-Sauvé
(Montréal-Nord).





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1 commentaire

  • Richard Arsenault Répondre

    21 octobre 2010

    Je crois que les préjugés sont toujours bien au chaud, sous le couvert de la protection du public chez plus d'une corporation professionnelle.
    Il faut se rappeler qu'il a fallu l'adoption d'un projet de loi privé par l'assemblée nationale pour forcer le collège des médecins à délivrer un permis de pratique à la première femme médecin au Québec.
    Le gouvernement actuel a fourni, ces dernières années, des incitatifs financiers aux corporations afin d'accélérer la reconnaissance des diplômes étrangers mais les résultats ne sont toujours pas percevables.
    À quand un gouvernement qui fera vraiment comprendre l'urgence de la situation, tant pour le mieux être de la population que pour celui des nouveaux Québécois.