MOI, président de la République, JE....

LUI, président de la république ?

Ce fut un débat politicard.

Tribune libre

La forme du débat Sarkozy-Hollande a été désappointante. Elle aurait dû permettre à chacun des participants de dire ce qu’il avait à dire pour mieux éclairer l’électorat sur sa personne et son programme.
Les animateurs de ce débat n’ont pas fait leur travail. Ils n’étaient là que pour poser quelques questions et s’assurer que le minutage du temps de parole des deux candidats soit égal. Ce manque de contrôle a permis aux candidats et particulièrement à François Hollande, d’interrompre continuellement leur adversaire lorsque celui-ci expliquait sa position sur le sujet choisi. Un bon animateur aurait refusé de telles interruptions afin de donner à chacun le temps de répondre adéquatement. Ainsi, les téléspectateurs auraient pu mieux comprendre et juger de l’argumentation et de la crédibilité des opposants.
La partie du débat qui m’a marqué est la longue tirade anaphorique de François Hollande, « MOI, président… », par laquelle il a voulu expliquer sa conception du poste de président de France. Ce fut intéressant à écouter mais j’ai vite compris que ce n’était en fait qu’un « show ».
Voici mes commentaires sur les strophes de cette suite ininterrompue de phrases.
MOI, président de la République, JE ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l’Elysée. Ça se fait dans tous les pays démocratiques du monde. Hollande veut faire croire, qu’une fois au pouvoir, il ne dinera avec aucun socialiste élu à l’Élysée. Depuis quand, est-ce un problème pour un président ou un premier ministre de rencontrer les députés de son parti ? Le PM du Canada reçoit de nombreuses fois par année à sa résidence officielle, de Sussex road, les membres de son parti. Obama fait de même à la Maison-Blanche pour les démocrates.
MOI, président de la République, JE ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur. Que le premier ministre travaille en collaboration avec le président lorsque nécessaire, quel mal cela fait-il ? Pour respecter ses promesses électorales, le président doit s’assurer qu’elles bien sont implantées par le gouvernement. L’ex-PM Jospin a démontré ce qu’est la cohabitation (la non-collaboration) alors qu’il se foutait du président Chirac. Une choses est indéniable : le duo Sarkozy-Filon a été efficace et productif.
MOI, président de la République, JE ne participerai pas à des collectes de fonds pour mon propre parti dans un hôtel parisien. Aux USA, au Canada, et ailleurs c’est normal que le chef d’état veuille remercier ceux qui contribuent financièrement aux activités de son parti politique. Le président américain invite même de gros contributeurs à coucher dans la chambre de Lincoln à la Maison Blanche. Ce dernier exemple est exagéré, mais un cocktail de remerciements… quand même !
MOI, président de la République, JE ferai fonctionner la justice de manière indépendante. La justice en France n’est-elle pas indépendante ? La juge Eva Joly n’était-elle pas libre de ses actes ? Le déni de justice n’est-il pas réprimé par le Code pénal français ? Hollande n’a pas à se mêler de la justice.
MOI, président de la République, JE n’aurai pas la prétention de nommer les présidents des chaînes publiques. C’est le conseil des ministres qui nomme ces présidents. Le peuple ne choisit pas ses élus pour que d’autres qu’eux prennent les décisions importantes de l’État. Cette responsabilité ministérielle est la normale au Canada pour toutes les grandes nominations publiques.
MOI, président de la République, JE ferai en sorte que mon comportement soit à chaque instant exemplaire. Lors du débat, Hollande n’a même pas respecté le président de la république en l’accablant de faussetés et de mensonges. Certes, Sarkozy a fait une erreur en mettant le pied sur une pelure de banane lorsqu’il a affublé un individu de « pauv’ con ». Une autre pelure attend sûrement Hollande s’il gagne, on verra bien…
MOI, président de la République, J’aurai aussi à cœur de ne pas avoir de statut pénal du chef de l’Etat, JE le ferai réformer. Le président n'est responsable que du crime de haute-trahison dans l'exercice de ses fonctions, mais on peut l'accuser, par la suite, de toute infraction commise durant ses fonctions. Ce fut comme ça pour De Gaule, Pompidou, D’Estaing, Mitterrand, Chirac et Sarkozy. Cette déclaration d’Hollande n’est de toute évidence qu’une méchanceté pour salir inopinément son adversaire.
MOI, président de la République, JE constituerai un gouvernement qui sera paritaire. Sarkozy a fait grimper le pourcentage de femmes au cabinet des ministres à 35%. Hollande promet d’atteindre 50 %. Je suis en accord avec cette proposition car les femmes font d’excellentes ministres, comme on le voit au Québec, au Canada et en France. Sarkozy a agi de façon paritaire en pratiquant « l’ouverture » lorsqu’il a nommé plusieurs ministres de gauche à des postes très importants, comme Kouchner, Besson, Jouyet, Hirsch et du centre Borloo, Morin… Il a même fait en sorte que le socialiste DSK obtienne la présidence du FMI. Hollande a répété durant la campagne qu’il ne nommerait que des ministres de gauche, dont des communistes. Belle parité !
MOI, président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres. C’est le président qui les choisit après enquête policière. Si Hollande veut ajouter un code de déontologie pour assurer ses choix, on ne peut s’objecter à la vertu. Trop fort ne casse cas ! Mais, il faut se rappeler que cette suggestion pour un nouveau code vient de la campagne orchestrée contre le ministre Eric Woerth, reconnu comme un honnête homme, dans le but unique de le déstabiliser alors qu'il menait l’importante réforme sur les retraites.
MOI, président de la République, les ministres ne pourraient pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local. C’est à toute la députation française que la question du double ou triple mandat s’adresse. Tant qu’à faire une réforme, vaut mieux qu’elle s’applique à tout le monde. Hollande qui détenait plusieurs mandats ne propose qu’une réformette. Pourquoi ?
MOI, président de la République, JE ferai un acte de décentralisation. Hollande veut défaire ce que Sarkozy a fait pour moderniser les structures de gouvernance, réduire les effectifs et les coûts et particulièrement son effort pour que les régions fassent de même et tiennent compte des nouvelles méthodes de travail améliorées grâce à l'informatisation. Hollande ne semble pas savoir que nous sommes à l’ère de la « cyberadministration ». Il dit vouloir redonner aux communes un nouveau « souffle et de la « liberté ». Est-ce le pouvoir à nouveau lever de l’impôt ?
MOI, président de la République, JE ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés. Sarkozy a fait cela tout le long de son mandat. Lorsque les syndicats ne voudront pas d’une loi d’Hollande et manifesteront dans les rues comme pour les retraites… se pliera-t-il simplement devant eux pour les « considérer » ?
MOI, président de la République, J’engagerai de grands débats, on a évoqué celui de l’énergie. Il imite Sarkozy qui a stimulé plusieurs grands débats dont, entre autres, le Grenelle sur l’environnement et le développement durable.… C’est l’évolution normale des choses. Un président qui ne fait pas cela, ne fait pas son travail.
MOI, président de la République, J’introduirai la représentation proportionnelle pour les élections législatives. Pour les écologistes, les marxistes-léninistes, les communistes mais pas pour le Front National, évidemment ! Pourtant, ce parti est celui de 20% des Français.
MOI, président de la République, J’essaierai d’avoir de la hauteur de vue. Il essaiera ? Tous les présidents ont de la « hauteur de vue ». Cela fait partie de leurs responsabilités. Ils dirigent la France d’aujourd’hui et préparent la France de demain. Rien de neuf là. Pourvu qu’il ne se perde pas dans les nuages…
Cette longue tirade n’a rien à voir avec les vrais problèmes des Français et Françaises : emploi, économie, logement, etc… Elle n’est qu’une série de mots présentés avec un rythme pour impressionner. Pendant les trois heures du débat, Hollande n’a cessé de répéter MOI, MOI, MOI… et JE, JE, JE…. Un vrai Louis XIV.
Finalement, le débat s’est déroulé en évitant les questions internationales et les crises qui hantent la France. Au lieu d’un débat de 3 heures, plusieurs débats plus courts sur des thèmes précis auraient été préférables. Ainsi les Français et Françaises auraient été en mesure de mieux évaluer les candidats et leurs propositions. Ce débat, mal organisé, ne les a pas bien servis.
J’ai été témoin d’innombrables débats politiques dans ma vie. J’ai même participé dans un à Montréal. Nulle part ai-je entendu les candidats exprimé autant d’irrespect pour leur adversaire, sauf pour les primaires américaines qui sont une farce honteuse et une tache à la démocratie de ce grand pays. Je suis surpris que cela arrive en France, pays à la culture exceptionnelle où le respect et les droits des individus sont défendus si hautement. Ce fut un débat politicard.
Une nouvelle ère de « JE, ME, MOI » commencera-t-elle en France ? Il reste deux jours aux Français et Françaises pour l’éviter.
Claude Dupras
Ps. Ce matin, suite au débat, les sondages placent Hollande à 52,5%. Sa descente depuis le début du 2ième tour continue. Ce mince dépassement de 2,5% du 50% + 1 requis, indique que tout peut arriver. La « surprise » est encore possible.


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2012

    Les derniers commentaires viennent de séparatistes québécois. J'apprécie leurs opinions mais je ne peux comprendre leur hargne contre moi. Mon texte n'a rien à voir avec le Québéc mais avec la politique française.
    Il est vrai que les séparatistes québécois n'aiment pas Nicolas Sarkozy parce qu'il est venu au Québec défendre l'unité canadienne. Il semble difficile pour certains de faire la part des choses. C'est malheureux.
    De plus plusieurs n'ont pas digéré mon billet sur Paul Desmarais dans lequel je l'ai décrit comme je le vois. Encore-là cela n'a rien à voir avec le billet sur le "JE, ME, MOI" du candidat socialiste français.
    C'est triste de constater comment il est difficile d'avoir une conversation raisonnable avec les séparatistes. Au lieu de critiquer le message, il s'attaque au messager.

  • Nic Payne Répondre

    5 mai 2012

    Faire de cette série d'anaphores au " je " la pierre angulaire de votre argumentaire, ne convainc pas.
    On aura facilement compris que le candidat socialiste cherchait justement par cette technique à appuyer l'idée que le candidat sortant, lui, gopuvernait trop au " je ", qu'il se mêlait de tout, qu'il prenait trop de place.
    C'est là-dessus, me semble-t-il, qu'il conviendrait de discuter à propos de la portion de débat dont vous parlez.
    Du reste, si vous voulez faire gagner Hollande dans concours de narcissisme contre Sarkozy, vous avez besoin de vous lever de bonne heure.
    Aussi, comme on connaît votre plaidoyer en faveur de Paul Desmarais, il vous faudrait une bonne dose de rigueur pour bien défendre celui qui est justement son ami. Vous échouez à cette exigence en disant, par exemple, que le candidat socialiste propose la proportionnelle, sauf pour le FN, ce qui est exactement contraire à ce que Hollande dit lui-même.
    Quant à moi, si certaines propositions socialistes, comme la parité ministérielle par exemple, ne m'enthousiasment pas, il reste que je n'ai pas oublié la sortie dégueulasse -- il n'y a pas d'autre mot -- du président Sarkozy à l'égard des indépendantistes québécois. Cela me suffit à espérer qu'il soit remplacé au plus tôt.
    NP

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2012

    M. Dupras tente de jeter un pavé dans la mare mais, heureusement, les lecteurs de Vigile sont plus au courant qu’il ne le pense. Avec vos ou plutôt votre précédent texte Le « gros méchant » Paul Desmarais, nous savons très bien maintenant où vous vous situez, sous les jupes de la grande faucheuse québécoise, Power Corporation et son papa, Gargamel…..Paul Desmarais. Bien sûr Sarkosy, comme Charest d’ailleurs, fait partie de la sale famille des pistonnés de la ‘’grosse piastre’’. Américanophile et Israëlophile, il a tenté, avec un certains succès d’ailleurs, de faire entrer la France dans le giron réducteur du capitalisme mondialisateur rasant au passage les traits culturels, les acquis sociaux et les libertés de tous les pays attaqués, dont la France. M. Hollande réussira-t-il à ressusciter son pays ? Difficile à dire mais, de toute manière, ça ne peut être pire que le petit pitre qu’ils ont eu comme président ces dernières années. Bien sûr, M. Dupras est contre.
    M. Dupras vos derniers textes exhalent des relents de petite politique partisane anti Québec et anti France et pro capitalisme prédateur à la Paul Desmarais. Vous ne vous fatiguez pas, vous ne trompez personne.
    Ivan Parent

  • Marcel Haché Répondre

    5 mai 2012

    La France va voter pour l'U.M.P.S. Hollande ou Sarko,c'est comme ici Charest ou Legault.
    Le centre de gravité de la politique française est ailleurs...

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    4 mai 2012

    Monsieur Dupras votre texte concernant d’une part Nicolas Sarkosy et d’autre part François Hollande est rempli d’inexactitudes si flagrantes qu’elles sentent même un apriori partisan, dommage !
    Soyez assez courtois pour faire une explication de texte concernant ce qui se passe chez nous en général, et ce débat en particulier, qui se tienne un peu mieux que ce que vous vous efforcez de faire passer ! A moins que vos sources ne soient pas fiables, vérifiez davantage... Laissez-nous, au moins à nous Français, le loisir de renvoyer Sarkozy dans ses foyers après ces cinq années où il a tant mis à mal notre pays..

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    4 mai 2012

    @ C. Dupras:
    «Une nouvelle ère de « JE, ME, MOI » commencera-t-elle en France ? Il reste deux jours aux Français et Françaises pour l’éviter.».
    Est-ce que Sarkozy vous semble vraiment une alternative valable? Du point de vue français, comme du nôtre?
    Je pourrais écrire des pages et des pages sur la question, mais je vous rappellerai un événement symboliquement très lourd: «Sarko» a remis la médaille de la Légion d'honneur de France à un personnage tel que Paul Desmarais.
    On pourrait aussi reparler de son discours concernant le naiotnalisme québécois, où notre ami Nicolas nous a dit notamment, qu'il fallait que nous en finissions avec le «repli sur soi» et la «détestation» (sic), face au Rest of Canada...
    Je vais m'arrêter là; je sens pratiquement la nausée monter.
    Soit, Hollande n'est pas parfait. Mais peut-il faire pire que quelqu'un qui est carrément un ennemi du Québec, comme président de la France?

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mai 2012

    Giscard d'Estaing avait battu Mitterrand en 1974 par même pas 3 % et Mitterrand avait battu Giscard en 1981 par 3,5 %....
    Les derniers sondages IFOP et CSA donnent Hollande dans des fourchettes de 53 % à 54 % ce qui fait une différence de 800.000 électeurs, difficile a remonter. Comme au premier tour Sarko raconte qu'il sent une vague monter....
    Tant qu'à Hollande "The Economist", pas un journal de gauche, le juge dangereux...et "The Guardian" parle de lui comme d'un faux mou mais un vrai dur...
    Aucun changement a attendre pour le Québec, Sarko est un copain de Desmarais et le Parti Socialiste Francais ne compte pas beaucoup de militants considérant le souveraineté du Québec comme une avancée positive (c'était la position de Mitterrand aussi...), a pars Michel Rocard qui ne représente plus rien.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mai 2012

    Je me méfie du Parti socialiste comme je me méfie ici du Parti Québécois, mais mon aversion pour Sarkozy comme mon aversion pour Charest et les néo-libéraux(conservateurs)est telle que je souhaite quand même une victoire de Hollande avec tous ses défauts.
    En France comme ici, on veut du changement et on veut se débarrasser des marchandistes et des corrompus qui n'ont que l'argent comme valeur.
    On les emmerde. Quelle race pourrie de tristes individus.
    Pierre Cloutier