LR, Gilets Jaunes, FI, DLF, UPR : les grands perdants des Européennes

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Une France atomisée qui vote de manière éclatée

Les partis qui ont voulu attirer les électeurs du RN et les Gilets jaunes ont tous bu la tasse. Y compris les listes conduites par des Gilets Jaunes. Sauront-ils en tirer les leçons ?


La droite au tapis

La nomination de François-Xavier Bellamy à la tête de la liste Les Républicains pour les Européennes était un pari. Un pari risqué, mais qui a failli fonctionner. La liste n’a cessé d’être classée troisième dans les sondages et a même atteint plusieurs fois les 15 %. Le score final, 8,48% est aussi éloigné des prévisions que celui de la participation, significativement plus haute qu’attendue.


Le rêve d’un grand vieux parti de droite, à l’image de son homologue américain dont il reprend le nom, et qui porterait la tradition gaulliste à travers les générations, s’est brisé net. L’UDR, devenue RPR, puis UMP et qui avait été reformée par le Général De Gaulle sur les cendres du RPF éparpillé par la guerre des partis pendant la  Quatrième République, ce parti qui a été la colonne vertébrale de la Cinquième Républiquen’est plus que l’ombre de lui-même.


Une nouvelle forme de politique

Après l’explosion de la gauche, c’est le tour de la droite de se retrouver marginalisée dans un débat où dominent désormais trois forces politiques : le Rassemblement national, En Marche et Europe Écologie, qui partagent tous les trois le même point commun de ne pas être des partis mais des mouvements composés autour d’un noyau dur.


Les électeurs du RN n’ont que très, très peu à voir avec le sulfureux mais minuscule noyau de cette extrême droite pétainiste et maurassienne qu’on associait à Jean-Marie Le Pen, tout comme la majorité des électeurs d’EELV sont bien loin d’être dans leur majorité des ayatollahs verts, pas plus que ceux qui ont voté pour la liste Renaissance ne font partie du monde ultra fermé des réseaux d’influence, énarques et autres grandes écoles.


Les Républicains ont commis de nombreuses erreurs, dont la première est de vouloir continuer à être un parti politique. Dans un monde où la politique est de plus en plus en perte de vitesse, les électeurs ne veulent plus s’investir dans un parti : voter leur suffit.


Nous sommes entrés dans l’ère du marketing public : les gens ne votent pas pour un programme ou parce qu’ils apprécient les dirigeants d’un parti, ils votent pour l’image sociologique qu’ils veulent projeter en s’habillant aux couleurs de tel ou tel : donner l’image d’un gentil altruiste écolo, donner l’image d’un solide patriote dur à la tâche, donner l’image de quelqu’un qui fera un jour, lui ou ses enfants, partie de l’élite. Ils achètent aussi de la marque, pas des produits génériques, d’autant plus qu’il n’existe pas de différence de prix entre les deux.


Erreur stratégique

De conservateur souhaitant protéger l’héritage culturel Français et Européen, François-Xavier Bellamy est devenu au fur et à mesure des soutiens de son parti un conservateur voulant protéger le modèle social franco-français dont ce parti a été le principal artisan. Le résultat de cette logique partisane fut très clair : la droite paye le prix fort de n’avoir pas compris que ses électeurs ne la quittaient absolument pas pour le Rassemblement national, mais pour En Marche, ou s’abstenir.


Elle pâtit sévèrement de n’avoir pas compris que ses électeurs attendaient un message de conquérant, pas un message de victime. Il y a une énorme différence entre un électeur qui pense que la France est avant tout une des 5 grandes puissances mondiales et qui ne comprend pas pourquoi Microsoft, Apple, Facebook, Google, Amazon ne sont pas des multinationales françaises, et un électeur qui veut que le peuple prenne le pouvoir pour que l’État le protège de ces mêmes multinationales. Il existe une énorme différence entre Londres et Vichy.


Les électeurs du RN ne se rebellent pas contre le système politique et économique actuel : ils veulent tout simplement qu’on les protège !


La fin de l’illusion du Grand soir

C’est en substance exactement la même erreur commise par la France Insoumise. En voulant récupérer la contestation des Gilets Jaunes, en lorgnant sur l’électorat du RN, en allant même jusqu’à encenser des sympathisants RN, en ne comprenant tout simplement pas que le véritable mouvement avait cessé deux semaines après son début pour devenir une simple récréation du samedi après-midi et en voulant absolument y voir un troisième tour social, le parti de Jean-Luc Mélenchon a lui aussi cru à l’émergence d’une force politique contestataire sur laquelle il pourrait capitaliser.


Nicolas Dupont-Aignan a d’ailleurs fait exactement pareil. L’UPR est un autre exemple de tentative de vouloir surfer sur la vague (sur celle du Brexit pour cette fois) qui s’est également soldée par un flop retentissant.


La France Insoumise aurait quand même dû se rendre compte qu’elle était totalement hors sol devant la levée de bouclier ayant accompagné ses prises de positions sur les événements Vénézuéliens : comment peut-on faire comme si l’information ne circulait pas en 2019 et comment peut-on croire que les gens ignorent la triste réalité des mouvements révolutionnaires prolétariens ?


La fin de la politique

Il n’existe pas (ou plus) de force populaire contestataire en France prête à se battre pour ses idées. Le peuple n’est qu’une invention rhétorique. Les pitoyables résultats des diverses listes Gilets Jaunes montrent d’ailleurs clairement que ce mouvement n’a jamais été un mouvement politique, mais qu’il est à l’image de ce qu’est devenue la France et dans une certaine mesure le reste du monde : une cohabitation d’individus qui peuvent parfois se rendre compte qu’ils ont des intérêts communs et qui votent utile et non pas parce qu’ils ont des convictions ; d’individus qui d’ailleurs ne croient plus en la politique, même lorsqu’ils sont à l’origine de cette politique.


Il n’y a guère que dans quelques milieux particuliers (étudiants, syndicats, militants de partis, intellectuels, journalistes…) que l’on trouve encore des gens ayant des illusions sur le pouvoir de la puissance publique. La grande majorité des Français votent uniquement parce qu’il faut voter, parce qu’il faut faire un choix.


L’illusion d’une France ultra politisée est fausse. Elle est entretenue en grande partie par les médias, mais aussi par un tout petit nombre d’intégristes fanatiques dont le bruit est amplifié par les nouvelles technologies. Si les résultats des élections étaient à l’image des nombres de vues des diverses vidéos sur les réseaux sociaux, nous vivrions depuis longtemps une guerre civile sanglante dans ce pays.


Une France libérale

On a également tort de penser que les Français seraient d’indécrottables socialistes, attachés coûte que coûte à leurs acquis sociaux, à l’extension démocratique et à l’État nounou. Si c’était le cas, LR, Gilets Jaunes, FI, DLF et UPR ne se seraient pas tous pris un claque monumentale ce 26 mai 2019.


Ceux qui doivent le plus se mordre les doigts sont les Républicains qui paient le plus cher leur virage à 180 degrés par rapport au programme de François Fillon. Il y a de très fortes probabilités que cet entêtement ne provoque d’ailleurs un sérieux marasme dans le parti dans les semaines qui viennent.


La France est loin d’être un pays libéral, c’est une évidence. Mais les Français n’ont absolument pas attendu que les institutions politiques changent pour changer de comportement face à la politique. S’ils ne votent pas libéral ils ont bien un comportement libéral quand ils votent : ils votent s’ils le veulent (et la moitié ne vote pas) et ils votent par choix personnel subjectif : sans illusion et sans conviction.


source : https://www.contrepoints.org/2019/05/28/345515-lr-gilets-jaunes-fi-dlf-upr-les-grands-perdants-des-europeennes


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