Livre : Conservatisme, par Roger Scruton

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La préservation des cultures nationales est, à son avis, le seul objectif que des conservateurs authentiques doivent se fixer

Le livre du philosophe conservateur britannique Roger Scruton intitulé Conservatisme vient d’être publié en français par les Éditions Albin Michel. Cet ouvrage, d’une très grande richesse, est incontournable pour quiconque s’intéresse à ce courant de pensée qui compte de nombreuses variantes, nationales en particulier. Le conservatisme ne fut pas et n’est toujours pas le même en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, aux États-Unis…


On peut définir le conservatisme de Roger Scruton, tel qu’il est exprimé dans ce dernier ouvrage et dans celui qui l’a précédé (De l’urgence d’être conservateur) par les idées suivantes :


– Les institutions, les traditions et les lois rodées par l’Histoire et qui satisfont une large majorité doivent être préférées à toutes les innovations ; elles doivent être maintenues et préservées. Détruire ce qui existe est aisé, mais recréer des institutions, des traditions, des lois… qui donnent satisfaction est très difficile et prend beaucoup de temps. L’Histoire nous montre que les innovations radicales ont été très souvent catastrophiques.


– Une société enracinée dans un territoire, une culture et des traditions est préférable à une société constituée de nomades sans attaches.


– La pluralité des nations et des cultures nationales doit être préservée ; il est impératif de mettre un terme au chaos multiculturel qui est engendré par l’immigration et qui s’étend au sein des sociétés occidentales ; l’homogénéité des peuples est préférable à leur hétérogénéité.


Roger Scruton écrit très justement qu’il n’y a pas « de première personne du pluriel dont les institutions européennes seraient l’expression », ce qui signifie qu’il n’y a pas de peuple européen (il est vrai qu’il n’y a pas de culture paneuropéenne ni d’affect national européen). La préservation des cultures nationales est, à son avis, le seul objectif que des conservateurs authentiques doivent se fixer. Le conservatisme de Roger Scruton s’oppose de manière frontale à tous les constructivismes européistes ; à celui de l’Union européenne, bien sûr (qui a pour objectif d’établir le règne du marché et de l’idéologie individualiste/universaliste des droits de l’homme), mais aussi à celui des partisans d’un « empire européen » qui viendrait se substituer aux nations européennes au nom d’une civilisation européenne qui n’existe pas ; un ensemble d’héritages grecs, romains, celtiques, germaniques, slaves… d’époques diverses ne constitue pas une civilisation du XXIesiècle. Son point de vue est, par contre, conciliable avec le projet d’une confédération de nations européennes.


La communauté nationale ne doit pas être soumise à l’appareil étatique ; son autonomie doit être la plus large possible.


L’économie de marché est préférable à la collectivisation des outils de production, mais l’évolution du capitalisme contemporain qui se caractérise par le gigantisme et l’externalisation des coûts que les firmes s’ingénient à transférer aux États, et donc aux peuples, est très inquiétante et traduit leur irresponsabilité actuelle. Pour notre auteur, l’économie doit être au service de la communauté nationale ; cette idée est dans le prolongement de son rejet de l’individualisme libéral.


Les croyances dans une amélioration morale des humains, qui serait liée à celle des conditions de vie, et dans leur égalité naturelle sont infondées ; les projets visant à façonner les humains « conformément à une certaine vision idéale » sont contraires à l’esprit du conservatisme.


La vie religieuse doit relever de la seule sphère privée ; l’islam, qui ne peut admettre cette idée, est, avec l’idéologie du « politiquement correct », une des deux grandes menaces auxquelles sont confrontées les cultures occidentales.


Roger Scruton est fidèle aux institutions britanniques en général, et à la monarchie constitutionnelle en particulier, mais le conservatisme, tel qu’il le définit, peut s’articuler très harmonieusement avec un républicanisme authentique, c’est-à-dire exempt de l’individualisme et de l’universalisme (qui sont d’origine libérale) ainsi que du progressisme, trois composants essentiels du « républicanisme » tel que l’ont conçu les ténors de la Révolution française et leurs successeurs.