Lettre ouverte à la police

La force ne résout pas les problèmes, elle ne fait que les reporter à plus tard et qui plus est, la répression violente attise la colère.

Tribune libre

Messieurs les policiers.
Depuis plus de 100 jours vous nous voyez déambuler dans les rues afin de revendiquer nos droits fondamentaux, ces droits sont également les vôtres puisque qu'ensemble nous vivons sur la même terre, sous le même régime politique et sous l'emprise de la même idéologie néolibérale.
Ce n'est pas par hasard que nous manifestons pour dénoncer les injustices sociales et les violations de nos droit, nous manifestons car plus conscients que jamais des valeurs profondes qui unissent le genre humain, nous sommes convaincus qu'un changement de paradigme est non seulement souhaitable, mais inévitable pour que s'instaure une nouvelle ère de justice à l'échelle humaine.
Vous comprenez certainement qu'une volonté de changement s'oppose dans une certaine mesure à l'ordre établi, non pas pour l'anéantir mais seulement pour en réviser les structures afin que nous puissions tous continuer de nous émanciper individuellement et collectivement pour le bien commun. Ne voyez pas une menace à l'occupation des rues, car celles-ci ne servent pas seulement à la circulation automobile mais aussi à la circulation de la voix populaire, alors n'oubliez surtout pas que c'est la démocratie qui est à l'oeuvre lorsque vous encadrez les manifestations populaires.
Sachez que vous n'avez aucune obligation d'obéir aux ordres que l'on vous donne lorsque celles-ci sont contraires à votre conscience. Vous êtes légitimement en droit de refuser d'insulter, de rabrouer, d'intimider, de charger et même de blesser les personnes qui manifestent pacifiquement. Selon l'article 126(1) du code criminel, vous avez une "excuse légitime" pour ne pas obtempérer à un ordre d'un supérieur si vous êtes conscient de violer les droits fondamentaux des gens en exécutant cet ordre.
Nous ne sommes pas que des citoyens, des contribuables, des travailleurs ou des étudiants, nous sommes tous des êtres humains et nous possédons tous, vous et nous, les mêmes droits fondamentaux, il n'y a alors pas de raisons de se retrouver en opposition lorsque ces mêmes droits fondamentaux sont l'enjeu de nos manifestations populaires. Nous apprécions votre présence sécurisante lorsque vous vous souciez d'offrir un encadrement sain et efficace à nos marches parfois désordonnées. Mais s'il-vous-plaît ne nous considérez surtout pas comme des adversaires, car ce sont aussi vos droits et ceux de vos enfants que nous défendons lorsque nous descendons dans les rues.
Nous apprécions aussi que vous soyez capables de raisonner vos collègues lorsque ceux-ci, sous la panique ou par hostilité, se livrent à des actes répréhensibles de violence sans provocation sur des personnes sans défense. Sachez aussi que le fait que vous soyez lourdement armés et protégés peut avoir un effet intimidant sur les foules que vous tentez de contrôler. Lorsque les gens prennent peur sous la menace, il peuvent réagir de façon inappropriée, cela arrive à des manifestants mais aussi à des policiers. Si les gens vous obéissent lorsqu'ils ont peur de vous, soyez conscient que pour qu'ils vous écoutent et vous respectent ils doivent d'abord se sentir en sécurité et pour que cela se produise ainsi, vous devez vous comporter de façon honorable.
La force ne résout pas les problèmes, elle ne fait que les reporter à plus tard et qui plus est, la répression violente attise la colère. Plus vous l'utilisez, plus vous vous donnez des raisons d'avoir à la réutiliser à nouveau et avec toujours plus de vigueur. Est-ce vraiment ce que vous désirez ? Sinon, déposez les armes et montrez aux manifestants que vous êtes là pour eux, pour leur propre sécurité et non pas contre eux, pour les museler.
Pour que le bon sens triomphe enfin.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    30 mai 2012

    Vous êtes bien gentil d'appeler au bon sens et aux bons sentiments. J'en appelle plutôt à une vaste réforme, et à une réduction, du moins un encadrement resserré, des pouvoirs de la police.
    Après tout, nous payons pour ces corps de police, nous avons un mot à dire dans la façon dont nous voulons les voir s'acquitter de leur travail. Ce que nous avons vu, pendant cette crise, nous a démontré que les policiers abusaient facilement de leurs pouvoirs actuels, qui leur semblent toujours insuffisants et dont ils revendiquent sans cesse l'élargissement. Je veux bien que la situation soit exceptionnelle en intensité et en durée, et qu'ils aient été fatigués à l'occasion, mais ils ne doivent pas laisser leurs émotions prendre le dessus. Ils sont payés pour ça. Ils se sont mis trop souvent à charger comme des brutes, à foncer dans le tas comme des bêtes, et à frapper sans vergogne tous ceux qui avaient le malheur de se trouver dans leur périmètre. Qu'il n'y ait pas eu plus de blessés graves relève du miracle.
    Or, il ne faut pas compter sur les miracles mais sur le professionnalisme des troupes.
    Oui, une sérieuse réforme sera nécessaire. Elle ne sera possible qu'au terme d'une commission d'enquête.