Ce n’est pas tous les jours qu’un chroniqueur et essayiste amateur a le bonheur de voir ses analyses validées et endossées par un prix Nobel d’économie, au point de le voir utiliser les mêmes idées, les mêmes images et les mêmes mots même si c’est dans une autre langue.
C’est pourtant ce qui m’est arrivé hier matin lorsqu’un collaborateur occasionnel de Vigile, Réal Pelletier, un ancien journaliste de La Presse, a eu l’amabilité de porter à mon attention la chronique du jour de Paul Krugman du New York Times, universitaire de renom et récipiendaire du prix Nobel d’économie en 2008.
Intitulée Paranoia of the Plutocrats, sa chronique dénonce l’habitude qu’ont prise certains grands riches de se plaindre en des termes extrêmes des critiques de plus en plus vives dont ils sont l’objet dans les pages des grands quotidiens américains pour leur insensibilité aux inégalités sociales, allant même jusqu’à comparer leur propre sort à celui des victimes de l’holocauste.
Pour Krugman, [ma traduction]

« Tout groupe social est exposé à la critique et perd à l’occasion des batailles politiques. C’est le jeu démocratique. L’important, c’est ce qui survient ensuite. Les gens normaux acceptent le résultat. S’ils sont contrariés et pleins d’amertume, ils ne vont pas jusqu’à crier à la persécution ou à qualifier leurs pourfendeurs de nazis, en se comportant comme si leurs susceptibilités froissées mettaient en jeu le sort du monde. Mais les riches sont différents de vous et moi.
C’est en grande partie parce qu’ils ont beaucoup plus d’argent et le pouvoir qui en résulte. Ils peuvent s’entourer de courtisans - et ils le font trop souvent - qui leur disent ce qu’ils veulent entendre, et qui ne leur disent jamais, au grand jamais, qu’ils se comportent stupidement. Ils sont habitués à être traités avec déférence, non seulement par ceux dont ils retiennent les services, mais aussi par les politiciens, toujours en quête de contributions. Ils sont donc estomaqués lorsqu’ils découvrent que l’argent n’achète pas tout, et ne les met pas à l’abri de toute contrariété. [...] »
C’est après ces quelques éléments de contexte que Krugman vient apporter de l’eau à mon moulin lorsque je dénonce les abus de l’Empire Desmarais ou de Charles Sirois :

« Je soupçonne également ces nouveaux Maîtres de l’Univers d’entretenir quelques doutes sur la véritable nature de leur succès. Je ne parle pas de ces capitaines d’industrie qui fabriquent vraiment quelque chose. Je parle plutôt de ces magouilleurs qui brassent de l’argent et s’enrichissent en écumant la surface. Ils peuvent toujours prétendre qu’ils créent des emplois et font tourner l’économie, mais créent-ils vraiment de la valeur ? Nous sommes plusieurs à en douter, et je soupçonne fort que certains d’erntre eux en doutent eux-mêmes, ce qui les amène à s’attaquer encore plus férocement à leurs critiques. »

Ils ne fabriquent rien... Des magouilleurs qui brassent de l’argent et s’enrichissent en écumant la surface... Mais créent-ils vraiment de la valeur ? ...
Admettez avec moi que ça ressemble beaucoup à ce que j’ai dit au sujet de Paul Desmarais et de Charles Sirois.
Dans mon introduction à « Desmarais : La Dépossession tranquille » paru en 2012 aux Éditions Miclel Brûlé, j’écris ceci :

« C’est pendant les années que j’ai passées à la tête de l’Association des Manufacturiers que j’ai raffiné ma compréhension de l’entrepreneurship et des deux grands modèles qui s’opposent, les bâtisseurs d’une part, et les écumeurs ou prédateurs de l’autre. Autant j’ai du respect pour les premiers, autant j’en ai peu pour les seconds.
Les bâtisseurs, ce sont ceux qui montent leur entreprise et assurent sa croissance et son succès en maîtrisant tous les aspects de la valeur ajoutée. Ils sont amoureux de leur métier et sont constamment en train de raffiner leurs produits et leurs procédés. Ils investissent dans la recherche et le développement, ils connaissent la contribution de leurs employés à leur succès et se comportent en toute chose de manière responsable.
Les écumeurs ou prédateurs, eux, ne s’intéressent qu’à la rentabilité financière de l’entreprise qui n’est pour eux qu’une machine à sous. Leur métier, c’est l’argent, et ils portent la responsabilité de la crise actuelle. Ce sont en effet leurs abus qui risquent désormais de précipiter le capitalisme dans sa chute.
Paul Desmarais n’est pas un bâtisseur. C’est un prédateur, un loup qui a compris qu’il est beaucoup plus facile de convaincre le berger de lui ouvrir toutes grandes les portes de la bergerie que de chercher continuellement à déjouer sa surveillance. »
Et dans mon introduction à « Charles Sirois, l’homme derrière François Legault », ouvrage paru aux Éditions Michel Brûlé en 2013, voici ce que j’en dis :

« À l’instar de Paul Desmarais, Charles Sirois n’est pas un entrepreneur. C’est un écumeur, un opportuniste au sens le plus péjoratif, prêt à tout, utilisant et rejetant les collaborateurs comme des papiers-mouchoirs, peu scrupuleux sur la façon d’obtenir ses résultats. Et tout cela sous couvert de ces vertus de l’entrepreneurship que sont la flexibilité et la nécessité de se retourner rapidement. Il n’a rien construit de durable et rafle la crème au passage dans toutes ses opérations, un « talent » tout à fait à sa place dans l’univers des banques où il occupe depuis quelques années le poste de président du conseil d’administration de la CIBC. »

Aucun de ces deux tristes sires n’a jugé opportun de contester mon analyse, et quand je vois aujourd’hui un personnage aussi reconnu et respecté que Paul Krugman confirmer la justesse de mes paramètres dans une publication du calibre et de la notoriété du New York Times, je me dis que le temps des magouilleurs achève.
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* Ah ! Ça ira, ça ira,
Les aristocrates à la Lanterne !

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** Cy n'entrez pas
-* Cy n’entrez pas, hypocrites, bigots,
-* Vieux matagots, marmiteux borsouflés ;
-* Torcoulx, badauds, plus que n’estoient les Gothz,
-* Ny Ostrogotz, précurseurs des magots ;
-* Haires, cagotz, cafars empantouflés,
-* Gueux mitouflés, frapparts escorniflés,
-* Befflés, enflés, fagoteurs de tabus
-* Tirez ailleurs pour vendre vos abus....
-* Cy n’entrez pas, vous rassotés mastins,
-* Soirs ny matins, vieux chagrins, et jaloux ;
-* Ny vous aussi séditieux mutins,
-* Larves, lutins de dangier palatins
-* Grecs ou Latins, plus à craindre que loups ;
-* Ny vous galoux, vérolés jusqu’à l’ous ;
-* Portez vos loups ailleurs paistre en bon heur,
-* Croustevelés, remplis de deshonneur.
-* Vos abus méchans
-* Rempliront mes champs
-* De méchanceté ;
-* Et par faulseté
-* Troubleroient mes champs
-* Vos abus méchans.

Chapitre 54 du Livre premier de
La vie très honorifique du GRAND GARGANTUA
de François Rabelais
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