Les Israéliens votent, l’avenir de Netanyahu dans la balance

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Course serrée en Israël


Les Israéliens votent mardi pour élire leur parlement, des législatives qui décideront si l’indétrônable Benjamin Netanyahu poursuit son long règne ou si l’heure du changement est venue avec le novice Benny Gantz.


Quelque 6,3 millions d’électeurs sont appelés jusqu’à 22 h (heure locale) à élire les 120 députés qui les représenteront à la Knesset.


Les premiers sondages doivent être publiés à la fermeture des bureaux de vote, alors que l’issue aura été incertaine jusqu’au bout entre les listes des deux Benjamin: le Likoud (droite) de « Bibi » Netanyahu et l’alliance Bleu-blanc (centre-droit) de « Benny » Gantz.


Les Israéliens ont, pour bon nombre d’entre eux, pris dès les premières heures après l’ouverture à 7 h (4 h GMT) le chemin des bureaux de vote, dressés pour la plupart dans les écoles du pays.


Après une campagne acrimonieuse, les sentiments exprimés reflètent la diversité des opinions sur la voie à suivre pour leur pays et sur l’avenir du Premier ministre sortant, en poste sans discontinuer depuis une décennie.


Ronit Kampf, professeure d’université de 45 ans, a été parmi les premières à déposer son bulletin, dans le quartier du Vieux Katamon à Jérusalem. Elle évoque la menace d’inculpation pour corruption pesant sur « Bibi », surnom sous lequel tous les Israéliens connaissent M. Netanyahu.


« Cela fait trop longtemps que “Bibi” est au pouvoir », dit-elle, « on va au-devant d’un grand changement. Lequel, je ne sais pas ».


Micol Tsadok, 40 ans, votera « probablement » pour la Droite unie, alliance de partis nationalistes religieux, parce qu’ils « sauront faire ce que j’attends d’eux, et mettre de l’ordre dans cette histoire entre juifs et Arabes ».


M. Netanyahu, qui a exaspéré ces petits partis en pressant les électeurs de droite de leur préférer le Likoud (bien qu’ils soient les partenaires potentiels d’une future coalition), a voté avec sa femme Sara dans une école de Jérusalem avant midi.


Souriant, l’allure confiante alors que, ces derniers jours, il sonnait l’alarme devant le risque que le Likoud finisse derrière Bleu-blanc, il a appelé ses compatriotes à « faire le bon choix ».


M. Gantz l’avait devancé dans une autre école, chez lui à Rosh Haayin, près de Tel-Aviv. Devant les journalistes qui se pressaient dans l’étroit bureau, il s’est dit « heureux de (se) mettre au service d’Israël » et a promis à ses concitoyens une « nouvelle voie » après avoir mis son bulletin dans l’urne, là aussi au côté de sa femme.


Faute de faire apparaître des différences de programme significatives, le scrutin a toutes les allures d’un référendum sur la personne de M. Netanyahu, figure dominante, adorée des uns, détestée des autres.


M. Netanyahu, 69 ans, dont plus de 13 années au total passées au pouvoir à mener les opérations militaires de son pays et à parler d’égal à égal aux grands de ce monde, brigue un cinquième mandat.


Si le président Reuven Rivlin, au vu de la composition du parlement, lui confiait la tâche de former le prochain gouvernement, il ravirait en juillet le record de longévité à l’historique David Ben Gourion.


Face à lui, son principal challenger, Benny Gantz, 59 ans, ancien parachutiste, ancien commandant d’une unité de forces spéciales et ancien chef d’état-major n’était pas encore entré en politique il y a moins de six mois.


Proximité avec Trump


Pour M. Gantz, fort de faits d’armes militaires rassurants dans un pays qui reste confronté aux menaces, il s’agit avant tout de mettre fin aux années de divisions et de corruption incarnées par le premier ministre sortant. Pour M. Netanyahu lui-même, personne mieux que lui ne garantit la sécurité et la prospérité de son pays.


La victoire lui semblait assurée quand, en décembre, il a provoqué ces élections anticipées avant l’échéance de novembre 2019.


Depuis, Benny Gantz s’est lancé et a construit une liste solide avec, aux cinq premières places, trois anciens commandants des armées, un ancien ministre des Finances et l’ex-chef de la centrale syndicale nationale.


Et, en février, le procureur général a annoncé son intention d’inculper M. Netanyahu pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires de dons reçus de la part de milliardaires, d’échanges de bons procédés entre gouvernants et patrons, et de tentatives de collusion avec la presse.


Les derniers sondages autorisés mettaient vendredi le Likoud et Bleu-blanc au coude-à-coude. Mais, avec une trentaine de sièges prédits à chacun, l’un et l’autre restaient loin de la majorité absolue (61 sur 120) et devraient s’allier à d’autres formations pour gouverner.


Les projections de résultats des autres listes suggèrent que M. Netanyahu aurait alors l’avantage pour former une coalition. Une quarantaine de listes en tout sont en compétition.


Mais tous les experts ont mis en garde contre la faillibilité des enquêtes d’opinion.


Au cours d’une campagne où le Likoud aura lâché un feu roulant d’attaques contre M. Gantz, M. Netanyahu se sera prévalu de sa trempe d’homme fort, de ses réussites diplomatiques, de sa proximité avec le président Donald Trump, et d’une croissance économique continue.


Comme en 2015, dans ce qui ressemble fort à un appel du pied à l’électorat de droite, M. Netanyahu a sorti une surprise de dernière minute en se disant prêt, au mépris d’un large consensus international, à annexer les colonies israéliennes de Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis plus de cinquante ans par Israël.


Chef d’une coalition gouvernementale réputée la plus à droite de l’histoire d’Israël, M. Netanyahu pourrait rempiler à la tête d’une coalition encore plus droitière.


La grande question de ces élections est de savoir s’il aura réussi à convaincre les électeurs de fermer les yeux sur la suspicion et l’opportunisme associés à son nom, et sur une rhétorique volontiers décriée comme anti-arabe.