Les banquiers centraux naviguent en plein brouillard

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Ça leur a pris huit ans pour l'admettre, et le prix à payer pour leurs erreurs va être colossal

Les banquiers centraux américains et européens admettent ne plus trop savoir à quoi s’attendre de l’économie mondiale.

La volatilité des marchés financiers, le ralentissement de la croissance chinoise et la chute des prix du pétrole compliquent considérablement la vie des autorités monétaires occidentales. La semaine dernière, ils ont convaincu la Réserve fédérale américaine de marquer une pause dans le relèvement de ses taux d’intérêt entrepris en décembre. Les forceront-ils à rester une autre fois le long des lignes de touche à sa prochaine réunion prévue en mars ? « Nous ne le savons tout simplement pas », a déclaré lundi son numéro deux, Stanley Fischer, lors d’un discours à New York cité par le Wall Street Journal. « Le monde est un endroit incertain, et ce dont tous les décideurs en matière de politique monétaire peuvent être sûrs, c’est que ce qui arrivera sera souvent différent de ce à quoi on s’attendait au départ. »

Ce que la Fed sait, a-t-il dit, c’est que la chute des prix du pétrole et l’appréciation du dollar américain ont été toutes les deux plus marquées que ce à quoi elle s’attendait lors de sa fameuse réunion de décembre, où elle a relevé d’un petit quart de point de pourcentage son taux directeur, qu’elle gardait presque à 0 % depuis le début de la grande récession en 2008. Ces deux facteurs contribueront à reporter encore le moment où l’inflation aux États-Unis reviendra à la cible de 2 % de la Fed.

On a déjà vu par le passé des périodes de volatilité financière qui avaient eu, somme toute, un bien modeste impact sur la croissance économique, a-t-il rappelé. Mais cette fois-ci, les investisseurs semblent tourmentés par l’impact que pourraient avoir les difficultés économiques de la Chine et la chute des prix des ressources naturelles sur la croissance mondiale et, par voie de conséquence, sur la reprise américaine.

Dans ce contexte, a-t-il martelé, la Fed sera bien avisée de ne pas essayer de déterminer sa conduite d’avance, mais de baser chacune de ses décisions sur les données économiques. Elle a tout intérêt également à ne pas commencer à se défaire trop vite de la réserve de 4500 milliards d’actifs qu’elle a constituée depuis le début de la crise au fil de ses programmes d’injection de liquidités.

Ce discours prudent de Stanley Fischer a attiré l’attention lundi, d’autant qu’on le dit généralement favorable à un relèvement des taux d’intérêt plus rapide que ne le voudrait, notamment, la présidente de la Fed, Janet Yellen. En décembre, les membres de la Fed entrevoyaient pour 2016 quatre hausses de 25 points de base pour un total d’un point de pourcentage. Aujourd’hui, les marchés croient qu’il y aura tout au plus deux hausses d’un quart de point de pourcentage, peut-être moins encore.

Pendant ce temps en Europe

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, tenait au même moment sensiblement le même discours de l’autre côté de l’Atlantique. Invité du Parlement européen à Strasbourg, le banquier central a prévenu à son tour que les difficultés que traversent les économies émergentes et la faiblesse des prix du pétrole aggravaient les « risques » et le climat « d’incertitude » qui pèsent sur l’économie mondiale et, par voie de conséquence, sur l’Europe, a rapporté l’agence Reuters.

Il a notamment dit craindre, selon le Financial Times, que le recul de l’inflation causé par la baisse des prix de l’énergie ne nourrisse une « deuxième vague » déflationniste, qui s’observerait celle-là par une stagnation des salaires et un doute grandissant dans les esprits de la capacité des autorités de revenir à leur cible d’inflation de 2 %.

Mario Draghi a de nouveau laissé entendre que la BCE pourrait assouplir encore les conditions monétaires à sa prochaine réunion prévue le 10 mars, soit une semaine plus tôt que celle de la Fed. La banque centrale européenne affiche déjà un taux directeur négatif de -0,4 %. Des analystes croient qu’elle pourrait augmenter encore son programme d’achat de titres obligataires, qui s’élève déjà à 60 milliards d’euros par mois jusqu’en mars 2017.

La BCE ne peut toutefois pas tout faire toute seule, a prévenu son président. Les gouvernements devront aussi faire des efforts en mettant en place des réformes économiques structurelles capables de ramener la croissance en Europe. Ils devront aussi solidifier les fondations de leur projet commun durement secouées notamment par la crise grecque, la crise des réfugiés et les demandes du Royaume-Uni de nouveaux accommodements, sans quoi il menace de couper les ponts.

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