Légal ou pas, le blocus israélien?

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne





Laura-Julie Perreault La Presse - Le blocus d'Israël de la bande de Gaza est-il légal? La question est au coeur du bras de fer entre l'État hébreu, qui dit être dans son droit et les organisateurs de la flottille humanitaire, qui qualifient le blocus de hors la loi. Elle sera aussi au centre d'un rapport, attendu d'un jour à l'autre, du bureau du secrétaire général des Nations unies sur l'assaut du Mavi Marmara de l'an dernier. Pour y voir plus clair, La Presse a demandé à Mario Prost, professeur de droit international à la Keele Law School, en Grande-Bretagne, de décortiquer le blocus en cinq questions et réponses.
Q: La Presse: Comme concept, le blocus est-il légal en droit international?
R: Mario Prost: En droit international, le blocus est une méthode de guerre acceptée. Pendant les deux guerres mondiales, ç'a été utilisé. Le blocus fait aussi partie des divers moyens que peut utiliser le Conseil de sécurité en cas de conflit international. Mais le droit définit aussi des conditions pour le mettre en place.
Q: Quelles sont ces conditions?
R: Pour utiliser le blocus, on doit être dans un contexte de conflit armé entre deux parties. Ce conflit doit être international. Le blocus doit être déclaré de manière claire, doit être publicisé et le pays doit déployer les moyens nécessaires pour le faire respecter. Il doit être appliqué de manière non discriminatoire. C'est-à-dire qu'un pays ne peut pas seulement empêcher les bateaux de certains pays et pas d'autres d'atteindre les côtes de l'entité visée par le blocus.
Q: Est-ce que le blocus israélien remplit toutes ces conditions?
R: Il y a diverses opinions de juristes sur la question, mais en général, la plupart s'entendent pour dire qu'Israël a le droit d'avoir recours à un blocus dans son conflit contre le Hamas (parti islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza). Israël a imposé des restrictions à la bande de Gaza dès 2007, mais c'est en 2009 que le blocus a été officiellement annoncé, dans le cadre de l'opération Plomb durci, qui est un conflit armé. Le niveau d'intensité a diminué, mais en droit international, un conflit est terminé quand cessent toutes les hostilités. Le blocus israélien a été très bien publicisé, est effectif et n'est pas appliqué de manière discriminatoire, comme l'a démontré l'affaire du Mavi Marmara.
Q: Peut-on donc conclure que le blocus israélien est légal?
R: Non, on peut dire qu'Israël a le droit d'imposer un blocus, mais dans la manière de l'imposer, il y a deux autres conditions cardinales liées aux principes humanitaires qui peuvent rendre un blocus illégal. Premièrement, il est interdit d'affamer une population ou de la priver des biens essentiels. Deuxièmement, si dans les faits, un blocus inflige un dommage à la population civile qui est disproportionné par rapport à l'avantage militaire qu'il procure, il est illégal.
Q: Le blocus israélien passe-t-il le test des conditions humanitaires?
R: Il y a un nombre impressionnant d'indices qui nous font conclure que ce n'est pas le cas. Il y a de nombreux rapports d'organisations onusiennes, dont un récent rapport du Programme alimentaire mondial, d'organisations non gouvernementales comme Amnistie internationale et Human Rights Watch, qui affirment qu'il y a une crise humanitaire dans la bande de Gaza aujourd'hui. La nourriture rentre dans le territoire, mais la plupart des familles n'ont pas les moyens d'acheter les produits et vivent dans l'insécurité alimentaire. Gaza a un taux de chômage record. Même le Comité international de la Croix-Rouge est sorti de sa réserve habituelle et dénonce la situation. Le CICR estime que le blocus est utilisé comme une «punition collective» contre les Gazaouïs parce qu'ils ont élu le Hamas. Donc, il semble que le dommage causé est disproportionné et que le blocus israélien tel qu'appliqué aujourd'hui est illégal.


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