En fouillant dans mes classeurs, j’ai découvert un court texte qui, bien qu’écrit en 1978, exprime toujours aussi bien ce que vit le peuple québécois.
Le retour des ancêtres
Les vents d’automne ont parfois de ces folies qui éparpillent les sons, puis les réassemblent comme dans un jeu. Voilà d’ailleurs ce que les rafales d’octobre me chuchotèrent aux oreilles un soir où, non loin de quelques croix malmenées par l’âge, je décidai de camper.
- Quel est donc ce peuple que je crus reconnaître? N’est-ce pas cette fière race que je connus naguère, cette race de fer à la chair prolifique qui essoucha le pays pour s’y enraciner?
- Non, oublie cela! Nous n’aurions pas dû revenir, mon fils. Viens, retournons sous nos croix.
- Mais où sont donc ces pionniers, hantise du continent, dont les noms peuplent les fleuves et les montagnes? Où est donc cette promesse de l’histoire? Ce ne peut être ce peuple-guenille, avare de ses biens et de son confort car, sûrement, celui-ci n’est que de passage dans l’histoire alors que la race dont nous sommes les pères aurait dû y luire comme lucioles dans la nuit. Voilà une nation acculée comme un rat dans un coin de continent. Voilà une nation brisée, offerte corps et âmes, surtout par l’âme, à ses ennemis.
- Ses ennemis? Mais un tel peuple n’a pas d’ennemis! Il n’a que des amis qui se le disputent et se le vendent à qui mieux mieux. Ses amis lui ont appris des jeux appelés télévision, automobile, niveau de vie. Et ces jeux l’ont amusé. Pour ces jouets, ces gens tuent leurs enfants en se les arrachant du ventre; pour eux, ils vendent leur patrie; pour eux, ils se refusent à exister et habitent leur pays en locataires. Ils sont de cette civilisation agonisante et les idéaux leur sont risibles.
- Ils ont laissé la vague pour l’écume.
- Oui, ils sont riches et pourtant, oui pourtant, tu te souviens comme nos regards rieurs luisaient autrement mieux que leur or. Ils oublient leur glorieux passé.
- Ils préfèrent parler d’avenir!
- En ont-ils seulement un?
- Tu as raison, mon fils, ceci n’est qu’une race quelconque dans l’attente de la mort. Oublie son histoire comme elle oublie la tienne. Retournons avec les héros et les martyrs du passé. Mais ne leur racontons rien; ils ont assez pleuré et enduré.
Puis, ce fut tout. Le vent, rageur, prit possession de la nuit en faisant claquer ma toile de tente.
Au petit matin, j’allai vers le petit cimetière où, seules, deux vieilles croix grisâtres tenaient encore debout. Et je restai longtemps alors devant les deux tombes crevées…
Jean-Jacques Nantel
_ Février 1978
(À pleurer!)
Le retour des ancêtres
(Certaines choses sont étrangement permanentes)
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7 commentaires
Archives de Vigile Répondre
12 février 2012@ Georges
J'ai lu avec intérêt vos propos. Laissez-moi vous dire que je n'ai aucun mépris envers le peuple québécois qui, malgré toutes les adversités qu'il a rencontrées dans son destin collectif, a survécu. J'ai pu dire des mots qui ont dépassé ma pensée comme ça l'arrive à toute personne humaine. Sûrement de la frustration causée, à force de voir et de constater que notre combat pour l'indépendance nationale ne progresse pas et reste toujours plafonné, depuis 1980, avec toujours le même pourcentage de 40% de personnes pro-indépendance malgré tous les évènements qui se sont succédés au Québec surtout durant le règne de Charest qui est reconnu pour être un antiquébécois notoire. L"évolution et la prise de conscience collectives sont lentes à venir, ne trouvez-vous pas? Aux personnes que j'aurais pu blesser, je m'en excuse.
André Gignac 12/2/12
Georges Paquet Répondre
12 février 2012Attention: Quelqu'un, un Canadien hors Québec, ou pire un anglophone, pourrait vous lire et croire que vous avez raison. Et il pourrait même répandre à propos des Québécois, le mépris que vous affichez ici...
Relisez-vous:
1-"Ils sont de cette civilisation agonisante et les idéaux leur sont risibles."
2- "...une race quelconque dans l’attente de la mort."
3- "Ce peuple-là ne lève pas ; trop conditionné au confort matérialiste et à l’indifférence totale, colonisé à l’os, à genoux (castré par la religion) etc..."
Pablo Lugo Herrera Répondre
11 février 2012Nous allons avoir la semaine prochaine la marche pour la commémoration des patriotes pendus. Comme l'année passée, nous n'aurons pas de politiciens qui vont nous accompagner, car dans cette marche, les Médias ne sont pas présents. Bref, est inacceptable que dans une population de 8 000 000 millions de Québécois, l'assistance soit inférieure à 100 personnes. Le froid? Oui, le froid de notre conscience nationale!
Yves Rancourt Répondre
11 février 2012Monsieur Nantel,
J'aime bien votre texte qui, manifestement, est un cri du coeur, donc sincère et vrai. Pour aller un peu dans le même sens, je me permettrai une brève remarque: ayant voyagé dans quelques pays et énormément au Québec, j'ai remarqué qu'il y a dans nos cimetières beaucoup moins de marques de visites et de fleurs qu'ailleurs. Les tombes de gens décédés depuis peu sont, chez nous, rarement ornées; celles de nos ancêtres encore moins. J'ai vu dans d'autres pays des tombes de gens décédés depuis des générations ètre ornées de fleurs et d'autres marques de reconnaissance; de vieux cimetières sont de véritables jardins de fleurs, des lieux bien "vivants" avec beaucoup de visiteurs. Ce qui me fait dire que les Québécois sont moins attachés qu'ailleurs à leur passé, même récent, et à ceux et celles, pères, mères et ancêtres qui nous ont contribué à bâtir ce pays. Qu'est-ce qui explique ce phénomène? Voudrait-on rompre avec un passé que l'on considère peu glorieux, avec des gens qui nous ont légué des valeurs jugées étouffantes et sclérosantes? Ou d'autres raisons? Malgré ces constats, je garde personnellement encore espoir que des événements viendront bientôt secouer notre torpeur et nous faire reprendre la route de notre libération nationale.
J'ajouterais un petit mot pour monsieur Gignac qui dresse un portrait que je partage largement, sauf sur la question du PQ qui, selon moi, demeure objectivement le seul qui est venu bien prêt de nous donner le pays et qui est encore le seul qui peut le faire dans un horizon rapproché. Et, je le dis en terminant, je ne suis pas membre du ce parti.
Mes salutations cordiales à vous deux.
Archives de Vigile Répondre
11 février 2012Monsieur Nantel
Très beau texte toujours de plus en plus d'actualité. Ce matin même, je me demandais si ça valait la peine de continuer à se battre pour ce pays en devenir mais qui n'aboutit jamais. Trahis que nous sommes par le PQ et notre classe politique québécoise, fédéraliste et collabo en plus, l'information contrôlée par Gesca, PKP et Radio-Canada, 40% de la population analphabète, le pillage de nos ressources naturelles par les oligarques, l'assimilation progressive, une immigration débordante, que voulez-vous de plus? En voyez-vous une solution à part une révolution dans la rue (ça prend des couilles!)? Ce peuple-là ne lève pas; trop conditionné au confort matérialiste et à l'indifférence totale, colonisé à l'os, à genoux (castré par la religion) etc... Ça prendrait un miracle mais je ne suis pas le frère André!
André Gignac 11/2/12
Archives de Vigile Répondre
11 février 2012Les riches n'ont pas d'allégeance nationale. La richesse est quelque chose qui unit les races entre elles. Harper vient d'aller rencontrer les riches de Chine. Les riches de Chine sont plus proches des riches du Canada que de leurs concitoyens chinois et vice-versa.
Pierre Schneider Répondre
11 février 2012Très beau texte qui, dès 1978, voyait venir la situation actuelle. D'un réalisme désespérant.