Première chronique

Le Québec isolé dans un Canada qui l'ignore

Un destin tragique

Chronique de Gilles Verrier

C'est aujourd'hui le 25è anniversaire du rejet de l'entente de Charlottetown. Il y avait là des modifications à la constitution canadienne qui avantageaient le Québec à certains égards, moins que Meech toutefois. Si bien que si l'entente avait obtenu la majorité des suffrages, le Québec serait aujourd'hui mieux loti en matière d'immigration et de droits linguistiques qu'il ne l'est présentement. Naturellement, ce n'était pas le pactole. Et, on le sait, l'histoire ne repasse pas les plats. Rien ne sert donc de se chagriner sur le passé, tournons-nous vers l'avenir.
Interviewé aujourd'hui par la SRC, le constitutionnaliste libéral Benoit Pelletier pronostique que les prochains à faire pression pour modifier la constitution ne seront pas les Québécois mais les Premières nations. C'est ici. Au train où vont les choses, les Québécois les plus attachés à la promotion de l'autonomie québécoise ne pèseront pas lourd dans cette prochaine ronde de négociations. La configuration du Canada de demain se fera-t-elle sans nous..?
L'indépendance du Québec aurait obligé le Canada à modifier sa constitution. Ce n'est pas arrivé. D'autres événements peuvent provoquer des changements constitutionnels, lesquels peuvent parfois se traduire dans un changement de statut. Ce que le Québec souhaite depuis longtemps. Or tout changement constitutionnel et tout changement de statut politique pour un peuple relève en grande partie de la capacité des forces du changement à rendre impossible le maintien du statu quo. Autrement dit, le rapport de force politique peut dicter, souvent à lui seul, le tour que prendront les choses.
Le Québec francophone, le vrai Québec des Québécois, se retrouve aujourd'hui au neutre. Il est incapable de parler d'une seule voix. Pire, il comptera pour des prunes dans les prochaines rondes constitutionnelles et même tout simplement dans les prochains enjeux canadiens; à moins que les choses ne changent radicalement chez nous. Or, sombre tableau; les intentions de Jean-François Lisée de repousser à un avenir indéfini la question nationale nous assurent que rien ne changera. Jean-François Lisée ne fait qu'avaliser un constat qui ne le favorise pas, et il se la joue fessier, se conformant au contexte du moment, soit celui d'un rapport de force qui nous est défavorable qui, espère-t-il peut-être, changera de lui-même... Puisque je présume que comme tout Québécois réformé il ne croit pas à l'intervention du Saint-esprit.
La question fondamentale qui plombe le Québec est, j'y reviens, une question de statut politique. Il n'est pas facile de maintenir l'intérêt sur cette seule question car l'actualité accapare la plupart des électeurs. À leur tour, les journalistes, comme les commentateurs et les analystes, collent sur ces moments. Ces moments où l'émotion collective se prête, nous aimons à le croire, à des changements d'allégeance politique. D'où la bataille de l'actualité au quotidien. C'est en quelque sorte incontournable.
Au-delà de Jean-François Lisée et les feux de la rampe, qui ne sont pas mon sujet. Au-delà de la veuve, de l'orphelin, du chien écrasé et de l'immigrant qui s'est mal comporté, la question du Québec est stable. C'est une question de statut. Et le changement de statut est chevillé à la question d'un rapport de force favorable. Présentement, et dans les années qui viennent le rapport de force n'est pas à l'avantage du Québec. À comparer à ce qu'il était au lendemain de l'échec des accords du lac Meech ? Bien au contraire.
Je commence aujourd'hui une série de chroniques audacieuses qui traiteront de la façon de redonner aux Québécois francophones le rapport de force politique qui est la condition indispensable à tout changement de statut. Je m'adresserai dans ces chroniques à ceux qui ont à cœur l'intérêt de la francophonie québécoise et qui veulent lui donner tous les outils pour prospérer. Et acquérir, voire retrouver même la grandeur sur un territoire qui la dépasse. Nous sommes présentement au neutre et le bras de la boîte de vitesse ne répond plus. Il faut que ça change.
Si la chose vous intéresse, suivez-moi au cours de mes prochaines chroniques. Attachez vos ceintures car les idées indépendantistes-souverainistes reçues, normalisées, et dans bien des cas invalidées par les événements depuis cinquante ans vont en prendre un coup. D'ailleurs, pour ce qui est de la pureté, on ne me la fera pas. Le PQ depuis René Lévesque-Claude Morin, Pierre-Marc Johnson, en passant par Bernard Landry, Lucien Bouchard, André Boisclair, Pauline Marois et, aujourd'hui Jean-François Lisée n'a jamais voulu autre chose qu'un renouvellement de la constitution canadienne, n'est-ce-pas ? N'est-il pas temps de mettre cartes sur table.
Deuxième chronique : Les États généraux du Canada français et le bluff québécois.

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Gilles Verrier139 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 septembre 2017

    @ M.Bruno Deshaies
    Excellent commentaire! Comme vous le dites si bien par cette phrase: - Un parti politique indépendantiste, quel qu'il soit, s'il ne se donne pas les ressources humaines pour expliquer, diffuser et défendre le fait d'une nation au sens intégral dotée d'un ÉTAT SOUVERAIN, c'est tout simplement de la frime- Fin-
    Pour moi, tous les partis politiques à Québec sont fédéralistes, pro-mondialistes, pro-multiculturalistes; c'est de la malhonnêteté des dirigeants du PQ de parler d'indépendance. ÇA FAIT PRÈS DE 50 ANS QUE LE PQ LEURRE LE PEUPLE QUÉBÉCOIS. Vite un nouveau parti résolument indépendantiste pour sortir de ce tournage en rond qui nous mène carrément dans le cul-de-sac de l'assimilation du Québec!
    INDÉPENDANCE OU ASSIMILATION!
    André Gignac 2/9/17

  • Gilles Verrier Répondre

    31 août 2017

    Les trois premiers commentaires à ma chronique ont ceci en commun : ils viennent de trois personnes qui mettent au premier plan le changement de statut politique pour le Québec. Nous cherchons une façon de constituer un rapport de force qui nous est favorable...
    Dans ma prochaine chronique, je reviendrai sur les États généraux du Canada-français qui ont été l'occasion du seul séparatisme qui a réussi en cinquante ans : soit la rupture de la nation canadienne-française. Comme Bruno Deshaies le souligne, et Marcel Haché aussi qui revient sur l'abandon des nôtres, le territoire du Québec est habité par trois nations. Les péquistes se contorsionnent depuis cinquante ans pour tenter de faire nation avec la portion de la nation canadienne anglaise qui habite le Québec. Inutile de dire que cette utopie n'a connu aucun succès. Aujourd'hui plus que jamais, s'il y a des alliances à faire qui peuvent devenir fécondes, elles ne sont pas là. Et elles ne l'ont jamais été. Il serait plus logique d'investir dans la déconstruction du séparatisme intra canadien français qui n'a servi que les intérêts de nos ennemis.
    Bruno Deshaies écrit ici avec une parfaite lucidité : «la « minorité » anglaise du Québec appartient à la majorité canadian appuyée par de fidèles fédéralistes Québécois-Français...» Cette fausse «minorité» peut facilement dominer le parlement de Québec dans un processus démocratique vicié par l'iniquité de la constitution canadienne. La majorité francophone du Québec, qui est une vraie minorité canadienne, se retrouve dépourvue de pouvoir partout.

  • Bruno Deshaies Répondre

    30 août 2017

    2017-08-30 17:35
    Le changement de statut politique exige un travail de sape de longue haleine.

    Chers amis.
    Je me joins à toi, Gilles, ainsi qu’à Messieurs Haché et Gignac pour exprimer mes inquiétudes sur l’objet de l’indépendance politique du Québec.
    Personnellement, j’ai voulu rencontrer Jean-François Lisée à deux reprises à son bureau de comté. Je me suis même arrêté à son bureau pour passer mon message. Niet ! Impossible d’obtenir même une réponse de sa part. Monsieur Lisée ne rencontre que les gens de son comté. L’objectif de faire advenir un État souverain pour la nation québécoise n’est pas dans sa tête. C’est un homme à la croisée des chemins. Il lui est impossible de marteler un discours significatif qui ferait vibrer un «sentiment national» parmi le public.
    Dans les circonstances, on ne cessera jamais assez de répéter que le Canada Anglais, le DEUXIÈME Canada, s’est bâti à côté du Québec et au-dessus de lui. Sans oublier que la «minorité» anglaise du Québec appartient à la majorité canadian appuyée par de fidèles fédéralistes Québécois-Français de la tradition bonne-ententiste du Père Georges-Henri Lévesque de l’Université Laval.
    Chaque phase de notre évolution collective a réduit les Canadiens français à un statut d’appendice. L’histoire de l’État fédérant canadien aimerait bien éradiquer cet appendice un jour. Le temps joue en faveur d’un Canada Anglais NATION vs un Canada Français PROVINCE. Ce statut est notre état actuel de nation québécoise à l’intérieure de la Province de Québec (une parmi les autres).
    Un parti politique indépendantiste, quel qu’il soit, s’il ne se donne pas les ressources humaines pour expliquer, diffuser et défendre le fait d’une nation au sens intégral dotée d’un État souverain, c’est tout simplement de la frime. Il faut plus qu’un discours de constitutionnaliste et de constitution pour faire un pays indépendant au sens d’une unité politique reconnue internationalement.
    La trajectoire des gestes de ruptures sans un appui majoritaire de la population québécoise n’aboutira jamais, car tout échec accroîtra notre dépendance envers le pouvoir central au Canada.
    Plus de treize ans plus tard, je vous suggère cette lecture ou relecture :
    Indépendance du Québec - 176
    Ô CANADA !
    De 1760 à 1842, puis 1867, 1967, 1982 et maintenant 2004 : toujours la même histoire

    Bruno Deshaies
    Chronique du jeudi, 29 avril 2004
    Je crois que Gilles Verrier veut mettre au clair la situation actuelle de notre statut politique qui devrait être envisagé. Se faisant, il désire orienter notre vision sur le chemin de l’indépendance POLITIQUE du Québec au sens fort du terme.
    La réforme du système, c’est un pis-aller, une énième panacée qui ne change rien au statu quo. Il accepte même dans discuter avec vous. Pour se comprendre, chacun devra rester sur le sujet. À savoir, ce que c’est que l’indépendance sans se faire avoir.
    Développer le sentiment national des Quécois.es ne se fera sur un coup de tête ou un coup d’éclat d’une élection et même d’un referendum sans une préparation minutieuse des esprits. Faut-il attendre jusqu’en 2022 pour ouvrir la conversation ? Il faut agir maintenant. Pour cela, on doit passer à des concepts qui déboulonnent les bases du fédéralisme qui résident dans l’impérialisme. C’est ce matraquage idéologique fédéraliste qu’il faut contrer mais en affichant les concepts liés à la vision indépendantiste d’une nation.

  • Marcel Haché Répondre

    30 août 2017

    Je vous lis toujours avec grand plaisir, Gilles Verrier.
    Le « splendide isolement » politique… de la province de Québec à l’intérieur du Canada a débuté avec l’arrivée de P.E.T. à la direction du P.L.C. Toute la stratégie politique de tous les différents gouvernements de P.E.T. a consisté à fédérer les électorats qui lui étaient hostiles puis les retournés contre la province de Québec. Ce qui, à ses débuts, faisait partie du régime de santé d’un simple gouvernement fédéral, a fini par faire partie du régime de santé du Régime lui-même.
    La minorisation puis en conséquence le génocide d’une nation ne doit pas être confondu avec le génocide d’une province. Toutes les provinces participent puissamment au maintient du fédéralisme canadien, et sont puissamment sollicitées afin qu’elles partagent et participent à cette doctrine canadienne appelée le « multiculturalisme ». Cette doctrine ne participe pas directement à l’isolement politique de la province de Québec, mais elle participe directement au génocide culturel de la nation québécoise. (Nous)
    Lorsque le P.Q. entend défendre les seuls intérêts de cette maudite province de Québec, réalise-t-il pleinement qu’il peut le faire au détriment d’une nation ?
    Et si maintenant, pour plaire à la doxa canadienne (et québécoise), si le P.Q. se méfie et se défie de Nous- quand même un immense électorat- si les péquisteux comme la Bande des Quatre ( JFL, Hivon, Cloutier,Kotto), si c’est la maudite province plutôt que Nous qu’ils défendent en toutes circonstances, est-ce que cela ne sera pas pleinement mérité bientôt, oui, bientôt… si le P.Q. frappe un Mur historique ?
    Ce n’est pas la maudite province qui viendra alors au secours d’aucun péquisteux, c’est Nous seuls qui pourrions le faire. Avis au chef-stratège du P.Q. !
    Un Redressement National (cette chose inévitable à l’égard de l’Indépendance) ne pourra jamais débuter autrement qu’en brisant d’abord l’isolement politique séculaire de la province de Québec. Est-ce que son corollaire ne serait pas alors, eh oui, eh oui, le « splendide isolement » de quel électorat pensez-vous, si vous y pensez un tipeu ? Tout cela demanderait évidemment du nerf, que personne n’a jamais vu ni jamais soupçonné du côté de JFL. On jase.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2017

    Votre dernière phrase résume très bien la raison qui a mené à la formation du PQ soit celle de vouloir tout simplement un renouvellement de la constitution "canadian". La baloune de la souveraineté du Québec a été crevée par deux fois cet été lorsque Trudeau a déclaré que le gouvernement fédéral n'ouvrirait jamais de négociation sur le renouvellement de la constitution. Aucune réplique n'est venue du chef du PQ, du chef de la CAQ et du chef de Québec Solidaire. Couillard, j'en parle pas, il se traîne à genoux face à Ottawa depuis qu'il est au pouvoir de la succursale provinciale d'Ottawa.
    Le seul moyen de s'en sortir au Québec, c'est par la formation d'un parti résolument indépendantiste. Nous nous prenons rapidement en main au Québec ou bien nous disparaissons à "p'tit feu" dans le statu quo actuel soit celui du multiculturalisme "canadian" de Trudeau.
    INDÉPENDANCE OU ASSIMILATION!
    André Gignac 30/8/17