Le privilège parlementaire n’est pas un passe-droit

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Lafrenière mène l'UPAC dans un cul-de-sac.

Dans la saga opposant Robert Lafrenière, commissaire de l’UPAC, au député Guy Ouellette, il a beaucoup été question de la déclaration du président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, affirmant les droits et privilèges du Parlement et de ses députés, le 31 octobre dernier.


On en a retenu son fameux « Qu’on accuse ou qu’on s’excuse », mais on en a déduit sommairement que les députés jouissaient de passe-droits.


Un droit constitutionnel


Il faut remonter au 14e siècle pour retracer le début de cette lutte inlassable menée par des parlementaires britanniques contre la tyrannie des rois Tudor. Pendant des siècles, les députés qui n’obtempéraient pas étaient emprisonnés sans procès, et jusqu’en 1929, des députés étaient condamnés pour sédition.


Il a fallu attendre 1689, avec l’adoption du Bill of Rights pour que la Chambre des communes du Royaume-Uni et les Parlements de type britannique soient protégés des ingérences extérieures qui entravaient leur fonctionnement et leur indépendance.


C’est ainsi que les privilèges parlementaires ont été introduits dans la Constitution canadienne de 1867, confirmés par des décisions de la Cour suprême et codifiés dans les lois de différents Parlements, dont celles de l’Assemblée nationale du Québec.


Qu’a donc dit Jacques Chagnon pour susciter un tel tollé ? En substance, il a rappelé la loi, à savoir qu’il a la responsabilité de « protéger les droits et privilèges » des députés contre toute tentative « d’intimidation » et trouvait « intolérable que la police ait arrêté un parlementaire sans qu’aucune accusation n’ait été portée contre lui, une semaine plus tard ».


C’est ce que dit l’article 44 : « Un député ne peut être poursuivi, arrêté, ni emprisonné en raison de paroles prononcées, d’un document déposé ou d’un acte parlementaire accompli par lui, dans l’exercice de ses fonctions à l’Assemblée, à une commission ou à une sous-commission. »


Il a aussi réitéré qu’un(e) député(e) doit « jouir de sa pleine liberté pour faire son travail. Quel que soit le sujet qui le préoccupe et dont il fait le suivi, y compris le travail policier. » C’est le sens de l’article 43 : « Un député jouit d’une entière indépendance dans l’exercice de ses fonctions. »


Il est légitime « d’affirmer la pérennité, la souveraineté et l’indépendance de l’Assemblée nationale et de protéger ses travaux contre toute ingérence » (Préambule de la Loi). Le rappel à l’ordre qu’il a lancé à l’UPAC disait exactement cela : « Les corps policiers et leurs unités doivent être redevables à leurs responsables politiques et au Parlement. »


Du mépris et de l’arrogance


Pourtant, l’article 4 est clair : « L’Assemblée a un pouvoir de surveillance sur tout acte du gouvernement, de ses ministères et de ses organismes. » L’UPAC ne peut pas se soustraire à cette obligation.


Et que dire de l’article 42 qui stipule que « l’Assemblée a le pouvoir de protéger ses travaux contre toute ingérence » ? Qu’est-ce que l’UPAC ne comprend pas ?


Ce n’est pas la première fois que le commissaire Robert Lafrenière exprime son arrogance à l’égard du Parlement et des parlementaires (voir ma chronique du 1er juin 2016, dans Le Journal, « L’UPAC et l’outrage aux députés », http://bit.ly/2zd1LUd).


Dans une autre chronique du Journal, du 1er mai dernier, « L’UPAC : Un colosse aux pieds d’argile », je proposais des solutions concrètes pour la rendre plus efficace, plus imputable et plus indépendante (http://bit.ly/2p0JRM4).


Le problème n’est donc pas du côté du Parlement, car les privilèges parlementaires sont bien balisés par le droit constitutionnel, la jurisprudence et la Loi de l’Assemblée nationale.


Ils ne protègent pas les députés à tous égards, mais seulement dans des cas bien précis quand leur travail est entravé par des ingérences extérieures. En matière pénale et criminelle, personne à l’Assemblée nationale n’est à l’abri de la justice.


D’ailleurs, l’Assemblée nationale a toujours collaboré pour la bonne administration de la justice comme dans le cas de Tony Tomassi.


L’UPAC doit donc respecter les prérogatives de l’Assemblée nationale, « dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et inaliénables du peuple du Québec ».


Pour dénouer la crise, une rencontre entre le président Chagnon et le commissaire Lafrenière s’impose, de toute urgence, et ce, dans l’intérêt public.