Le Parlement du Guatemala a accepté jeudi la démission du président Otto Pérez, au moment même où il comparaissait au tribunal sur des soupçons de corruption, dans un climat de liesse populaire à trois jours des élections.
Les 116 députés présents (sur 158 au total) ont tous voté en faveur, puis l’Assemblée a convoqué une session d’urgence au cours de laquelle le vice-président, Alejandro Maldonado, prêtera serment.
M. Maldonado, avocat et notaire de 79 ans, était jusqu’en mai l’un des cinq membres de la Cour constitutionnelle, avant d’être appelé à la vice-présidence pour remplacer Roxana Baldetti, démissionnaire puis placée en détention provisoire dans le cadre du même dossier que celui dans lequel est impliqué Otto Pérez.
Otto Pérez est arrivé jeudi matin au tribunal pour comparaître sur des soupçons de corruption, dans un climat de liesse populaire à trois jours des élections.
Le dirigeant conservateur, au pouvoir depuis 2012, a été entendu par le juge Miguel Angel Galvez, qui a lancé mercredi soir un mandat d’arrêt contre lui, précipitant sa démission.
Portant un costume sombre et une cravate rouge, l’air préoccupé, l’ex-général de 64 ans a assuré sur les ondes d’une radio locale qu’il « affronter[ait] avec courage [la justice], car [il n’a] rien fait de mal ».
Otto Pérez est accusé par le parquet et une commission de l’ONU contre l’impunité (CICIG) d’avoir dirigé un système de corruption au sein des douanes via lequel des fonctionnaires touchaient des pots-de-vin pour exonérer de taxes certaines importations.
Otto Pérez a été privé mardi de son immunité par un vote du Parlement, une mesure inédite dans l’histoire du Guatemala et qui a suscité la liesse de la population.
Dès l’annonce, dans la nuit, de sa démission, des dizaines de Guatémaltèques ont accouru devant la Cour suprême, au son des sifflets et scandant « Otto, voleur, tu vas aller à Pavon », l’une des principales prisons du Guatemala.
« C’est bien que les citoyens continuent avec courage et maturité ces mouvements sociaux », a commenté la militante indigène Rigoberta Menchu, Prix Nobel de la paix 1992, venue célébrer la décision à la place de la Constitution, où un autre groupe était réuni jeudi matin.
Entêtement
Malgré les nombreux appels à sa démission, Otto Pérez avait répété sans relâche, ces dernières semaines, qu’il ne quitterait pas son poste avant la fin de son mandat le 14 janvier prochain.
Il a finalement cédé à une mobilisation populaire sans précédent dans ce pays pauvre d’Amérique centrale, avec des manifestations pacifiques organisées chaque semaine depuis avril, quand le scandale a éclaté.
Les manifestants réclament le report du scrutin, souhaitant d’abord une vaste refonte du système politique pour le purger d’une corruption endémique.
Signe d’un renversement de situation, l’humoriste Jimmy Morales, candidat pour un parti de droite et sans expérience politique, est désormais en tête des intentions de vote à la présidentielle, selon un sondage publié jeudi.
À 46 ans, il est crédité de 25 % des intentions de vote, dépassant Manuel Baldizon (droite, 22,9 %), le favori jusqu’alors, et la sociale-démocrate Sandra Torres, ex-première dame, avec 18,4 %, selon l’enquête effectuée quelques jours avant la démission du président.
Les deux places pour le deuxième tour du 25 octobre devraient donc se jouer entre ces trois candidats sur les 14 inscrits.
Le contexte atypique d’ébullition populaire a poussé le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH) au Guatemala à mettre en garde contre de « possibles manifestations violentes » le jour du vote.
Dimanche, quelque 7,5 millions de Guatémaltèques, sur 15,8 millions d’habitants, sont appelés aux urnes pour désigner le nouveau chef de l’État, ainsi que 158 députés et 338 maires.
Le Guatemala, marqué par 36 ans de guerre civile (1960-1996), reste, sur le plan mondial, l’un des pays enregistrant le plus de violences liées à la criminalité avec 6000 morts par an, en majorité causées par le crime organisé.
GUATEMALA
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