L’hydre du péage remontre sa tête

Le péage ? Oui, mais…

Quand les politiciens vont-ils prendre leçon du passé ?

Tribune libre

C’est le premier ministre Maurice Duplessis, qui inaugura en 1959, à Montréal, l’autoroute des Laurentides. Ce fut la première autoroute au Québec et elle était à péage. Vingt ans plus tard, le péage fut aboli par le premier ministre René Lévesque suite aux demandes pressantes des maires des villes de Laval, Ste-Thérèse, Lorraine, Boisbriand, Blainville et St-Jérôme. Ceux-ci avaient entrepris une campagne de persuasion, dans laquelle ils avaient investi beaucoup de temps et d’argent, afin de convaincre les politiciens d’éliminer le péage qu’ils qualifiaient de trop onéreux pour monsieur et madame Tout-le-monde. Ils soulignaient que ces derniers l’évitaient et empruntaient la seule voie alternative, la vieille 11, qui était toujours bondée et difficilement praticable. Ces bouchons, disaient-ils, affectaient aussi le développement résidentiel et industriel de leurs villes des Basses-Laurentides.
Aujourd’hui, lorsqu’on constate le développement extraordinaire de cet immense territoire qui va maintenant au-delà de St-Jérôme, on doit reconnaître que les maires et les conseils municipaux du temps ont rendu un grand service à leurs concitoyens passés et actuels. Depuis, les villes, sans exception, sont toutes devenues dynamiques, croissantes, belles et des endroits où il fait bon vivre et y élever des enfants. Le budget provincial a amplement été compensé par toutes les taxes qui lui sont venues des investissements nombreux de cette région qualifiée maintenant de « couronne nord de Montréal ». Celle-ci a aussi de plus en plus d’importance dans le schéma politique du Québec. C’est une preuve que le péage était un obstacle majeur.
Dans la région de Montréal, les péages furent supprimés pour les ponts Jacques-Cartier, Victoria et Honoré-Mercier en 1962 et pour le pont Champlain en 1990. Ce fut de même dans la région de la ville de Québec. Depuis, il n’y a plus de points de péage sur les routes du Québec. Les ponts libérés de péage ajoutés au nouveau tunnel Hyppolyte-Lafontaine à circulation gratuite, entre Montréal et la Rive-sud, ont aussi favorisé le développement extraordinaire qu’a connu la Rive-Sud. Comme quoi, la libre circulation est payante pour le Québec.
Mais depuis, l’hydre du péage remontre sa tête. En effet, depuis un an, le péage est réapparu sur le nouveau pont de la route 25 qui enjambe la rivière des Prairies à Laval et le sera aussi, bientôt, sur la route 30 de la rive-Sud sur la section construite en PPP (Partenaires Privés Publics).
De son côté, le ministre du transport du gouvernement du Canada vient d’annoncer son intention d’étudier la possibilité d’imposer à nouveau des péages sur les ponts Jacques Cartier, Honoré Mercier et Champlain. Il veut faire payer par les automobilistes-utilisateurs le nouveau pont Champlain que son gouvernement a promis de construire à Montréal, d’ici dix ans.
Premièrement, ce n’est pas un nouveau pont Champlain dont nous avons besoin pour remplacer l’existant. Pour éliminer, une fois pour toutes, les bouchons interminables qui y gênent la circulation, c’est un nouveau pont pour ajouter au pont Champlain existant remis à neuf qui est nécessaire.
Je suis en accord avec les péages si le principe suivant est respecté : Pour circuler d’un endroit à un autre en auto, le péage est acceptable à la condition qu’existe une autre voie publique gratuite, raisonnablement rapide, pour permettre à un automobiliste de se rendre à destination.
Ainsi, si un nouveau pont Champlain à péage est construit, le pont actuel réparé doit être libre de péage. L’automobiliste aura le choix : rentrer plus vite avec péage ou prendre un peu plus de temps sans péage. Pour la 30, l’alternative est la 132, une bonne route. Que la nouvelle 30 soit à péage est acceptable puisque la 132 est sans péage.
Par contre, si tous les ponts fédéraux redeviennent à péage, seuls le vieux et étroit pont Victoria et le tunnel Hyppolyte-Lafontaine, situé loin à l’est de l’île de Montréal, seront gratuits pour les automobilistes des deux rives du Saint-Laurent. Les Montréalais du centre et de l’ouest de Montréal de même que les citoyens de Brassard jusqu’à Chateauguay, Huntingdon et plus loin, se verront obligés de payer pour se rendre dans l’île de Montréal ou vers le nord car il n’y aura pas de voie alternative gratuite à proximité. Ce n’est pas juste et c’est inacceptable.
Il ne faut pas nuire au développement de Montréal ou des villes de la Rive-sud. Instaurer de nouveaux péages pour les ponts qui les relient sans assurer de voie alternative gratuite affectera économiquement et négativement toutes les villes desservies. Le passé nous l’a bien démontré. En plus, et c’est important, ils ajouteront d’importantes dépenses additionnelles de transport pour plusieurs contribuables et familles qui peinent déjà à rencontrer les deux bouts. Ce n’est pas une saine politique.
Quand les politiciens vont-ils prendre leçon du passé ?
Claude Dupras
Ps. En France, on respecte le principe que j’énonce plus haut par des routes alternatives identifiées « Bis ». Ainsi, d’Avignon à Lyon, il y a l’autoroute A7 à péage et la route identifiée « Bis Lyon ». Cette dernière est gratuite et passe normalement par les routes nationales. À remarquer, que le péage des autoroutes en France est de plus en plus coûteux et qu’une telle situation risque de se retrouver chez nous à la longue. Il vaut mieux y mettre un frein tout de suite.


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2 commentaires

  • Frédéric Picard Répondre

    3 avril 2012

    Je suis un inconditionnel des péages et du principe de l'utilisateur payeur lorsque l'état offre un service (en santé comme sur les routes). Une conscientisation est nécessaire, car il y a abus. En effet, certains imposent les coûts de leurs choix de vie à d'autres. Ici, les riches se tappent les pauvres.
    En bref, Montréal paie et les banlieues profitent. St-Bruno développe une petite banlieue cossue, à l'abris des wabos, HLM et autres gueux urbains. Mais les Montarvillois bénéficient d'emplois lucratifs au centre ville de Montréal, où ils y mangent un 12 pouces de Subway à 5$ (qui fabrique ledit 12 pouces pour un salaire de misère devinez ? )
    Cela créé des townships d'appartheid économique. Montréal doit payer pour policer ses quartiers défavorisés. St-Bruno, rien...
    Les péages sont donc un juste retour, une sorte de péréquation économique tout à fait équitable. Après tout, le Hummer du Montarvillois défonce Mont-Royal, lui aussi, lorsque le Montarvillois veut son Kouign Amann.
    Le train routier défonce nos routes, alors qu'il serait autrement plus économique et plus durable d'utiliser un train sur des rails en acier !
    Les gens doivent être responsabilisés à leurs usages. On pense que la route est gratuite, que le gouvernement sue l'asphalte et le béton. C'est faux !!! Vos autoroutes à 20,000 voies et vos ponts coutent. À nous TOUS ! Votre volonté de vivre qu'avec des gens de votre rang social, pèse à toute la société. NOUS n'avons pas à assumer VOS choix en tant que collectivité.
    Personellement, je suis beaucoup plus prêt à appuyer une nouvelle université (surtout si elle possède une faculté de médecine) qu'un nouveau pont. Et si on remplace le présent pont Champlain, qu'on aménage une voie de transport en commun ET des péages, c'est tant mieux.
    Il y a quelquechose de profondément injuste dans la gratuité routière. Les péages, les photo-radars et les taxes sur l'essence ne sont qu'un retour juste à l'équilibre.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 avril 2012

    L'étalement urbain est un désastre urbain, architectural, économique et écologique. Cet étalement ne pourra survivre à la montée inéluctable du prix de l'énergie. Les banlieues hideuses de Montréal et Québec, l'architecture "McDonald" sont les modèles parfaits de ce que le manque total d'urbanisme et le myopie des maires de banlieue, obsédés par leurs comptes de taxes ont laissés réalisés et encouragés, quand ils n'ont pas été les complices actifs des compagnies de construction.
    Ces "royaumes" de l'automobile doivent contribuer aux financements équitables des axes de communication qui drainent leusr habitants vers le centre des villes. Au-delà il faut réféchir pour savoir comment il sera possible, dans le futur de continuer à habiter et vivre dans ces cauchemars urbains. La décision de la CUM d'arrêter toute extension de l'étalement urbain est une bonne décision, trop tardive, hélas. Elle a rencontré l'oppositions des maires et des compagnies de construction, des développeurs et promoteurs en tout genre, des chambres de commerce, pas de surprise, ici. Il faut également revenir a un bati communautaire (condo) qui économise, terrain, énergie et infrastructure, sans oublier le transport en commun.