Le libéralisme plutôt que la survie identitaire

Legault n'est pas venu en politique pour la laïcité de l'État

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Tribune libre

L’appui populaire que s’est mérité François Legault dans le dossier de la laïcité lui permet de poursuivre la normalisation néolibérale de la société québécoise et ainsi achever le chantier lancé par les libéraux de Jean Charest.  On savait déjà que François Legault était le représentant des milieux d’affaires, légèrement biaisé envers l’entreprise québécoise. On l’a vu dans le dossier de l’aluminerie de Bécancour, pas particulièrement québécoise, dans son recul quant aux seuils d’immigration et dans les milliards de dollars qui sont disponibles pour des travaux de construction tandis que les budgets courants des ministères sont maintenus près des minimums décrétés par l’austérité libérale.


On le voit aussi dans la gestion du dossier des trop-perçus d’Hydro-Québec. En faisant la promesse de rembourser les trop-perçus Legault avait déjà compris que c’était là l’occasion de libérer Hydro-Québec du contrôle de la Régie de l’énergie.


La Régie de l’énergie avait été créée pour assurer que les Québécois bénéficient de cette richesse collective que constitue l’hydroélectricité en payant le tarif minimum requis pour couvrir les coûts d’exploitation, financer les investissements requis et fournir un dividende raisonnable à l’État. Ce sont les contribuables qui ont bénéficié des trop-perçus sous forme de dividendes au gouvernement et les remboursements aux clients auraient dû se faire aux dépends des contribuables, à même les  dividendes futurs payés par Hydro-Québec, et non par les clients eux-mêmes.


Le phénomène des trop-perçus aurait été facile à corriger et s’il a pu se poursuivre pendant plusieurs années c’est que parmi les classes dirigeantes, incluant les gestionnaires modernisés de la Régie, plusieurs croient que les tarifs d’électricité sont trop faibles au Québec et que l’exploitation de cette ressource naturelle devrait contribuer beaucoup plus au financement des services publics, en générant des dividendes beaucoup plus élevés pour le gouvernement. On ne sait pas comment se conclurait un débat public sur la question mais faute de débat on appréciait l’apport des trop-perçus.


Il n’y aura pas de débat et, en tablettant la Régie, Legault accommode Hydro-Québec qui pourra hausser ses tarifs un peu plus, tout en profitant de budgets de dépenses moins contrôlés qui lui permettront d’être plus généreux envers les fournisseurs et les sous-traitants. On n’a jamais trop d’amis.


La décision de Legault  répond à l’exigence néolibérale d’une réduction de la part de l’impôt sur le revenu des plus riches dans le financement des services publics, ce qui implique des tarifs plus élevés ou une privatisation de services publics. Compte tenu des besoins du Québec, gonflés par l’austérité libérale et la corruption privée-publique, un ajustement à la hausse des tarifs d’Hydro-Québec pourrait être acceptable pour la population, à condition que les taux d’imposition sur les revenus des particuliers soient gelés aussi longtemps que nécessaire, qu’aucune nouvelle mesure de réduction fiscale ne soit introduite et que les efforts pour combattre l’évitement fiscal, légal ou illégal, soit renforcés.


C’est cependant le dossier de l’Immigration qui illustre le mieux que, pour le Premier ministre, les besoins des milieux d’affaires priment sur la préservation de l’identité québécoise. La promesse électorale de réduire les seuils d’immigration et de revoir les processus de sélection afin d’accueillir des immigrants employables permettait de gagner à la fois les votes des nationalistes québécois et ceux des citoyens proches des milieux d’affaires. On sait maintenant que la baisse des seuils était un leurre. Les milieux d’affaires veulent des immigrants intéressants et ils en veulent beaucoup.


En acceptant bêtement l’argument de la pénurie de main-d’œuvre le gouvernement privilégie les milieux d’affaires aux dépends de la majorité des québécois. Les entreprises pourront combler leurs postes mais les nouveaux arrivants s’installeront avec leurs familles qui ont besoin d’éducation, de soins de santé et d’autres services, impliquant de nouvelles infrastructures, le tout financé par les impôts des québécois. De plus, la pénurie de main-d’œuvre ne sera aucunement réglée, elle va simplement se déplacer vers le secteur des services publics, ce qui signifie que les québécois de souche se plaindront de services publics médiocres encore longtemps, jusqu’à ce que leurs voix de bâtisseurs du pays ne soient plus audibles.


Le Premier ministre choisit une forme de croissance simpliste où la richesse du pays augmente par un accroissement de la population, sans accroissement notable de la richesse par habitant. C’est le mode de croissance qui plaît aux chambres de commerce, aux constructeurs, aux spéculateurs et aux petits vendeurs qui voient leurs chiffres d’affaires augmenter tout seul. Il y a une autre façon intelligente de faire face à la pénurie de main-d’œuvre, soit d’amorcer un déplacement d’emplois peu rémunérés vers les entreprises exportatrices qui ont besoin de main-d’œuvre. Ces emplois peu rémunérés sont souvent subventionnés directement ou indirectement par l’État, par exemple lorsque les employés et les entreprises ont des revenus trop faibles pour payer de l’impôt. Pour l’instant on continue d’appliquer des politiques de développement adaptées à un contexte de chômage élevé. Est-ce qu’il faut continuer à subventionner le développement d’activités, comme le tourisme par exemple, intensives en main-d’œuvre peu qualifiée?


 Investissement Québec pourrait avoir le mandat d’aider les entreprises québécoises en croissance à déplacer une partie de leurs emplois peu qualifiés à l’étranger en gardant les activités plus sophistiquées ici. Au contraire, M. Legault donne à IQ un mandat très fort d’amener le plus grand nombre possible d’entreprises étrangères au Québec, lesquelles seront en concurrence directe avec les entrepreneurs québécois dans la recherche d’employés.


M. Legault ne peut y échapper, le libéralisme économique est mondialiste. Les indépendantistes qui croient encore que l’élection de François Legault fut un grand pas dans la bonne direction seront finalement déçus.


Espérons cependant que l’adoption de la loi sur la laïcité redonnera aux québécois la fierté et le courage de reprendre le combat.



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