Ainsi, le nouveau président de la Caisse de dépôt veut continuer d’utiliser les paradis fiscaux.
« C’est pour éviter la double imposition lorsqu’on structure des transactions financières internationales », a-t-il expliqué.
« Ces juridictions à fiscalité réduite fonctionnent comme des terrains neutres. »
PAS DES PARADIS, VOYONS !
Admirez le choix de mots.
Quand des individus ou des corporations planquent de l’argent aux îles Coconut, ils utilisent des « paradis fiscaux ».
Mais quand c’est le gouvernement qui le fait, on parle de « juridictions à fiscalité réduite ».
Il n’y a pas que leur comptabilité qui est créative, leur grammaire l’est aussi.
Que voulez-vous, c’est la raison d’État.
Un individu qui veut payer moins d’impôt est immoral.
La Caisse de dépôt qui veut payer moins d’impôt se conduit de façon morale, car elle fait économiser de l’argent à tous les Québécois !
Vous comprenez la différence ?
« Lorsque le président pose un acte illégal, il devient automatiquement légal », disait Richard Nixon pour justifier le fait qu’il ait espionné ses adversaires démocrates.
L’homme derrière le scandale de Watergate avait du front tout le tour de la tête et une conception assez particulière de la Constitution, mais il n’avait pas tout à fait tort.
Quand c’est le gouvernement, c’est pas pareil.
Car le gouvernement agit pour le bien-être de tous.
Alors...
LA RAISON D’ÉTAT
Rappelez-vous l’affaire de la ligne Hertel-des-Cantons à la fin des années 1990.
Au lendemain de la crise du verglas, Québec avait adopté des décrets pour effectuer des travaux que l’on considérait comme urgents, dont la ligne électrique Hertel-des-Cantons en Montérégie.
Le premier tronçon de 100 km a été érigé à la fin de 1998 et au début de 1999, sans audiences publiques ni évaluation environnementale, au grand dam de nombreux citoyens qui se retrouvaient soudainement avec des fils de haute tension au-dessus de leur tête.
Ces citoyens mécontents se sont donc tournés vers la Cour supérieure, qui leur a donné raison et ordonné la fin des travaux, en disant que le gouvernement n’avait pas le droit d’ériger cette ligne.
Qu’a fait le gouvernement de Bernard Landry, qui était au pouvoir à l’époque ? Il a adopté une loi rétroactive rendant les décrets illégaux... légaux !
Cette loi, adoptée en 2002, rendait les travaux que le gouvernement avait effectués illégalement en 1998-1999 légaux !
Comme par magie !
Pourquoi ? Parce que la raison d’État le voulait !
Essayez, vous, de faire changer une loi afin d’effacer et de réécrire le passé !
Mais que voulez-vous, quand c’est le gouvernement, c’est pas pareil...
DEUX POIDS...
On se retrouve donc dans la situation bizarre où le gouvernement qui lutte contre les paradis fiscaux utilise lui-même des paradis fiscaux (pardon : des « juridictions à fiscalité réduite ») pour faire fructifier les économies de ses contribuables !
Ce qui est immoral pour pitou est moral pour minou.
Cela dit, n’est-ce pas ce que font plusieurs politiciens ?
En campagne, ils signent un contrat moral avec les électeurs... qu’ils jettent aux poubelles en haussant les épaules une fois élus.
Que voulez-vous : il y a ce que le gouvernement promet de faire, ce qu’il souhaite faire, ce qu’il veut faire...
Et ce qu’il peut faire.
La réalité a ses raisons que la morale ignore...