Le fractionnement de revenu entre conjoints serait inéquitable pour les régions

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Fiscalité fédérale sur mesure pour l'Ouest

Le fractionnement du revenu entre conjoints, une mesure fiscale envisagée par le gouvernement Harper, coûtera plus cher que prévu, aidera moins de Canadiens que prévu et profitera surtout aux provinces fortement conservatrices comme l'Alberta et la Saskatchewan, selon une étude de l'Institut Broadbent.
Ce rapport, qui sera dévoilé mardi, tire les mêmes conclusions que de précédentes études sur cette promesse de la campagne conservatrice de 2011. Celle-ci était conditionnelle à l'atteinte de l'équilibre budgétaire.
Comme l'avait déjà indiqué l'Institut C.D. Howe en 2011, ce plan ne profitera pas à la grande majorité des familles canadiennes. En fait, ce système favoriserait les familles à revenu unique les plus riches du pays.
L'étude de l'Institut Broadbent analyse plus profondément les données disponibles, utilisant notamment une stimulation informatique de Statistique Canada sur les revenus estimés des familles en 2015, l'année que pourrait être instaurée cette mesure dès 2015.
Ce programme coûterait environ 3 G$ par années au Trésor canadien. Environ 90 % les ménages n'en tireraient aucun bénéfice. Ce chiffre est légèrement supérieur à celui estimé par C.D. Howe en 2011.
Plus surprenant encore est la grande disparité régionale de ceux à qui le programme profiterait le plus. Parmi les familles ayant des enfants à la maison, le principal groupe ciblé par les conservateurs , celles résidant en Alberta seraient celles qui profiteraient le plus du fractionnement des revenus.
Elles économiseraient en moyenne 1359 $ en impôts tandis que celles de la Saskatchewan en sauveraient 1070 $. Ces deux provinces, qui comptent 42 circonscriptions fédérales, ont élu 40 députés conservateurs en 2011. Toujours au sein de cette catégorie, les familles de l'Île-du-Prince-Édouard paieraient 488 $ de moins en impôts tandis que celles du Québec économiseraient 510 $. Les ménages ontariens et néo-brunswickois auraient respectivement 874 $ et 787 $ de plus dans leurs poches.
Le directeur général de l'Institut Broadbent, Rick Smith, ne voit pas d'autres raisons que la cible du programme, les familles dont la femme demeure à la maison pour s'occuper des enfants, pour expliquer cette disparité régionale.
« Il y a moins de familles de cette catégorie mais il semble qu'il y en ait plus en Alberta qu'au Québec », a-t-il souligné.
En vertu de ce programme, les couples avec de jeunes enfants pourront fractionner jusqu'à 50 000 $ d'un des deux revenus pour économiser de l'impôt au sein du ménage
L'étude de l'Institut Broadbent indique que 90 % des familles ne bénéficieraient pas de cette formule parce qu'elles n'ont pas d'enfant de moins de 18 ans ou que les deux conjoints se retrouvent dans la même tranche d'imposition.
Pour qu'une famille en profitent le plus, un des conjoints doit gagner 100 000 $ de plus que l'autre et son revenu imposable doit dépasser 136 270 $, le plus haut taux marginal. Les économies fiscales réalisées par les familles canadiennes ayant des enfants de moins de 18 ans sont estimées en moyenne à 841 $ mais 54 % d'entre elles n'en tireraient aucun avantage.
Pour les 147 000 familles canadiennes dont un des conjoints a un revenu très élevé, l'économie s'élèverait à 7128 $.
« Si le gouvernement avait élaboré une politique pour aggraver les iniquités, ce serait bien celle-ci, s'est indigné Rick Smith. Cette politique est une machine pour créer de l'iniquité. »
L'ancien ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a semé la bisbille au sein du caucus conservateur, en février, en mettant en doute la prudence d'utiliser le surplus budgétaire attendu l'an prochain pour le fractionnement des revenus, juste avant la tenue des élections générales.
Son successeur, Joe Oliver, semble hésiter devant ce sujet, l'appuyant mais laissant aussi la porte ouverte à des modifications.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) doit proposer une résolution à la Chambre des communes dénonçant ce projet parce qu'il nuira à la société canadienne en aidant peu de gens et en aggravant l'iniquité financière.
La mesure semble populaire, si on se fie aux sondages. Selon Rick Smith, la majorité des Canadiens croient qu'ils en profiteront alors que ce ne sera sans doute pas le cas.
La directrice générale de l'Institut du mariage et de la famille Canada, Andrea Mrozek, croit que le fractionnement des revenus peut être instauré « de la bonne façon » afin qu'un plus grand nombre de familles puissent en profiter.
« On peut regarder le système français qui permet à un parent de diviser son revenu avec un enfant, ce qui lui permettrait de profiter du fractionnement. »
Selon l'étude de l'Institut Broadbent, cette modification aiderait un autre 20 % des familles.
Jack Mintz, un expert fiscal de l'Université de Calgary, reconnaît que l'iniquité est inévitable mais elle peut être atténuée par d'autres mesures, en haussant le crédit d'impôt pour les frais de garde des enfants, par exemple.
Rick Smith dit qu'il existe de bien meilleures façons pour soulager les familles les plus en difficulté. Il propose d'augmenter la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour les familles à bas revenus. Les auteurs de l'étude réalisée par l'Institut C.D. Howe avaient proposé une solution similaire.
« Nous ne serions pas si inquiets si (le fractionnement) ne coûtait pas aussi cher, a affirmé M. Smith. (Ce programme) coûterait au Trésor fédéral 3 G$ par année. En fait, nous parlons d'un transfert des richesses de neuf Canadiens sur 10 vers les plus aisés. »


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