C’est un départ électoral qui annonce une vraie surprise.

Le fond des choses

Nous n’avons pas besoin de discours irréalistes teintés de nationalisme

Tribune libre

C’est un départ électoral qui annonce une vraie surprise. Bien malin aujourd’hui est celui qui peut prédire le résultat de l’élection générale au Québec. D’autant plus que depuis les cinq dernières années, les Québécois sont devenus des électeurs imprévisibles comme ils l’ont démontré avec Mario Dumont, Jack Layton et Gilles Duceppe.
Dumont, chef de l’Action Démocratique du Québec (ADQ), parti qu’il avait fondé quelques années auparavant, est venu à un cheveu d’être premier ministre du Québec à l’élection de 2007 mais il a dû se contenter d’être chef de l’opposition officielle avec 41 députés (le PM Jean Charest en avait obtenu 48). En l’élection de 2008, il se retrouva avec 7 députés. Le « bon Jack » Layton, en 2011, fit élire 59 députés NPD alors que le parti n’en n’avait jamais eu plus d’un. De son côté, Duceppe qui devait augmenter le nombre de ses 47 députés du Bloc Québécois à la Chambre des communes se réveilla avec quatre députés. Tout ou rien, pas de milieu.
La médiatisation à outrance et les réseaux sociaux qui mettent en relief toutes les opinions, toutes les critiques, mêmes mensongères, ajoutent à la confusion de l’électeur. Ce dernier peine à s’identifier vraiment avec sa classe politique malgré qu’en bon démocrate, il continue de voter. De leur côté, les habiles stratèges politiques profitent de la période électorale pour tout faire pour l’influencer momentanément afin qu’il s’oriente vers leurs poulains. Malheureusement, trop souvent, il est victime de chimères et les lendemains lui font comprendre que tout n’était que le fruit de vaines imaginations et d’illusions. À la longue, cela génère une insatisfaction profonde et un mépris envers la politique et ses joueurs.
Voilà pourquoi, il doit doubler d’attention, bien jauger ce qui se dit et les commentaires qui en résultent, ne pas se laisser influencer trop vite et attendre à la fin de la campagne électorale pour prendre sa décision après avoir tout bien pesé, comparé, analysé et ressenti.
J’ai cru, et je crois encore, que la question de la loi et de l’ordre est un sujet important de cette élection. Suite à la démission du jeune leader étudiant du mouvement radical la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois (GND), plusieurs observateurs ont jugé bon de l’encenser pour ses grandes qualités, nonobstant qu’il ait prêché et dirigé la désobéissance civile contre la loi 78 (devenu loi 12) qui a résulté dans des violences et des intimidations inouïes envers les étudiants et les enseignants qui voulaient retourner en classe. Ils ont aussi conclu que cela n’aidera pas électoralement Jean Charest prétextant qu’il y avait en GND le symbole du non-respect de la loi et de l’ordre et que ce dernier n’étant plus là, ses arguments ne colleraient plus. Je ne partage pas cet avis car j’estime que Charest ne peut sortir que gagnant-gagnant de la contestation estudiantine.
Plusieurs collégiens ont déjà voté majoritairement pour le retour aux études dans leur collège respectif. D’autres, pour la continuation de la grève. La votation continue… malgré que la démocratie étudiante ne soit pas vaillante puisque le nombre de ceux qui s’expriment par vote est ridiculement bas. Si, malgré tout, les contestataires empêchent, le 15 août, les étudiants de rentrer en classe, Charest gagnera des points politiques. Si la rentrée se fait dans l’ordre, Charest gagnera encore plus de points car il pourra affirmer, avec raison, que sa loi a réglé le problème de la contestation étudiante et qu’il a su réorganiser les cours afin que les grévistes puissent reprendre leur semestre perdu.
La venue de l’ex-chef de police de Montréal, Jacques Duchesneau, comme candidat de la Coalition Avenir Québec (CAQ) m’a surpris. N’avait-il pas affirmé clairement que ses actions et son rapport sur la corruption au Québec n’étaient pas motivés par la politique et que de toute façon, il ne serait pas candidat ? Tout le monde peut changer d’idée et je ne lui en tiens pas rigueur. On a besoin de bonnes personnes en politique et Duchesneau en est une.
Sa candidature met davantage en évidence la question de la corruption dans le domaine de la construction au Québec. Il est important que ce sujet soit bien discuté lors de la présente campagne électorale. On critique beaucoup Charest et le parti libéral sur leur façon de récolter des fonds et d’octroyer les contrats aux professionnels. Mais on oublie que Duchesneau a démontré clairement que le Parti Québécois (PQ) et l’ADQ ont agi de la même façon au pouvoir et dans l’opposition, que le PQ continue de le faire, en récoltant les contributions maximales de 3 000$, permises par la loi, de plusieurs membres d’une même compagnie qu’elle soit d’ingénieurs, de comptables ou d’avocats.
Seul René Lévesque avait établi une méthode d’octroyer les contrats sans favoritisme, par catégories d’expertises, de capacité de réalisation des firmes québécoises, tout en assurant que toutes obtiendraient des contrats à leur portée. Robert Bourassa a changé cette méthode et a implanté la donne actuelle. Quant à Bouchard, comme je l’ai expliqué dans un billet précédent, il a foutu le bordel dans le contrôle des projets en éliminant des milliers de fonctionnaires, ingénieurs et techniciens, dédiés à la réalisation des projets de construction du gouvernement. Le système doit être changé et Duchesneau est un de ceux qui ont contribué à cette perception grandissante chez monsieur et madame-tout-le-monde. Je l’applaudis.
Les chefs des partis ont commencé à proposer des initiatives à court et à long terme pour assurer le développement économique du Québec. J’aimerais bien que ce sujet devienne le plus important de cette élection. Bien objectivement, je ne crois pas que ce sera ainsi, mais on peut toujours espérer. Les vraies questions pour les Québécois sont : comment assurer que le niveau d’emplois persiste, que de nouveaux emplois de qualité prennent jour, que le déficit soit contrôlé et que la dette diminue, tout en maintenant notre qualité de vie ? On devrait discuter de toute la question énergétique : eau, gaz, pétrole, vent, soleil. Par qui, pour qui, au profit de qui ? Comment ? De la question du financement : gouvernemental, privé et/ou mixte. De la question de la main d’œuvre professionnelle et autre.
Nous n’avons pas besoin de discours irréalistes teintés de nationalisme comme ceux qui cherchent à nous faire croire que toutes nos ressources naturelles sont bradées. On doit nous entretenir sur nos capacités réelles de développement, de financement et de la nécessité de réunir des entreprises capables et motivées pour nous aider à développer nos richesses, dans un bon ordre et dans notre intérêt futur. Le Plan Nord est-il un des vecteurs importants de l’avenir économique du Québec ? On le dit immense et prometteur. Quelle est la position réelle de chacun des partis politiques sur ce projet ? Nous devons le savoir.
J’espère que les animateurs et les participants des débats des chefs susciteront la discussion sur ces sujets de première importance.
Quant à nous, électeurs, ne nous attardons pas sur les réparties flamboyantes ou piquantes des candidats mais plutôt sur le fond des choses qui seront discutées. Ainsi, nous serons en mesure de mieux décider.
Claude Dupras


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 août 2012

    Vous écrivez:"Je ne partage pas cet avis car j’estime que Charest ne peut sortir que gagnant-gagnant de la contestation estudiantine."..
    Mon commentaire:
    Et si les associations étudiantes en grève décidaient de retourner en classe parce que elles attendent l'élection d'un gouvernement péquiste?

  • Jean Lespérance Répondre

    11 août 2012

    Vous ne parlez pas du fond des choses, et le fond des choses n'est pas de parler de ce que les autres partis ( autres que le PLQ) pensent du Plan Nord, mais bien de la manière de le développer. Comme on ne voit pas les contrats, on ne peut pas discuter de ce qu'on ne voit pas.
    La promesse de 250,000 emplois sans un développement secondaire et tertiaire est un grossier mensonge.
    Le fond des choses est: est-ce qu'on nous ment ou est-ce qu'on projette de nous fourrer au détriment des donneurs à la caisse électorale du Parti Libéral?
    Compte tenu qu'on a laissé détruire tout notre secteur manufacturier sans rien faire et qu'on a même pas fait une toute petite enquête sur une perte de 40 milliards dans ce qu'on appelle notre bas de laine, vous ne trouvez pas que le fond des choses, les vraies affaires, on les a assez escamotées? Le temps est venu de rendre des comptes, de parler du fond des choses, des vraies affaires.
    Les vraies affaires sont : comment s'organiser pour reprendre en mains le contrôle de nos finances publiques et de notre économie? Pas évaluer qui nous donne le plus de bonbons pour ensuite nous endetter pour les payer. Comme le faux fonds des générations, une espèce de caisse de Noël sur une carte de crédit.
    Le fond des choses, ce n'est pas la CAQ ni le Parti Libéral qui vont nous en parler. Et je ne suis pas certain que ça vous tente d'en parler parce qu'à ce moment-là ça va mettre le Parti libéral dans un bourbier dont il ne se sortira jamais.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    11 août 2012

    @ C. Dupras:
    «Nous n’avons pas besoin de discours irréalistes teintés de nationalisme comme ceux qui cherchent à nous faire croire que toutes nos ressources naturelles sont bradées...».
    En tout cas, nos minerais dans les mines de la région de Fermont le sont. Comme le sera bientôt notre pétrole découvert à l'île d'Anticosti, si nous n'en faisons rien.
    Les discours nationalistes ne sont pas nécessairement irréalistes, non; la démagogie libérale et caquiste, le serait, plutôt, par les temps qui courent...

  • Archives de Vigile Répondre

    11 août 2012

    Le problème, c’est qu’il y a de plus en plus d’étudiants, de citoyens, de peuples, de nations, de tout horizon, qui voient maintenant, avec une clarté nouvelle, même prévisible tellement il est mécanique, à travers le jeu machiavélique des politiciens, comme M. Charest en est un exemple au Québec, ou à travers un jeu semblable, des autres chefs pendant l’élection qui nous occupe, tentant aussi d’utiliser les mêmes stratagèmes du passé, qui marchaient il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui, cela ne fonctionne plus, cela ne fonctionnera plus. Ce qui était le livre de chevet préféré du fin manipulateur devra être réécrit. L’utilisation d’un machiavélisme quelconque jouera directement et automatiquement contre son utilisateur. Lorsque l’on voit à travers le jeu, le jeu ne tient plus, il disparaît, et la réalité apparaît au grand jour, à la vue et au su de tous. De plus, il est retourné contre son utilisateur.
    Personne ne peut prévoir maintenant où s’en va réellement le peuple du Québec. Et tenter de le prévoir ne changera rien à sa destinée effective.
    Plus les chefs des différents partis, quels qu’ils soient, tenteront de ridiculiser, de rabaisser, par une arrogance mal-dissimulée, les autres chefs de partis, leurs programmes, leurs candidats, cela aura, illico presto, directement, un effet négatif sur leur propre popularité avec l’électorat.
    L’électorat ne se contentera plus comme hier de superficialité, de guerre d’ego, de stupidité, de promesses insipides, de peccadilles ou de mensonges mal dissimulés. On pourrait bien, devoir encore assister à une autre vague déferlant sur tout le Québec, et les tiers-partis ne sont pas exclus de cette possibilité, même si aujourd’hui, les pronostics et les sondages ne l’indiquent pas, justement parce qu’ils fonctionnent encore à l’ancienne ou parce que délibérément ils sont encore trafiqués, et ainsi les vérités sont encore dissimulées au peuple qu’ils sont chargés d’éclairer.
    On a tendance à sous-estimer le peuple à cause de cette mentalité de moutons suivant un sauveur, incarnée par un personnage politique. Mais le peuple d’aujourd’hui n’est plus le même peuple qu’hier, certains, de plus en plus nombreux, le constate tous les jours, avec tous les évènements d’une ampleur sans précédent que vivent aujourd’hui tous les habitants du Québec. Nous vivons la renaissance d’un peuple, c’est un peuple différent que nous avons sous les yeux aujourd’hui, et ceux qui négligent ou négligeront ce phénomène nouveau, qui transcende le passé historique du Québec, verront leurs illusions s’effondrer devant cette nouvelle réalité qui s’imposera d’elle-même, sans aucun leader pour la conduire. Les leaders étant relégués au second rang. Demandez à M. Duceppe, à M. Dumont. Et demain à d’autres.
    C’est fini la manipulation, le mensonge. Le néolibéralisme se meurt. Mais avant d’accepter sa propre mort, nous pourrions bien encore devoir assister à un soubresaut de violence et de déni de la part de ceux qui francmaçonnent derrière les coulisses du pouvoir, à l’image du conflit étudiant et de la loi 78. La guerre mondiale qui se prépare en sera l’expression.

  • Pierre Schneider Répondre

    11 août 2012

    Que de vision dans ces propos pleins d'une sagesse de satisfait qui jamais ne remettrait en cause le système faussement démocratique dans lequel nous vivons. Autrement dit, heureux les creux, car ils verront dieu...

  • Jean Lespérance Répondre

    11 août 2012

    Si on parlait du fond des choses M.Dupras, on parlerait due la création de la Banque du Québec et d'une Société d'hypothèque(s) et de logement(s) du Québec.
    Cela s'appelle reprendre le contrôle de nos finances publiques.
    Mme Marois parle d'une Banque de développement du Québec pour contrer l'exode de nos compagnies à l'étranger, une simple loi suffit pour le faire. Exemple: toute compagnie doit obtenir le consentement du gouvernement pour être vendue.
    Cela s'appelle reprendre le contrôle de notre économie.
    Le pouvoir politique, s'il n'est pas accompagné d'une volonté réelle de changement est un leurre, une illusion.
    Puis investir dans notre économie par le biais de la Caisse de dépôt, oui mais pas à l'aveuglette.
    Les redevances du domaine minier ne rapporteront jamais autant que la création d'emplois dans ce même secteur avec un développement secondaire et tertiaire. Faire des produits finis et les vendre est plus payant que des redevances.
    L'argent des redevances ne remplacera jamais les emplois.
    En parlant d'économie et de finance, là on va vraiment parler du fond des choses.

  • François Ricard Répondre

    11 août 2012

    Et qu'arrive-t-il de l'ON et de M Aussant?
    l'ON qui compte plus de 3 500 membres et près de 100 000 sympathisants?
    Tout ce monde sans une tribune.
    Devons-nous prendre la rue pour avoir une voix?
    En démocratie tout le monde a droit au chapitre.
    Cependant il n' y a personne pour élever la voix contre cette injustice.
    J'ai comme l'impression que Vigile ne veut pas soulever la question de peur de faire du tort à Mme Marois.
    Mme Marois qui, à ce qu'il paraît, a insisté en certains milieux pour que M. Aussant ne soit pas des débats.
    L'Amphithéâtre de Québec y est peut-être pour quelque chose?